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Cannes 2011 : fantaisies nocturnes de Woody Allen

 

C'est sur une note plus que charmante que le 64e Festival de Cannes a débuté avec la présentation de Midnight in Paris de Woody Allen. Dès les premières images de cette comédie romantique mettant en vedette Owen Wilson et Rachel McAdams, le ton est donné. Ainsi, peu avant le classique générique sur fond noir, Allen balance de superbes images de Paris le jour, Paris la nuit, Paris sous le soleil et Paris sous la pluie. Un regard de touriste amoureux auquel il est difficile de résister.

« Je ne suis pas allé à Paris avant 1965, racontait le cinéaste en conférence de presse. Le Paris que je connaissais était celui du cinéma  américain. Comme je l'ai fait pour Manhattan, j'ai voulu montrer Paris à travers mes yeux. Je ne voulais pas montrer Paris de façon réaliste mais subjective. Je suis chanceux car il y a eu plusieurs jours de pluie lors du tournage du montage d'ouverture. J'aime les villes sous la pluie, surtout Paris. »

Pour filmer Paris dans toute sa splendeur, Allen a fait appel à Darius Khondji : « J'ai travaillé avec Darius qui a fait la direction photo de Whatever Works ; j'admire le travail qu'il a fait pour Stealing Beauty de Bernardo Bertolucci avec Liv Tyler. Je n'avais pas de films français en tête, mais je voulais que Paris soit belle. Je souhaitais de douces couleurs automnales, des bruns, des rouges, des jaunes. Je ne veux pas voir les acteurs dans des tonalités froides. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est significatif pour moi… comme Paris sous la pluie. »

Cette fascination pour Paris sous la pluie, Woody Allen l'a transmise au personnage d'Owen Wilson, Gil, scénariste californien aspirant romancier rêvant de la vie bohème à Paris, au grand dam de sa fiancée manipulatrice incarnée par Rachel McAdams.

« J'étais si excitée de jouer cet objet de désir, confiait l'actrice canadienne, cette femme délicieusement directe, c'était différent des rôles d'ingénues qu'on me confie habituellement. C'était amusant de voir Paris de son point de vue. Durant le tournage, Owen me disait que c'était plus amusant quand je jouais les méchantes. »

Malgré son physique de surfer californien, Owen Wilson campe un alter ego tout à fait convaincant de Woody Allen tant par son débit que par sa gestuelle : « Woody m'a donné beaucoup de liberté et j'étais très à l'aise d'essayer plusieurs choses. J'étais aussi très excité du fait de tourner des scènes en une prise plutôt que plan par plan. »

De dire Woody Allen : « Owen est totalement à l'opposé de moi, il est très Côte-Ouest, décontracté, amoureux de la plage, alors que je suis très new-yorkais. Il n'a pas voulu la jouer intello de la Côte-Est ; je n'aurais jamais pu donner cette dimension au personnage. Je n'aurais jamais pu imaginer quelqu'un d'autre que lui dans ce rôle. »

Alors que sa fiancée ne jure que par son ami Paul (Michael Sheen), pédant érudit refusant d'admettre ses erreurs, même lorsqu'une charmante guide du Musée Rodin (Carla Bruni-Sarkozy) le reprend poliment, le romancier romantique se retrouvera bientôt chaque soir, sur les douze coups de minuit, dans le Paris des années 20.

« Le grand piège, avance Allen, c'est de croire qu'on aurait été plus heureux de vivre à une autre époque, mais lorsqu'on retourne dans le temps, on ne pense qu'aux bonnes choses. J'aurais du mal à m'adapter à une époque où il n'y aurait pas de novocaïne chez le dentiste ni de revitalisant pour les cheveux. »

Chaque virée nocturne devient prétexte à présenter des figures marquantes de l'époque. Gil y croisera notamment les Fitzgerald, Gertrude Stein (splendide Kathy Bates), Dali (génial Adrien Brody), Hemmingway et une jolie muse rêvant d'avoir vécu à la Belle époque (Marion Cotillard). Tous deux souffrent du syndrome de l'âge d'or comme le dirait le personnage de Sheen.

« Durant ma jeunesse, j'étais un grand admirateur de Stein, de Hemingway, de Dali. C'était facile d'écrire un scénario mettant en scène ces icônes. J'avais un point de vue satirique sur eux, je ne voulais pas en faire des personnages profonds mais amusants. » Pari réussi, cher Woody. »