En huit ans au Festival de Cannes, je crois que c'est la première année où faire ses prédictions se révèle un exercice compliqué tant de nombreux candidats se retrouvent en tête du peloton dans le cœur de plusieurs critiques. Pas de chef-d'oeuvre ni de navet à l'horizon, mais quelques films qui ont déçu quelque peu et, surtout, des œuvres fortes, tant sur le plan de la forme que du fond, auront marqué cette 64e édition.
Parmi les favoris se classent Le gamin au vélo des Dardenne, qui pourraient remporter leur troisième Palme d'or, Polisse de Maïwenn, qui serait la deuxième femme à remporter cet honneur, The Tree of Life de Terrence Malick, Habemus Papam du palmé d'Or Nanni Moretti. Sélectionné à la dernière minute, The Artist de Michel Hazanavicius en séduit plus d'un, surtout les Américains qui y ont vu les des plus beaux hommages au septième art – je rappelle que la co-vedette canine du séduisant Jean Dujardin a déjà remporté la Palm Dog. Quant au Melancholia de Lars Von Trier, les membres du jury feront-ils fi des propos déplacés de l'ex-chouchou de Cannes ? Et Pedro Almodovar et son thriller La piel que habito, à la froideur clinique surprenante, pourrait-il aussi se classer ?
Alors que Ichimei de Takashi Miike a peu fait sensation, et avec raison, il semblerait que l'ordinaire Drive de Nicolas Winding Refn pourrait se retrouver au palmarès – qui sait l'interprétation stoïque de Ryan Gosling a retenu l'attention du jury. Ayant découvert ces deux cinéastes grâce au Festival Fantasia, où j'ai pu voir Itchi the Killer et Audition du premier et la trilogie Pusher du second, j'ai trouvé bien décevant que les films présentés ici se révélaient inférieurs.
Lauréat du Prix Oecuménique, le road movie de Paolo Sorrentino, This Must Be the Place, où Sean Penn, en rockstar gothique évoquant Robert Smith et Ozzy Osbourne, part à la chasse aux nazis en Amérique profonde pourrait aussi partir avec quelques prix, bien que la mise en scène, très maniérée soit bien en deçà de celle d'Il Divo. Il en est de même pour le fascinant mais interminable Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan, qui raconte en temps réel la recherche d'un cadavre – on est bien loin de CSI…
Dernier film à être présenté à la compétition, La source des femmes de Radu Mihaileanu a été copieusement applaudi… et hué. Pour ma part, j'ai trouvé charmant, sincère et chaleureux ce fait divers transformé en conte folklorique où les femmes font la grève de l'amour afin que les hommes. Certains prédisent un prix d'interprétation d'ensemble aux actrices, la belle Leila Bekhti et la fougueuse Biyouna en tête ; d'autres aux actrices de L'Apollonide : Souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello, où se démarque l'émouvante Alice Barnole en prostituée défigurée.
Côté court, Nicolas Roy (Ce n'est rien) a huit adversaires de taille, dont l'hilarant Bear de Nash Edgerton, qui a fait crouler de rire le public, et Maillot de bain 46 de Wannes Destoop, récit touchant d'une adolescente mal dans sa peau. Si le drame intense raconté avec force ellipse porté par Martin Dubreuil ne remporte pas la Palme d'or, que Nicolas Roy sache qu'il méritait absolument sa sélection à Cannes.
Bon, allez, je me lance, voici donc mes choix :
Palme d'Or
Polisse de Maïwenn
Mention à Habemus Papam de Nanni Moretti
Grand Prix du Jury
The Tree of Life de Terrence Malick
Mention à Melancholia de Lars Von Trier
Prix du jury
Le gamin au vélo de Luc et Jean-Pierre Dardenne
Mention à The Artist de Michel Hazanavicius
Prix du scénario
Habemus Papam de Nanni Moretti
Mention à Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan
Prix de la mise en scène
We Need to Talk About Kevin de Lynne Ramsay
Mention à Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan
Prix d'interprétation féminine
Tilda Swinton (We Need to Talk About Kevin de Lynne Ramsay)
Mention au tandem Marina Foïs / Karin Viard (Polisse de Maïwenn)
Prix d'interprétation masculine
Michel Piccoli (Habemus Papam de Nanni Moretti)
Mention à Joeystarr (Polisse de Maïwenn)
Palme d'or du court métrage
Ce n'est rien de Nicolas Roy
Mention à Maillot de bain 46 de Wannes Destoop
Prix du jury
Bear de Nash Edgerton