Dernier volet de sa tétralogie sur les dictateurs (Moloch sur Hitler, Taurus sur Lénine , Le soleil sur Hiro Hito), le Faust que propose Alexandre Sokurov s’inspire du Faust de Goethe et du Docteur Faustus de Mann afin de livrer une réflexion sur la corruption en ce bas monde. Ayant valu au prodigieux cinéaste russe le Lion d’or, cette fresque magistrale nous transporte dans l’Allemagne du XIXe siècle où un scientifique, le docteur Faust (Johannes Zeiler), poursuit sa quête de pouvoir et d’amour, guidé par un repoussant prêteur sur gages (Anton Adasinsky) en guise de Méphistophélès (Sokurov prenant quelques libertés avec le récit original). Sur leur route, ils croiseront Marguerite (Isolda Dychauk), jeune fille croyante s’accusant d’un seul péché, celui de ne pas aimer sa mère, qui s’éprendra de Faust, bien qu’il soit responsable de la mort de son frère.
Dès les premières images, où Faust et son assistant Wagner (Georg Friedrich) se livrent à la dissection d’un homme, le ton est donné. D’une admirable direction artistique ne lésinant pas sur les détails morbides, d’une direction photo où dominent les verts les plus glauques, Faust se révèle une vertigineuse descente aux enfers en forme de conte gothique destiné aux adultes d’où l’on revient fortement impressionné. Miroir d’une âme corrompue, le décor cauchemardesque de Faust n’en recèle pas moins des moments d’une beauté aussi saisissante qu’inquiétante. Avis aux fans de la mythique Hanna Schygulla : elle y joue, brièvement, le rôle de l’épouse de l’usurier…