Il y a trois ans, pour mon anniversaire, une copine m’a donné un roman qui allait traîner près d’un an sur ma table de chevet (j’étais occupée à d’autres lectures). Ce livre, c’était La ballade de l’impossible de Haruki Murakami. En le lisant enfin, le coup de foudre a été immédiat. Séduite par la délicate mélancolie émanant de ce récit d’un homme se remémorant son premier amour en entendant une version sirupeuse de Norwegian Wood des Beatles, par la nostalgie des premières amours qui s’en dégageait, je m’en suis voulu d’avoir repoussé si longtemps le rendez-vous avec cet auteur qui allait se classer auprès des Proust, Zola et Dostoïevski (je sais, je manque d’audace en lecture…) dans mon top de romanciers fétiches. À tel point qu’après l’avoir terminé, je suis allée me procurer Kafka sur le rivage et Le passage de la nuit pour replonger dans son univers.
Sachant qu’une adaptation par Tran Anh Hung (L’odeur de la papaye verte, À la verticale de l’été) allait être réalisée, je me suis demandé comment celui-ci allait rendre justice au caractère introspectif du roman, aux descriptions soignées de Murakami, aux états d’âme des êtres déchirés ne sachant pas toujours bien s’exprimer. Évidemment, la première fois que j’ai vu La ballade de l’impossible, j’ai été quelque peu déçue malgré ses belles qualités. N’est-ce pas toujours ce qui arrive lorsqu’on a tant aimé une œuvre?
En voyant le film une seconde fois, j’ai laissé le roman derrière moi et me suis laissé envoûter par la sensibilité avec laquelle Tran Anh Hung avait illustré les tourments de Watanabe (Kenichi Matsuyama) et de Naoko (Rinko Kikuchi), l’impétuosité de Midori (Kiko Mizuhara) et le courage de Reiko (Reika Kirishima). Baigné de lumière aux teintes bleutées et dorées, bénéficiant de doux et fluides mouvements de caméra, La ballade de l’impossible de Tran Anh Hung s’avère une bouleversante adaptation du roman de Murakami.
Cet après-midi, j’ai eu le plaisir de rencontrer le réalisateur, dont le film prendra l’affiche en janvier 2012. Voici ses impressions à la première lecture du roman : « Le livre m’a ému d’une manière extrêmement profonde parce que ça parle de chacun de nous, dans notre relation à l’amour, à la découverte de l’amour, à tous ces instants extrêmement, dirons-nous, quasiment dangereux dans l’amour. Le livre parlait magnifiquement de cela. Je n’ai pas ressenti de la nostalgie, mais de la mélancolie, car le récit est raconté du point de vue d’un homme qui a pris de l’âge et qui repense à un épisode de sa vie lorsqu’il avait 20 ans. La mélancolie a ceci de différent avec la nostalgie, c’est que la nostalgie, c’est finalement le souvenir des instants heureux de sa vie, tandis que la mélancolie, c’est plutôt la conscience d’une perte irrémédiable de quelque chose qu’on ne pourra plus jamais renouveler. Ce qu’on a vécu à 20 ans, on ne pourra plus jamais le revivre. »
À voir ce soir à 21 h 15, en présence du réalisateur.