Afin de pouvoir retrouver vivante sa femme enceinte de plusieurs mois (Elena Anaya), un homme (Gilles Lellouche) sur le point d’être embauché comme infirmier doit faire sortir de l’hôpital un dangereux criminel (Roschdy Zem). Pour ce faire, il n’aura que trois heures, course folle que Fred Cavayé (Pour elle) raconte en moins d’une heure et demie. À en juger le résultat, pourtant peuplé de personnages très français, on sent bien que le réalisateur carbure au cinéma américain.
Rencontré aux Rendez-vous d’Unifrance à Paris, Cavayé m’a répondu ceci: « Je suis plus spectateur que cinéphile, et il y a une différence là-dedans. Ma culture cinéma, elle est plus du vidéoclub que du cinéclub, c’est-à-dire que je loue beaucoup de films, qu’ils soient français ou américains. Je suis autant influencé par Marathon Man, Le fugitif, la trilogie des Jason Bourne que par les films de Claude Sautet, d’Alain Corneau ou Peur sur la ville d’Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo. Tout ça fait mon cinéma.»
Tant dans la photo que le rythme, on retrouve une essence plus américaine que française: «Effectivement, il y a quelque chose sur la forme qui est anglo-saxon, d’américain, mais il a des choses aussi très françaises. Je n’essaie pas de copier, de faire comme les Américains. Le film reste à hauteur d’homme et à dimension humaine. Mes personnages se retrouvent peut-être balancés dans du cinéma américain, mais ils restent français et se battent avec leurs propres moyens. Je dirais que mes flics sont d’influence française, plus d’influence des films de Jean-Pierre Melville. Ma référence pour le personnage de Roshdy Zem, c’est Le samouraï de Melville. D’ailleurs, il s’appelle Sartet, en référence à Alain Delon dans Le clan des Siciliens de Verneuil.»
Ayant souvent incarné des hommes droits, Zem fait ici découvrir son côté sombre, voire ténébreux, tout en demeurant très charismatique: «Beaucoup de jeunes femmes me disent qu’ils ne l’ont jamais vu comme ça, sexy, machin, avec un truc animal. Roshdy est un très bon comédien et ce qu’il fait dans le film est compliqué puisqu’il n’a pas de texte. Les bons comédiens savent que les rôles payants sont ceux qui n’ont pas de texte parce que justement ils sont à la base du métier de comédien, lequel est d’évoquer des émotions avec des expressions, des situations. Tout se joue dans le regard! C’est passionnant et c’est pour ça que j’aime filmer des comédiens, pour voir ce qui se passe dans leurs yeux.»
Noir et suffocant sont deux épithètes qui pourraient décrire À bout portant: «Mon film n’a d’autres prétentions que de tenir le spectateur pendant près d’une heure et demie cramponné sur son siège. Ça, c’est du plaisir de cinéma et c’est quelque chose, en France, qu’on a du mal à appréhender. Plein de critiques m’ont reproché le fait qu’un personnage se réveille très vite d’un accident de moto après une piqûre d’adrénaline. Eh bien, s’il ne se réveille pas, j’en suis quitte pour le court métrage le plus cher du monde! Effectivement, on ne se relève pas aussi vite, mais je pense que ça, ce sont des choses qu’on accepte dans des films américains. Notre culture fait en sorte qu’on a perdu ça et qu’on n’accepte pas ça tellement dans les films français. Garder ce plaisir simple est très compliqué…»
À voir ce mercredi, à 13 h 15, au Cinéma Impérial.