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Cannes 2012: Les Tenenbaums en camping

L’an dernier, le Festival de Cannes débutait sur une note enchanteresse et fantaisiste alorsque l’on présentait le plus que charmant Midnight in Paris de Woody Allen. Cette comédie romantique nous transportant du Paris d’aujourd’hui au Paris des années 20 était le film d’ouverture idéal : festif, léger, rassembleur. Comme la plupart des journalistes couvrant Cannes  sont « jetlag », pas question de se casser la tête dès le premier jour.

Léger, le nouveau-né de Wes Anderson, MoonriseKingdom, l’est. Qui plus est, on y retrouve son acteur fétiche Bill Murray, égal à lui-même, et, faisant une entrée remarquée dans l’univers coloré d’Anderson, Bruce Willis. Se joignent notamment à eux Edward Norton, Frances McDormandet Tilda Swinton. Alléchant casting s’il en est un.

« Je n’ai pas de travail, alors j’attends un coup de téléphone, a lancé à  la blague Murray devant le parterre de journalistes. Avec Wes, l’aventure est toujours plus agréable; chaque fois, c’est de mieux en mieux. Bruce a même un moment Die Hard à la fin du film. Évidemment, on aurait pu prendre les « Muscles from Brussels », mais ça n’aurait pas été la même chose. Travailler avec le même réalisateur à quelques reprises, c’est à la fois un plaisir et un honneur parce que ça ne fonctionne pas toujours. Parfois, tu rêves qu’il te rappelle, d’autre fois non. Des fois, ça se termine si mal que le réalisateur  tereconduit lui-même à l’aéroport. »

« C’était très rafraîchissant d’être dirigé par Wes, a avoué Willis, alors qu’il y a tant de films où l’on ne répète pas, où les gens ne se parlent pas. » « Quand j’étais jeune, a renchéri Norton, je lisais sur la troupe d’Orson Welles et je rêvais de faire partie d’une telle troupe. Wes en a créé une au fil des années. Sur le plateau, on se sentait en colonie de vacances. C’était une expérience tout à fait délicieuse, d’une certaine façon, un retour en enfance. »

Visuellement époustouflant, Moonrise Kingdom éblouit dès que l’on entre chez la famille Bishop et que la caméra nous dévoile une à une les pièces de cette grande maison de poupées avec de fluides mouvements panoramiques. « Robert Yeoman Asc est le seul directeur photo avec qui j’ai travaillé, confiait le réalisateur en conférence de presse. Nous somme si proches que je ne m’imagine pas travailler sans lui. »

Campé sur île de la Nouvelle-Angleterre à l’été 1965, le film possède un aspect vintage coquet et pimpant. C’est dans cette contrée bucolique que vous s’éprendre deux ados de 12 ans, Suzy (Kara Hayward), fille de M. et Mme Bishop (Murray et McDormand), et Sam (Jared Gilman), scout orphelin, qui décideront de fuir ensemble. Le chef scout (Norton) et le chef de police (Willis) se lanceront à leur poursuite, pendant que la travailleuse sociale (Swinton) tentera de trouver un foyer d’accueil à Sam.

« On retrouve dans ce film les souvenirs que j’aurais aimé avoir, a confié Anderson, grand gamin androgyne en veston cravate. Même s’il y a un peu de moi dans chacun des personnages, celui auquel je m’identifie le plus, c’est la fille. Comme elle, j’ai retrouvé un jour un dépliant sur les enfants avec des troubles de comportement et j’ai très bien compris qu’il s’agissait de moi. »

Avec ses personnages semblant sortir tout droit d’une bande dessinée, interprétés de façon parfaitement décalée par l’ensemble des acteurs, notamment Bob Balaban, impayable en narrateur aux allures d’un nain de jardin ou du père Noël en vacances, Moonrise Kingdom s’inscrit parfaitement dans la filmographie d’Anderson. En fait, on croirait par moments une version moins grinçante des Royal Tenenbaums qui auraient quitté la ville pour aller en camping.

Derrière ses airs candides et nostalgiques, se cache en filigrane la perte de l’innocence de l’Amérique, illustrée ici par la tempête menaçant de dévaster la tranquille petite île : « Bien qu’il soit du côté des enfants, explique Edward Norton, je ne crois pas que mon personnage ferait une bonne famille d’accueil. On présume que dans moins d’un an, il ira se battre au Vietnam. »

Malgré ses qualités indéniables, le tout ne lève pas. Certes, les personnages secondaires sont tous attachants et amusants, mais on ne peut en dire autant des deux ados en cavale. Si leur histoire d’amour est parsemée d’embûches cocasses et de tendres moments embarrassants, le récit piétine assez tôt et l’intérêt pour celui-ci s’étiole sérieusement. On demeurera toutefois captivé par la plastique des plans, l’utilisation ludique du split screen et la joliesse de l’ensemble. Cote: ***