À la fin de la conférence de presse du jury, laquelles se tenait hier après-midi, j’ai amèrement constaté que je m’étais (une fois de plus!) gourée dans mes prédictions : pas de coup de gueule du bouillant réalisateur italien à la voix si singulière. À ma grande surprise, le parterre de journalistes ne semblaient qu’en avoir pour le sympathique couturier Jean-Paul Gaultier, qui, comme l’a rappelé le modérateur Henri Béhar, a dessiné des costumes pour Peter Greenaway, Luc Besson et Pedro Almodovar. « Je vais donner mon humble avis, a-t-il admis, sur ce que j’aime ou non, sur ce qui est bien ou non. Je vais partager mes émotions parce que je ne suis pas technique mais instinctif. »
En fait, heureusement qu’il y a eu mon confrère de La Presse Marc Cassivi pour demander à Nanni Moretti quel genre de président il serait. (Bravo, Marc, tu mériterais un badge blanc.) « Je le serai malheureusement de manière démocratique, a-t-il répondu. Il est important de voir tous les films avec la même intention, le même respect. On a convenu de se voir souvent, pas seulement en réunion, mais aux deux jours, afin de discuter des quatre derniers films vus et afin de n’en oublier aucun. Heureusement, les pouvoirs du président sont limités. »
Outre Gaultier, le jury du 65e Festival de Cannes est composé des actrices Hiam Abbass, Emmanuelle Devos et Diane Krüger, de la réalisatrice Andrea Arnold, de l’acteur Ewan McGregor, ainsi que des réalisateurs Alexander Payne et Raoul Peck. En résumé, chacun s’est dit fier et honoré d’être membre du jury de Cannes, ouvert d’esprit, sans préjugé négatif ni positif et a avoué de ne pas s’être préparé afin de se laisser emporter par la surprise. « Je vais beaucoup au cinéma, a affirmé Payne, mais je vais regarder chaque film en prétendant n’avoir jamais vu un film de ma vie. »
L’absence de réalisatrices en compétition a brièvement été abordée durant la conférence : « J’aurais détesté que l’on choisisse mes films parce que je suis une femme, a lancé Andrea Arnold, deux fois lauréate du prix du jury pour Red Road et Fish Tank. Il n’y a pas beaucoup de femmes cinéastes, et Cannes étant un microcosme, un reflet du monde, c’est normal que l’on retrouve peu de femmes chaque année en compétition. »
Afin de clore la conférence, Nanni Moretti s’est permis de critiquer un peu le décorum : « Je ne comprends pas cette nouveauté de la conférence de presse après la remise de prix. À l’époque où j’ai été jury, on était tenu au silence. Avant il y avait deux tabous : le conclave (clin d’œil à Habemus Papam suggéré par un journaliste) et le silence. Aujourd’hui, il n’y a que le conclave qui soit tabou. Dimanche prochain, on dira donc des choses banales et diplomatiques… ou peut-être pas… »