Nanni Moretti dans Habemus Papam.
Voici la version allongée du texte paru dans nos pages jeudi alors que le festival sera déjà commencé…
Le redoutable Nanni Moretti préside le 65e Festival de Cannes. Qui trouvera grâce à ses yeux? Audiard? Haneke? Kiarostami? « Vousn’avez encore rien vu », dirait Resnais…
Au moment où paraîtront ces lignes, le 65e Festival de Cannes battra déjà son plein.Les histoires de scouts amoureux en fugue deMoonrise Kingdom, où Bill Murray, dont il s’agit de la sixième apparition chez le papa des Royal Tenenbaums, croise Bruce Willis (!) et Edward Norton, de Wes Andersen aura peut-être séduit les festivaliers lors de la soirée d’ouverture. Après tout, Première et Studio Ciné Live lui accordent quatre étoiles… À la conférence de presse du jury, Nanni Moretti aura sans doute mis le parterre de journalistes dans sa petite poche avec son esprit caustique. Pour mémoire, le premier long métrage du bouillant réalisateur italien s’intitulait Je suis un autarcique...
Plus encore, l’un des films les plus attendus aura déjà eu son moment de gloire : De rouille et d’os de Jacques Audiard, lauréat du Grand prix du jury en 2009 pour Un prophète. Dans ce mélo que l’on dit puissant, l’oscarisée Marion Cotillard affronte le grand espoir du cinéma flamand, le formidable Matthias Shoenaerts, découvert dans le percutant Bullhead de Michael R. Roskam –bien qu’il ait plus d’une trentaine de films à son actif. Les deux magazines ci-haut mentionnés lui ont attribué cinq étoiles. Décidément… On attend aussi avec impatience Reality de Matteo Garrone, celui qui rafla le Grand prix en 2008 pour Gomorra, saisissante incursion dans la mafia napolitaine. Cette fois-ci, il s’intéresse à la télé-réalité à travers le destin d’un poissonnier de Naples (Anielo Arena) qui devient star du petit écran.
Dans cette 65e édition du plus glamour des festivals, on remarque qu’il n’y pas que le président qui ait remporté une Palme d’or (La chambre du fils, 2001). De fait, se retrouvent The Angel’s Share de Ken Loach (The Wind that Shakes the Barley, 2006), Au-delà des collines de Cristian Mungiu (4 mois, 3 semaines, 2 jours, 2007) et Like Someone In Love d’Abbas Kiarostami, qui dut partager en 1997 sa palme pour Le goût de la cerise avec L’anguille de Shohei Imamura. Cette anné-là, le juré Moretti aurait tassé la présidente Adjani…
Celui qui a, hors de tout doute, provoqué la plus grand choc dans les dix dernières années avec Caché en 2003 mais remporta la palme en 2009 avec Le ruban blanc, Michael Haneke, est de retour avec Amour, où un couple d’octogénaires (Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva) voit leur équilibre mis en péril par la maladie; Isabelle Huppert interprète la fille du couple.
On raconte que son plus grand rival serait le vénérable Alain Resnais, lauréat du Grand prix en 1980 pour Mon oncle d’Amérique et Prix exceptionnel en 2009 pour Les herbes folles, qui propose Vousn’avez encore rien vu. Denis Podalydès y incarne un metteur en scène de théâtre qui convoque, après sa mort, différents acteurs ayant joué dans sa pièce Eurydice afin de leur faire voir une nouvelle version interprétée par une jeune troupe. Sabine Azéma, Pierre Arditi, Anne Consigny, Lambert Wilson et Michel Piccoli sont de la partie. Si jamais le cinéaste, qui aura 90 ans le mois prochain, grommelle en apprenant que la Palme d’or lui ai échappé, Moretti pourra toujours lui répondre qu’il a encore bien des années devant lui en lui rappelant qu’Oliveira tourne encore à plus de 100 ans.
Toujours du côté des Français, on retrouve celui que l’on croyait disparu depuis quelques années, Léos Carax (Les amants duPont-Neuf; prix de la jeunesse à Cannes en 1984 pour Boy Meets Girl), avec Holy Motors et une étonnante distribution : Denis Lavant, Édith Scob, Eva Mendes et Kylie Minogue. Avec un titre semblable à son compatriote Haneke, l’Autrichien Ulrich Seidl présentera la première partie de sa trilogie traçant le portrait de trois vacancières à la recherche du bonheur. Dans Paradis : Amour, on y suit les tribulations d’une sugar mama (Margarethe Tiesel) en quête de chair fraîche sur les plages du Kenya. Parions que la chair sera triste…
Trois idoles des ados monteront les marches cette année : Robert Pattinson, tête d’affiche de l’adaptation du roman Cosmopolis de Don DeLillo par David Cronenberg (prix spécial du jury en 1996 pour Crash); Kristen Stewart, qui donne vie à Marylou, petite amie Moriarty, dans On the Road, adaptation du mythique roman de Jack Kerouac par Walter Salles(rompu au genre du road movie); et Zac Efron, qui en pince pour Nicole Kidman en femme correspondant avec des condamnés à mort dans Paperboy de Lee Daniels (dont le Precious avait été sélectionné à Un regard en 2009). Il ne faudrapas oublier d’apporter des boules Quiès.
Les stars américaines ayant la cote sur la Croisette, les badauds hurleront à plein poumons du hautde leurs escabeaux lors du passage de Brad Pitt, qui partage le haut de l’affiche avec James Gandolfini, mieux connu sous le nom de Tony Soprano, dans Killing Them Softly d’Andrew Dominik (le magnifique et… soporifique The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford). Mathew Mcconaughey fera-t-il doublement sensation en montant les marches pour Paperboy de Lee Daniels et Mud de Jeff Nichols, celui à qui l’on doit Take Shelter avec le formidable Michael Shannon, son acteur fétiche qu’il retrouve ici? On renouera par ailleurs avec la sublime partenaire de Shannon dans Take Shelter, Jessica Chastain, au côté de Shia Labeouf dans Lawless, film de John Hillcoat (The Road) campé durant la Prohibition.
Deux Coréens se disputeront les honneurs : Hong Sangsoo (prix Un certain regard pour HaHa Ha), qui dirige Isabelle Huppert dans In Another Country, et Im Sang-soo (The Housemaid), qui s’intéresse aux mœurs d’une riche famille d’industrielsdans L’ivresse de l’argent. Prix du jury en 1998 pour Festen, Thomas Vinterberg dirige la star du cinéma danois Mads Mikkelsen dans La chasse. Prix du jury en 2007 pour le bergmanien Lumière silencieuse, le Mexicain Carlos Reygadas est aussi très attendu des cinéphiles avec Post Tenebras Lux.
Co-réalisateur du remarquable 18 jours, film collectif portant sur la révolution égyptienne, Yousry Nasrallah trace le portrait d’une jeune révolutionnaire (Mena Shalaby) qui s’éprend d’un cavalier de la place Tahrir (Bassem Samra) dans Après la bataille. Deux ans après y avoir présenté My Joy, Sergei Loznit est de retour à Cannes avec Dans la brume, drame campé durant la Seconde guerre mondiale.
En somme, la compétition s’annonce palpitante. Quant à l’émotion, elle sera sans doute palpable à la soirée de clôture lorsque sera présenté le dernier film du regretté Claude Miller, à qui Audiard a dédié De rouille et d’os, Thérèse Desqueyroux, oùAudrey Tautou prête ses traits à l’héroïne de Mauriac. Souhaitons à l’égérie de Chanel un meilleur accueil que celuiréservé à Da Vinci Code il y a quelques années…