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Cannes 2012 : Danny Lennon et l’état du court

Qui s’intéresse aux courts métrages connaît obligatoirement Danny Lennon. Figure incontournable du court métrage, fondateur et directeur de Prends ça court!, Lennon sera plus occupé que jamais sur la Croisette puisqu’il aura à encadrer la délégation québécoise – une cinquantaine de personnes – de Talent tout court, programme présenté par Téléfilm Canada au Marché du film, et siéger sur le jury découverte Nikon à la Semaine de la critique, lequel est présidé par le cinéaste portugais Joao Pedro Rodigues.

« Je capotais en crisse quand j’ai reçu l’e-mail, confiait-il au bout du fil. Je ne suis pas du genre à sourire beaucoup, mais ce matin-là, j’étais content! Très souvent, je refuse d’être jury parce que je connais la moitié des films, mais là, ça tombe bien parce qu’il n’y a pas de Canadiens ni de Québécois dans la sélection. Je suis très content, ça va me permettre de rencontrer Rodrigues et Bertrand Bonnello (président du jury du grand prix). J’ai tellement refusé de jury que j’ai l’impression que le mot s’est passé et  qu’on ne m’invite plus. »

Pour la deuxième année de suite, Danny Lennon a aidé Téléfilm à sélectionner la crème du court métrage d’une mer à l’autre en approchant les directeurs de festivals et les commissions du film de chaque province pour lui indiquer les musts de l’année :  « Chez Téléfilm, ils ont compris qu’ils ne pouvaient pas aider le court, mais ils ont décidé d’aider les jeunes talents, les aider à prendre du galon, à rencontrer des gens, et à se préparer éventuellement à faire un long. Je trouve ça intelligent. Le programme Talent tout court, c’est malade mental! On y retrouve 25 courts métrages! J’ai rencontré du monde de Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest; j’ai l’impression d’avoir découvert des Voyous Films et des Métafilms en Alberta, en Nouvelle-Écosse. À Cannes, ils vont tous se rencontrer et discuter de leur réalité, échanger des idées. Qui sait ce qui se passera? Il faut aller à Cannes pour rencontrer  l’industriecanadienne… »

Parlant de Voyous Films, mentionnons que cette compagnie de production peut se vanter d’avoir vu l’un de ses réalisateurs concourir pour la Palme d’or l’an dernier, Nicolas Roy avec Ce n’est rien, et cette année, c’est au tout de la réalisatrice Marie-Ève Juste de leur faire honneur alors qu’elleprésentera son court métrage Avec Jeff,  à moto à Quinzaine des réalisateurs : « Ça démontre à quel point on est dynamique depuis une douzaine d’années et qu’on fait du bon stock. En plus, on est sympathique! »

Comme le racontait l’an dernier Nicolas Roy, faire une demande de subvention pour tourner un court, c’est aussi long que pour un long : « Très souvent, on laisse tomber la demande et on le fait avec ses propres moyens. Il y a beaucoup plus de demandes que de réelles possibilités de faire des films. C’est doublement plus frustrant. On fait un peu moins de 400 courts métrages, incluant les Kinos, bon an, mal an. »

Qu’en est-il de 2012, bonne année ou non? Et comment se porte le court ici par rapport à l’étranger? « On a des années fortes, des années moins fortes. Depuis 10 ans, on est dans le top 10. En termes de hockey, on fait les séries chaque année. C’est une bonne année; on a gagné la coupe Stanley deux années de suite, avec Next Floor de Denis Villeneuve en 2008 et Danse macabre de Pedro Pirès l’année suivante. Ces deux films ont été les chouchous des programmateurs de la planète pendant deux ans. Parfois, ils pouvaient gagner six prix le même week-end. »

Lennon poursuit : « Dans tous les pays, il y a des Next Floor, des courts réalisés par des réalisateurs qui avaient quitté le cinéma, et ça donne des trucs hallucinants. Il y en a qui me disent que le court métrage, c’est plate. Pardon, mais moi, je suis là-dedans depuis 12 ans et je trippe chaque jour. Des films comme ceux de Pedro Pirès vont inspirer d’autres gens. Tout le monde travaille ensemble. C’est pas une clique, mais cette gang-là qui vit autour du court métrage s’entraide. Lorsqu’un réalisateur va dans un festival, il ne parle pas que de son court, il parle aussi du court au Québec. En
revenant, il me suggère d’envoyer une compilation de courts métrages. C’est le système D. Oui, c’est l’fun les institutions, mais on ne compte pas là-dessus. On ne chiale plus, on agit! »

Du côté de la compétition officielle, Chloé Robichaud court la chance de mettre la main sur la Palme d’or du court avec Chef de meute. Comme tremplin, on peut difficilement rêver mieux :« C’est assez hallucinant! C’est plus facile par la suite d’être  accepté ou invité dans d’autres festivals, mais c’est surtout important pour l’industrie ici. C’est beau de voir nos courts voyager à l’étranger, mais les gens du long ne sont pas toujours nécessairement au courant. Souvent, avec un court métrage en compétition, ils sont un peu obligés de le regarder. Je m’assure aussi que les  distributeurs ayant une propension à montrer du court voient les bons films. »

Et qu’en est-il de la distribution en salle? « Je me bats depuis des années pour présenter des courts devant des longs métrages. Je pense qu’on a prouvé, surtout avec Trotteur d’Arnaud Brisebois et Francis Leclerc devant The Artist de Michel H azanavicius, que ça marche. Encore là, on part de loin. Le public est super game d’en voir, mais ensuite, il faut s’entendre avec les distributeurs pour le nombre decopies, par la suite, ce sont avec les exploitants de salles qui décident ou non s’ils présentent les films. »

Et que dire de la situation du court en ce moment :«Il y a cinq ans, il ne se passait rien. Le succès de Regard sur le court n’est pas négligeable. Tou.tv présente maintenant des courts. Le programme Québec Gold, best of des courts québécois,  marche bien dans les grands centres; en mars, il a joué dans une vingtaine de villes.  Le but de se programme, c’estd’éduquer le public et les exploitants de salles. Bref, c’est pas le Klondike, mais ça va bien. »

Pour en savoir davantage sur la présence canadienne à Cannes : www.canada-cannes2012.ca