Hier soir, j’ai appris que La Playa DC de Juan Andrés Arango, Colombien vivant au Québec depuis quelques années, avait été acheté par Louis Dussault de K-Film Amérique. S’il a été impossible de connaître la date de sortie au Québec, j’ai su que le film allait prendre l’affiche en France en mars 2013. Le film a été projeté deux fois mercredi à la salle Debussy où il a été bien accueilli. On parle même d’une possible Caméra d’or pour ce film sélectionné dans la catégorie Un certain regard.
« Je trouve que d’être sélectionné pour un premier film à Un certain regard, c’est
magnifique, disait Juan Andrés Arango peu après avoir appris la nouvelle. Mon film a déjà été présenté à Locarno, dans la catégorie Carte blanche, et à San Sebastian, dans la catégorie Films in Progress, mais il n’a jamais été montré dans sa version finale. Quel meilleur public que celui d’Un certain regard! »
Ayant fait ses classes dans le documentaire comme cadreur et directeur photo, Arango explique ainsi sa démarche :« J’ai toujours cru au mélange entre le documentaire et la fiction. Je ne crois pas au documentaire impartial et j’aime faire de la fiction inspirée de faits réels, dans des endroits réels avec des acteurs non-professionnels. C’est toujours un peu hybride ce que je fais, donc cela s’est fait naturellement pour La Playa DC. »
Campé dans la capitale colombienne, La Playa DC raconte le destin d’un jeune homme (Luis Carlos Guevara) ayant fui la côte caribéenne, en raison du trafic de narcotiques, pour s’installer à Bogota où il tente de retrouver son frère (Andrés Murillo).
« Ce qui m’a motivé à écrire ce scénario, c’est que la minorité afro-colombienne est peu présente au cinéma. J’ai grandi en Colombie, dont 20% de sa population est afro-colombienne, mais c’est une population dont on parle très peu. Pourtant c’est une culture très particulière, très vivante. Le film parle de racisme, d’exil, de la guerre, il y a d’ailleurs 300 000 immigrés à cause de la guerre. Il a été tourné dans des bidonvilles, mais en même temps, on ne voulait pas montrer la violence d’une façon littérale. Je trouve qu’en général dans le cinéma colombien, c’est trop exploité. Mon intérêt, c’était de montrer les répercussions de la violence. »
Arango poursuit à propos du casting : « On a cherché pendant des mois les acteurs, à Bogota, dans les cafetiers, où il y avait beaucoup de population afro-colombienne. Une fois qu’on a trouvé les acteurs, c’était très facile parce que ce sont des jeunes extraordinaires, talentueux, qui s’ouvrent tout de suite à la caméra. Ils n’ont eu aucun difficulté à faire preuve d’énergie et d’émotion, au contraire, il a fallu les contrôler. »
N’ayant reçu aucun soutien financier des instituions canadiennes, La Playa DC est une coproduction avec la France, la Colombie et le Brésil. On y retrouve toutefois à la direction photo le Québécois Nicolas Canniccioni : « Il a été très brave d’embarquer avec moi dans ce film-là. On a tourné dans des endroits assez dangereux de Bogota, qui ont assez mauvaise réputation. On a trouvé ensemble un style visuel qui va très bien avec l’histoire. En plus d’être directeur photo, c’est un excellent cadreur qui vient du documentaire. La facture est réaliste, mais en même temps, on voulait que le spectateur découvre la ville avec les yeux du personnage. La caméra y est presque subjective. »
« Je n’espère plus de soutien financier canadien, mais ça ne m’empêche pas d’écrire mon prochain film qui se passera à Montréal, au Mexique et en Colombie », conclut Juan Andrés Arango.
La remise des prix Un certain regard aura lieu samedi soir.