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TIFF 2012 : Audiard et le discours amoureux

Peu après la projection de De Rouille et d’os à Cannes, plusieurs critiques ont fait des rapprochements entre le couple Devos-Cassel de Sur mes lèvres avec le couple Cotillard-Schoenaerts. Puisque Jacques Audiard parle de son nouveau film, mélodrame romantique porteur d’espoir, comme l’antidote à Un prophète, huis clos sombre et masculin, je lui ai demandé si De rouille et d’os était aussi l’antidote à Sur mes lèvres.

« Dans Sur mes lèvres, le film se terminait au moment où le couple allait baiser, or, dans De rouille et d’os, on a déjà passé ce stade. J’ai réalisé très tardivement qu’il y avait des similitudes entre ces deux films; d’ailleurs, si j’y avais pensé, ça m’aurait sans doute inquiété. Je dirais que c’est un prolongement; en ce moment, j’aimerais faire quelque chose sur le discours amoureux. Chez madame de la Fayette, on parlait, on écrivait comme on faisait l’amour; toute la littérature courtoise et précieuse était de cette nature-là aussi. Entre le XVIe et le XVIIe siècle, il y a vraiment cette jouissance du dialogue amoureux. Aujourd’hui, comme on couche le premier soir, qu’est-ce qu’on se dit après? Qu’est-ce qu’il nous reste dans ce monde où il y aurait une parité sexuelle, où les femmes sont les égales des hommes, est-ce que ce discours ne supposait pas une différence? Je trouve que c’est un sujet intéressant et peut-être que De rouille et d’os est une esquisse de ça, une réflexion sur la délicatesse, sur le fait d’être opé*. »

Lorsque je lui ai demandé comment il avait réussi à trouver la lumière et l’espoir dans l’univers sombre et sans pitié du recueil de Craig Davidson, De rouille et d’os, voici ce qu’il a eu pour réponse : « Ce dont nous avions besoin, c’est ce que fournissait le matériel des nouvelles de Davidson. Quand on lit des nouvelles, quand on lit de manière générale, on est dans un certain état d’esprit. Et d’abord, on est dans un univers littéraire, qui est beaucoup plus abstrait; quand vous allez mettre ça en film, ça va être la réalité, ça va être des visages, des corps. On ne voulait pas d’un « tragédisme », d’un fatalisme. Il fallait, comme dans un conte, qu’il y ait une fin un peu heureuse, mais naturellement heureuse, sans insistance. »

*Être opé : expression utilisée par le personnage de Matthias Schoenaerts dans De rouille et d’os pour signifier qu’il est prêt à avoir des relations sexuelles. Pour votre info, Jacques Audiard et le scénariste Thomas Bidegain vous invitent à l’utiliser puisqu’ils n’en ont pas les droits d’auteurs…