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TIFF 2012 : Leconte s’anime

En novembre dernier, alors qu’il était venu présenter Voir la mer à Cinemania, Patrice Leconte a pu profiter de son séjour à Montréal pour peaufiner son premier film d’animation 2D relief, Le magasin des suicides, en collaboration avec ToutEnKartoon, d’après le roman de Jean Teulé. J’ai eu l’occasion de le recontrer à ce moment-là.

Présenté à Cannes en mai, le film, qui figure aussi dans la programmation du Festival de Toronto, met en scène une famille sinistre, les Tuvache, exploitant une boutique où l’on peut trouver tout ce qu’il faut pour réussir sa sortie à défaut d’avoir réussi sa vie, qui voit son équilibre perturbé par la venue d’un troisième enfant qui préfère le bonheur à la morosité ambiante.

Ayant fait ses premiers pas chez Pilote et ayant adapté Les Wécés étaient fermés de l’intérieur de Gotlib, Patrice Leconte revient en quelque sorte aux sources : «Le dessin tout court et le dessin animé m’ont toujours intéressé, passionné. Ce projet, sur lequel on travaille depuis quatre ans, m’enthousiasme. Je ne pouvais pas imaginer, même dans mes rêves les plus fous, qu’un jour, je serais en train de réaliser un film d’animation. Remarquez que ce n’est pas moi qui ai eu l’idée, mais je l’ai trouvée excellente.»

Film à voir et revoir pour sa multitude de petits détails, Le magasin des suicides possède le charme suranné des livres d’enfance avec ses coups de crayon qui évoquent également l’univers de Sylvain Chomet (Les triplettes de Belleville, L’illusionniste).

« Je voulais absolument que ce film soit dessiné, que ce soit vraiment un dessin animé et, même si on ne dessine plus avec des crayons et des gommes de nos jours qu’on sente le travail de la main. Les films en 3D relief ont ce côté trop lisse, trop parfait, trop assisté par ordinateur et je n’avais pas du tout envie de ça. La 2D relief, c’est comme un plaisir enfantin parce que du coup, c’est comme les bouquins de notre enfance, les pop-ups, que j’adorais, que je trouvais magiques. C’est très curieux, mais personne n’avait eu cette idée avant et donc, ce film est le premier pensé et réalisé comme ça. »

Si Leconte compare les personnages de Teulé à des personnages de Sempé qui auraient fumé un pétard, en voyant Mishima, Lucrèce, Vincent, Marilyn et Alan Tuvache s’activer dans leur petite boutique des horreurs, c’est plutôt à la famille Adams et au monde de Tim Burton que l’on pense : « Ce n’est pas inconscient, ce n’est pas un hommage non plus, mais j’ai une grande admiration pour Tim Burton. C’est vrai qu’il est le maître en la matière d’humour noir joyeux et forcément, l’ombre lointaine de Tim Burton plane sur ce film. C’était inévitable! »

Cela dit, Patrice Leconte a su s’approprier le récit et signer un film où l’on reconnaît sa légèreté : « J’ai pris des libertés folles avec l’histoire; j’ai vraiment inventé autre chose. Quand j’ai fait lire l’adaptation à Jean Teulé, qui est quelqu’un que je connais et que j’admire beaucoup, il m’a dit que c’était formidable parce que j’avais vraiment fait mon film à moi, mais que sans son bouquin, je n’aurais pas pu faire mon film. Il était ravi que j’aie pris toutes ces libertés. La famille Tuvache est quand même infernale; ces gens qui ont ce petit commerce prospère de vendre tout ce qu’il faut pour se suicider à une époque où la vie n’est pas rose, c’est tellement énorme. Il y a une telle dérision qu’à l’arrivée, le film est très déconneur et très joyeux. »