Dans quelques jours, je rencontrerai Sandrine Bonnaire qui sera de passage au Festival de films francophones Cinemania pour y présenter sa nouvelle réalisation, J’enrage de son absence (à l’affiche en février). À l’occasion de sa visite, le festival lui consacre un cycle avec la collaboration de Cinémathèque québécoise. Ce soir, son documentaire sur sa sœur autiste, Elle s’appelle Sabine, y sera d’ailleurs projeté. Il y a cinq ans, j’ai pu interviewé Sandrine Bonnaire à propos de ce film lors du Festival du Nouveau Cinéma. Voici l’article publié à l’époque.
De nature réservée, l’actrice Sandrine Bonnaire n’est pas du genre à étaler sa vie privée à la une des magazines people. Toutefois, cela ne l’a pas empêchée de tirer profit de sa popularité afin de faire avancer une cause lui tenant à coeur, celle de l’autisme, dont sa soeur cadette, Sabine Bonnaire, souffre.
« J’ai été marraine des Journées de l’autisme pour sensibiliser les gens et les médias pendant plusieurs années, confie-t-elle. Et puis, j’ai tourné le film sur ma soeur. Avant sa diffusion, j’ai écrit à monsieur Sarkozy, qui m’a reçue, et j’ai rencontré Xavier Bertrand, le ministre du Travail et des Affaires sociales. Je ne suis que le messager dans tout ça. Les choses ont l’air de vouloir bouger, mais c’est assez compliqué, car l’État a moins de pouvoir qu’on le croit. »
La réalité qu’elle dénonce dans Elle s’appelle Sabine, c’est celle des autistes, souvent mal diagnostiqués et du coup mal pris en charge. Cette réalité, elle l’a vécue de près lorsque sa soeur Sabine a vu toutes ses capacités diminuées après cinq ans d’hospitalisation.
« C’est tout un système qui ne va pas, explique Bonnaire. La médication qu’on administre aux autistes, c’est pas pour eux, mais pour soulager le personnel, qui n’est pas assez nombreux. Il faudrait changer ça. À mon avis, il faudrait ouvrir des petites structures pour ces gens-là parce qu’en France, ça coûte deux fois moins cher qu’à l’hôpital. Il y a environ 100 000 autistes en France, et il faut les placer quelque part. Et si ça doit se passer à l’hôpital, il faudrait les réaménager. »
Grâce à sa notoriété et à la persévérance d’un médecin, l’actrice a ainsi pu permettre l’ouverture d’un centre d’accueil en Charente où habite maintenant Sabine Bonnaire. Le combat n’est pas pour autant fini. Afin de sensibiliser davantage les gens, l’actrice incarnera une autiste dans J’te souhaite au revoir de son conjoint, Guillaume Laurant, un complément à son documentaire, où il sera question du regard des autres sur l’autisme.
D’ici là, sans doute qu’Elle s’appelle Sabine, que Bonnaire a présenté à Cannes, continuera de faire bouger les choses. « On tolère beaucoup de choses d’un enfant, mais moins d’un adulte, car on veut l’attirer dans une normalité, et je pense que c’est pas possible. Il faut accepter leur différence, ils ne seront jamais comme nous. Un handicap, ce n’est pas une maladie. Je pense que si on les respecte, on les regarde, on les écoute, on les aime, ça change beaucoup de choses pour les autistes. Je crois que la violence appelle la violence et lorsqu’il y a rejet, l’autre répond. On dit que les autistes sont des gens repliés sur eux-mêmes, mais c’est le contraire, ils s’expriment trop, et c’est ça qui nous dérange. Heureusement, il y a vraiment un petit miracle qui se passe autour du film. »
Et Sabine dans tout ça? « Elle sait qu’il y a un film sur elle, mais n’a pas vraiment cette conscience que le film sortira en janvier en France, pas plus qu’elle est consciente de son impact. Comme le film a été diffusé sur France 3, elle reçoit des lettres, même des cartes postales de New York. Elle le regarde tout le temps en disant que c’est « notre » film; je trouve ça très joli… », conclut l’actrice avec un radieux sourire.
SABINE DANS TOUS SES ÉTATS
Élevée dans un clan tricoté serré de 11 enfants, Sabine Bonnaire n’était pas consciente de sa différence. C’est lorsqu’elle commence l’école qu’elle est confrontée au regard des autres qui la surnomment alors « Sabine la folle ». Elle crie, s’automutile, se déshabille en public. Les médecins n’arrivent pas à poser un diagnostic. Sabine continue à s’épanouir au sein de sa famille, mais peu à peu, elle devient violente. Puis, elle est hospitalisée. Cinq ans plus tard, la gracieuse jeune fille passionnée de musique, d’anglais et de géographie sort de l’hôpital obèse, apathique et surmédicamentée.
Ce cruel et dur constat, Sandrine Bonnaire, discrète et bienveillante derrière sa caméra, le livre à l’aide de brefs commentaires et d’un efficace montage alternant images de jeunesse et d’aujourd’hui. Jamais complaisant, la réalisatrice ne craignant pas de montrer sa soeur cadette dans ses moments de crise, ni voyeur, la grande soeur sachant quand il faut couper, Elle s’appelle Sabine s’avère un portrait sobre et touchant d’une autiste trentenaire, doublé d’un vibrant plaidoyer, dénué de pathos et de démagogie, en faveur d’un meilleur traitement de ce handicap.
Ce samedi, à 21h, à la salle Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise, en présence de Dominique Besnéhard.