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Berlinale 2013 : La voix sacrée d’Alanis Obomsawin

Plus tôt cette semaine, à l’Ambassade canadienne, le volet Talents en vue de Téléfilm Canada offrait une conférence intitulée La voix sacrée des femmes où l’Australienne Catriona McKenzie (Satellite Boy, présenté dans la section Generation), la Néo-Zélandaise Chelsea Winstanley et la Canadienne Alanis Obomsawin (Richard Cardinal : Cry From a Diary of a Métis Child, présenté dans la section NATIVe) parlaient de leur carrière respective et du rôle qu’elles jouaient dans leur communauté.

« Au cours des deux dernières décennies, a expliqué la directrice générale de Téléfilm Canada Carolle Brabant, le cinéma autochtone a réellement pris son essor. Les créateurs autochtones nous instruisent, nous inspirent, nous provoquent et nous divertissent en perpétuant la tradition orale et en partageant leur expérience unique et leur savoir. Le succès et la diversité du cinéma autochtone doit beaucoup aux femmes. »

Présentée comme un trésor national par le modérateur Jason Ryle, directeur exécutif d’ImagineNATIVE Film, Alanis Obomsawin est l’une des premières à avoir fait entendre la voix des autochtones alors que personne ne l’écoutait. Lorsque Ryle lui a demandé d’expliquer sa mission auprès des autochtones, elle a eu cette réponse humble : « Je peux seulement dire que j’écoute les gens. J’ai passé ma vie à écouter les gens dans différentes communautés et je ne me fatigue jamais d’écouter les gens puisque j’apprends sans cesse. Je ne commence pas à tourner tant que je ne sens pas vraiment ce qu’ils me disent. Pour moi, la voix a toujours été plus importante que l’image, ce qui est étrange à dire lorsqu’on fait des films. Peut-être que cela vient du fait que j’ai grandi dans une maison sans électricité. Dans la soirée, nous n’avions que des lampes à l’huile pour nous éclairer, alors nous écoutions les gens raconter leurs histoires; il y avait autant d’histoires que de gens. Nous n’avions qu’à imaginer les images en nous laissant porter par leurs voix. »

Du même souffle, la cinéaste a poursuivi : « J’étais si habituée à porter attention aux mots que j’ai toujours travailler de cette façon. J’ai toujours eu l’impression que c’est plus intime et important que de mettre de l’avant la voix. C’est incroyable, car, à 80 ans, j’apprends encore en me promenant d’une communauté à l’autre, d’une ville à l’autre, dans les prisons, dans les écoles. Et toujours, la voix des gens demeure l’élément le plus important pour moi. Je sens que c’est mon travail de leur offrir le meilleur moyen de s’exprimer en terme de qualité et d’excellence par le cinéma. Je suis toujours fascinée de rencontrer des gens âgés, je me demande toujours comment ils ont survécu… »

Puis, la gorge nouée, elle a ajouté : «Peu importe où nous sommes, nous vivons tous des expériences similaires, nous avons survécu de différentes façons. Les autochtones sont des êtres humains incroyables qui ont réussi à survivre en des temps difficiles, à voir de belles choses dans les endroits les plus pauvres. J’adore écouter les gens à propos de ces temps difficiles, découvrir ce qu’ils ont inventé pour passer à travers et néanmoins être heureux.»

Célébrant ses 40 ans de carrière de réalisatrice, Alanis Obomsawin ne se destinait pourtant pas à embrasser cette vocation : « Je dois dire que ce n’était pas mon idée de réaliser des films, je ne connaissais rien à cela. Mon plus grand combat était d’influencer et de changer les choses dans le système socioculturel. J’étais très jeune, mais je croyais que la meilleure façon d’y arriver était en étant présente en classe. J’ai ainsi commencé à faire des tournées dans les écoles. Quand les enseignaient me voyaient arriver avec mon tambour, ils se demandaient ce que j’allais bien pouvoir raconter aux enfants. En 1965, un réalisateur a tourné un documentaire sur mon travail. C’est ainsi que l’ONF m’a invitée à travailler dans leurs studios multimédias qui comprenaient du matériel pour les enseignants. »

Si la technologie a bien évolué depuis le temps où Alanis Obomsawin présentait ses films à l’aide d’un projecteur et d’un pick-up, le cinéma est depuis toujours et pour elle un moyen d’expression qu’elle qualifie de magique et de puissant.

Les frais du voyage à Berlin ont été payés par Téléfilm Canada.