Elle n’était pas belle, ne s’aimait pas, se lançait à la tête des hommes et des femmes qui ne la désiraient pas, pleurait sans cesse. Et pourtant, Violette Leduc suscitait la passion et lorsque Simone de Beauvoir lut son manuscrit, elle sut immédiatement qu’elle venait de rencontrer une écrivaine exceptionnelle. Leur relation n’allait cependant pas être de tout repos puisque Violette s’éprendra follement de Simone qui lui refusera cet amour.
Afin de décrire en un mot ce personnage hors du commun qu’elle incarne dans Violette de Martin Provost (Séraphine), Emmanuelle Devos a simplement dit qu’elle était « attachiante ».
« Jusqu’à ce que je commence le tournage, Violette m’énervait, racontait l’actrice jeudi dernier. C’était une pleureuse chronique, ce n’était pas évident de l’aimer. À partir du moment où je l’ai jouée, je l’ai adorée. Ça me faisait rire, c’était quand même assez rigolo à jouer. J’avais souvent la sensation d’être une enfant de quatre ans, d’avoir des sentiments qu’on a entre quatre et six ans, comme celui de ne pas supporter que sa mère s’en aille. Franchement, ça ne dépassait pas souvent douze ans d’âge mental, comme lorsqu’elle voulait absolument que les garçons la remarquent. Souvent, c’était quatre ans, voire neuf mois, plus qu’autre chose! C’était très amusant! Je pense que dans tout grand rôle, je ne sais pas pourquoi, il y a beaucoup d’enfant.»
« Violette était très, très « attachiante » et il fallait beaucoup de patience pour pouvoir la cerner, la comprendre et l’apprécier, a confirmé le réalisateur. Séraphine (Yolande Moreau) parle à tout le monde parce que c’est un être simple, une femme de ménage qui d’un seul coup devient peintre. Chacun a en lui une petite Séraphine qui a envie de vivre. Violette Leduc, c’est plus compliqué parce que c’était un être tordu, complexe. Elle est quelqu’un de plus difficile à aimer. Elle pouvait être insupportable, elle se battait comme une diablesse avec elle-même et avec les autres; elle s’arrangeait pour utiliser les autres pour écrire. C’est un personnage beaucoup plus ambigu et plus intéressant. Et du coup, plus difficile à aborder. »
Devenir Violette
Pour incarner ce personnage avec qui elle ne partageait aucun point commun, Devos a dû effectuer quelques transformations physiques : « Je ne suis pas blonde du tout et je n’aimais pas être blonde, mais d’avoir les cheveux blonds, de porter un faux nez et de perdre du poids m’ont aidée à me rendre différente. Je ne saurais pas comment expliquer ça, mais au début, quand on commence à faire des recherches sur le personnage, à voir des photos, ça devient comme une sorte de mystère qu’on n’arrive jamais à percer. On a comme un petit fantôme de cette personne qui vit un peu en nous. À un moment, on est obligé de faire un film; ce n’est pas du copié-collé, c’est une évocation, un trait, il faut se l’approprier. Martin m’a dit « allez, maintenant, tu oublies Violette et on fait une autre Violette Leduc ». Il a dit la même chose à Sandrine Kiberlain, qui avait trouvé sa Simone de Beauvoir par la démarche et la façon sèche de parler. Quand on est dans le copié-collé, on dirait qu’il y a moins d’empathie. Sandrine ne ressemble pas du tout à Simone de Beauvoir, et pourtant, tout le monde y croit parce qu’elle a trouvé l’essence même de cette femme.»
Destins croisés
Il est difficile de ne pas faire de parallèles entre Séraphine de Senlis et Violette Leduc puisque toutes deux ont en connu un destin difficile, l’une était orpheline, l’autre bâtarde, ont dû se battre pour faire connaître leur art à une époque où il était mal vu pour une femme d’embrasser une carrière artistique et qu’aujourd’hui, elles sont sorties de l’oubli grâce au talent de Martin Provost. Au départ le cinéaste rêvait de former un triptyque, mais faute d’avoir découvert le destin d’une malheureuse musicienne de génie, il a dû se contenter de ce diptyque, magnifique au demeurant.
« J’ai découvert Violette Leduc en même temps que Séraphine de Senlis puisque c’est René de Ceccatty, avec qui j’ai écrit le scénario de Violette, qui m’a donné ce texte que Violette avait écrit sur Séraphine alors que je préparais un film sur elle. Quand j’ai découvert cette langue tellement belle et tellement particulière, j’ai eu envie d’aller voir plus loin. J’ai alors commencé à lire Violette et j’ai découvert qu’il y avait une histoire incroyable avec Simone de Beauvoir. Pour moi, Violette et Séraphine, c’était la même chose tout en étant très différentes l’une de l’autre. Les deux films sont nés en même temps et je me rends compte qu’en terminant Violette, le chapitre se referme. »
Ce dimanche à 15h15 au Cinéma Impérial en présence du réalisateur et de l’actrice.