Karl Marx affirme que « Les événements se répètent pour ainsi dire deux fois […] la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce » [1]. À l’aide de cette image, le philosophe du communisme tentait d’illustrer l’échec de la révolution de 1848 qui permis à « ce personnage médiocre et grotesque » de Bonaparte de prendre le pouvoir et de devenir un héros national.
Bien entendu, le philosophe du communisme ne connaissait pas les fédérations étudiantes québécoises. Certains ajouteront que c’est tant mieux pour lui… Mais si tel avait été le cas, il aurait sans doute été dans l’obligation d’ajouter un troisième terme à son image de la « tragédie » qui revient plus tard en « farce ». Maintenant que la FECQ et la FEUQ se décident finalement à entrer en grève, l’instrumentalisation de cette dernière devient définitivement possible. Et si les fédérations répètent les mêmes stratégies et les grévistes les mêmes erreurs qu’en 1996 et 2005, cette lutte étudiante pourrait bien se solder par un autre échec.
La tragédie de 1996
Le 24 octobre, à l’appel du Mouvement pour le droit à l’éducation (MDE), les étudiants du Cégep de Maisonneuve à Montréal partent en grève. Ils sont rapidement joints par les associations de Rosemont, St-Laurent, Lionel-Groulx et Brébeuf (!). Les revendications sont les suivantes : fin des coupures (après 400 millions$ de compression à l’hiver 1995, le gouvernement péquiste en annonce de nouvelles à hauteur de 700 millions$), abolition des frais spéciaux (qui littéralement explosent), retrait de la cote « R », modifications de l’Aide financière aux études et maintien du gel des frais [2].
Les assemblées générales se multiplient et les étudiants sont bientôt des dizaines de milliers en grève. Et ces derniers ne chôment pas, fidèles aux modes d’action du syndicalisme de combat mis de l’avant par le MDE, les manifestations et les actions de perturbations se comptent par dizaines, certaines occupations durent même parfois plusieurs jours !
Après plus d’un mois de luttes auxquelles elles n’ont pas pratiquement pas participé (la FECQ n’a appelé que très tardivement à la grève alors que la FEUQ ne l’a jamais fait), les fédérations, sans mandat des étudiants, s’assoient avec le gouvernement. Malgré le rapport de force développé par le mouvement de grève et ses actions, les fédérations n’obtiennent que le gel des frais scolaires. Le MDE n’est pas invité à négocier et la vaste majorité des revendications des milliers de grévistes ne sont pas considérées.
Autrement dit, cette « victoire » en est une à la Pyrrhus : elle est accompagnée de l’instauration des « Frais spéciaux incitatifs à la réussite », mieux connus sous le nom de Taxe à l’échec, de même que par une augmentation importante des frais de scolarité pour les étudiants étrangers. Rien sur les coupures massives, rien sur l’aide financière et aucun débat sur l’éducation ne voit le jour.
La farce de 2005
Suivant le mot d’ordre de la Coalition de l’association pour une solidarité syndicale étudiante (CASSÉE), c’est le 24 février que la grève générale est déclenchée. Les revendications sont les suivantes : 1) le retrait de la réforme de l’Aide financière aux études (qui inclut, mais pas seulement, les fameuses coupures de 103 millions); 2) la fin de tout projet d’arrimage au marché du réseau collégial; 3) le tout dans une perspective d’éradication de l’endettement étudiant et de gratuité scolaire.
La FEUQ considère la grève prématurée, car elle a encore confiance que le prochain budget libéral lui sera favorable. Au moment même où les étudiants prennent la rue, les fédérations rencontrent le ministre de l’Éducation. Le 3 mars, alors 50 000 étudiants et étudiantes sont déjà touchés par le mouvement de grève, la FECQ appelle à son tour à prendre la rue. Ce n’est que le 7 mars, alors que le ministre affirme son refus de réinvestir les 103 millions, que la FEUQ appelle, pour la première fois de son histoire et alors que les étudiants sont désormais plus de 70 000 dans la rue, à la grève.
Cette même journée, le ministre Fournier, sous prétexte que la coalition ne condamne pas les « gestes de violences » survenus dans son bureau, refuse de rencontrer les porte-paroles de la CASSÉE. Cette violence, en fait, n’a jamais eu lieu, il s’agit d’une fausse nouvelle. Les occupants ont en fait déposé du café au centre du bureau de façon à masquer les odeurs nauséabondes qu’il habitait. Un journaliste de La Presse a pourtant rapporté que le café était des « excréments », ce qui aurait choqué le ministre. Les fédérations n’ont évidemment jamais exigée que la CASSÉE, porteuse du mouvement, soit elle aussi représentée.
La 15 mars, plus de 170 000 étudiants sont en grève et une manifestation rassemblant plus de 80 000 étudiants défile dans les rue de Montréal. Malgré tout, l’entente de principe du 2 avril, résultat des négociations entre les fédérations et le gouvernement, n’est pas du tout à la hauteur de cette combativité historique, et encore moins des revendications qu’elle portait. Comme le souligne Benoit Lacoursière dans son ouvrage sur l’histoire du mouvement étudiant au Québec : « Cette entente est loin de représenter un gain. Elle corrige sur deux ans une erreur d’une année » [3]. L’entente ne revient pas sur les compressions de 103 millions de dollars pour l’année 2005 : elle prévoit un réinvestissement de 70 millions en 2006 et le retour, finalement, des 103 millions en 2007.
La FEUQ de 2012?
Cette fois-ci, c’est alors que 120 000 étudiants sont à la rue que les fédérations, finalement, appellent à la grève. Le président de la FECQ a même ajouté, non sans mépris envers les grévistes en lutte depuis trois semaines, qu’il s’agissait d’une solution de « dernier recours » pour son association « responsable et patiente » [4]. Les fédérations, sans mandat des assemblées générales de grève, font d’ailleurs désormais des appels à la négociation avec le gouvernement, et ne se gênent pas pour condamner certaines actions considérées comme « violentes ».
La situation actuelle est cependant nettement plus favorable au mouvement qu’elle ne l’était par le passé. Le rapport de force de la Coalition large pour une association syndicale étudiante (qui se groupe sous le délicieux acronyme de CLASSE) est indéniable et les fédérations semblent plus que jamais dépassées par les événements. Plusieurs de leurs propres associations sont en grève depuis longtemps et certaines se sont même jointes à la coalition.
S’il continue avec la détermination qui est la sienne jusqu’à maintenant, tout indique que le mouvement sera en mesure de refuser en assemblées locales une entente à rabais négociée par les fédérations. Ce faisant, le mouvement pourrait non seulement obtenir le gel des frais de scolarité tel que revendiqué, mais également provoquer un débat sur la marchandisation de l’éducation est imposée au Québec depuis plusieurs décennies.
Si par contre les étudiantes et les étudiants écoutent la bonne parole des fédérations, la défaite pourrait encore une fois avoir un goût amer. Les Sénégalais, ayant intégré leur dégoût des politiciens à leur vocabulaire, utilisent le mot « politig » (politique en wolof) pour désigner toute forme de tricherie ou de malhonnêteté. Un contrat frauduleux, un vice caché ou une marchandise vendue au-delà de sa valeur réelle devient ainsi politig. Le terme peut même se décliner en verbe. Si par exemple quelqu’un dit une fausseté, on dit qu’il tente de nous politig [5].
Il est à espérer que si les fédérations poursuivent dans leur sinistre tradition historique, le vocabulaire des étudiants transformera à son tour les termes de « FEUQ » et de « FECQ ». On pourra dès lors dire d’une entente à rabais qu’elle est une « FEUQ » ou encore qu’il vaut mieux prendre garde à la récupération afin de ne pas être « feuqué ». Ces mots, en plus d’enrichir notre vocabulaire d’expressions nouvelles, deviendraient également porteurs d’une mémoire historique souvent trop courte.
[1] Vous n’avez pas halluciné, ce texte débute bel et bien par une citation de Marx. Pour en lire plus : Karl Marx, Le 18 Brumaire de Bonaparte, disponible ici http://classiques.uqac.ca/classiques/Marx_karl/18_brumaine_louis_bonaparte/18_brumaine.html
[2] Les faits présentés dans cet article s’inspirent librement des travaux de Benoit Lacoursière, Le mouvement étudiant au Québec (1983-2005), Montréal, Édition Sabotart, 2007. Cet article résume une partie de ces recherches : http://www.revueargument.ca/article/1969-12-31/344-des-federations-froides-a-un-printemps-chaud-bilan-critique-de-la-greve-etudiante-de-2005.html?MagazineArgument=69e40193c7952a68603ca9defdc07f5f
[3] Ibid.
[4] Rappelons accessoirement que les coupures actuelles ont été annoncées il y a deux
ans. Pour lire cette déclaration malheureuse : http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201203/02/01-4501749-la-fecq-appelle-ses-membres-a-debrayer.php
[5] Merci à Francis Dupuis-Déri pour la référence : Frederic C. Schaffer, Democracy in Translation : Understanding Politics in an Unfamiliar Culture, Ithaca-Londres, Cornell University, Press, 1998.
Il y a 30 ans, j’étais au CÉGEP quand Lévesque a pris le virage néo-libéral (c’était les années Tatcher-Reagan). Et je me souviens de la position de la FECQ (et de la FEUQ): Monter des beaux dossiers et « négocier » avec le gouvernement. Et si celui-ci refuse de négocier ? Surtout pas d’action, « ça donne rien ». Si on monte un bon dossier, c’est sûr qu’on va les convaincre.
Inutile de dire que j’étais sidéré de cette naïveté (réelle ou simulée). Et bien sûr, ils n’ont jamais rien obtenu. (Le ministère s’est contenté de ramasser le dossier et échanger des politesses pendant quelques minutes. Et je ne suis même pas sûr que le ministre aie pris la peine de se déplacer lui-même).
Je les avais classés comme « bureaucraties étudiantes »: une bande de futures gestionnaires qui préparaient leur plan de carrière vers la filière avec laquelle il prétendait « négocier ».
Ce que je lis de votre texte semble montrer que les choses n’ont guère changées.
M. Lagassé, les fédérations étudiantes ont été fondées au tournant des années 1990.
Il devait bien y’avoir des salopards il y a trente ans aussi, mais sous d’autres noms que ceux-là. 😉
Et merci pour cet important texte, M. Cyr!
J’apprécie le propos, mais regrette cette phrase maladroite : « Les occupants ont en fait déposé du café au centre du bureau de façon à masquer les odeurs nauséabondes qu’il habitait. » Qui est-il? 🙂
C’est vrai que cette phrase est étrange, mais honnêtement, je n’arrive pas à comprendre pourquoi.
Aidez-moi à comprendre, Mme Bombardier! Euf, je veux dire M. Kiopini 😉
Bon, rien à cirer de Madame Bombardier…
Pour le reste, peut-être devais-je juste en déduire que le ministre habitait ces odeurs nauséabondes.
Bonjour
J’ai une solution toute simple… Coupons dans les subventions aux « tartistes », aux productions de Québécor etc. Injectons ces argents pour aider les étudiants… Vous allez voir que les artistes vont se dissocier des étudiants. Bonne journée
Des articles chez Quebecor? Jamais entendu parler de ça 😉
On pourrait commencer par imposer les industries, tenter d’avoir des redevances qui ont du bon sens, lutter contre la fuite fiscale des entreprises, cesser de subventionner des projets déjà rentable… Et surtout mieux répartir l’argent qu’il y a déjà dans les universités, de façon à ce qu’elles soient au services des gens qui paient pour et non qu’elle soit arrimées aux besoins du marché.
aussi incroyable que ça puisse paraitre, j’ai une idée encore meilleure que la tienne: couper dans la corruption.
extrait de la dernière chronique de josée legault:
« On augmente les droits de scolarité pour tirer des étudiants ce qui reviendra à 190 millions de dollars, mais on met 240 millions sur des tableaux dits intelligents et dont l’achat profite en bonne partie à un entrepreneur membre de la grande famille libérale. »
http://tinyurl.com/76mvpmy:
« Les tableaux blancs qui ont été achetés sont ceux de Smart Technologies. Les tableaux de Smart Technologies sont les plus chers. Le lobbyiste de Smart Technologies est Martin Daraiche, ancien conseiller du premier ministre », a affirmé jeudi Sylvain Gaudreault à l’Assemblée nationale. »
Bonjour Sydnol,
Solution pour les simples d’esprit plutôt. D’ailleurs est-ce que cette idée viendrait d’une certaine radio, qu’on ne nommera pas ici? Je pose la question puisque ça fait une dizaine de fois que je vois ce commentaire sur Internet, presque toujours mots pour mots.
Une production culturelle fait travailler des centaines de personnes, la plupart derrière la caméra, des techniciens par exemple, qui ne font probablement pas beaucoup plus d’argent que le citoyen moyen (en fait ils en font probablement moins). Pourquoi s’attaquer à ces personnes? Pour les 2-3 vedettes présentent dans le projet (visant péniblement à rendre le projet un peu rentable)?
S’il y a des subventions à retirer à certains milieux pour la redonner aux étudiants, le milieu culturel n’est sûrement pas celui qu’il faut viser en premier. Puisque vous êtes conscient n’est-ce pas que la plupart des industries sont subventionnées d’une façon ou d’une autre?
Guillaume
En tout cas, hier, Concordia a voté de rejoindre le mouvement de grève. Nos exécutants du CSU, qui sont plus enclins à exécuter les demandes de la FEUQ que celles de leurs membres, ont tout fait que que la grève ne soit votée que pour 5 jours, et aussi tard que le 22 mars. Mais heureusement, l’assemblée générale, répartie en 2 campus et quatre salles, a voté de partir en grève le 15 mars, avec un mandat renouvelable.
Le vote est historique, c’est sûr. Mais pour ça, : »tout indique que le mouvement sera en mesure de refuser en assemblées locales une entente à rabais négociée par les fédérations », on verra bien. Le problème, c’est que les assemblées ne sont pas souveraines. Ça veut dire que le CSU et la FEUQ ne ressentent pas le besoin de consulter leur propres membres quant aux techniques de négociation, ou même en ce qui concerne les revendications qu’elles décident de mettre de l’avant.
Pendant longtemps elles en ont profité, mais lors des assemblées d’hier, nous avons tous et toutes pu constater les lacunes et le manque de transparence du processus démocratique que devrait être une assemblée générale, que devrait favoriser une association étudiante pour pouvoir prétendre représenter ses membres. Idéalement, la grève servira aussi à permettre aux membres de lutter pour que leurs associations étudiantes deviennent démocratiques, mais pour les membres de la FEUQ, ça signifie un combat de longue haleine.
SVP appellez un chat un chat.
Il s’agit d’un boycott de cours et pas d’une grève!
Expliquez-nous en quoi ce n’est pas du grève, M 1.
Oui, il s’agit d’une grève :
« 2 Arrêt volontaire et collectif d’une activité, par revendication ou protestation. Grève des étudiants. »
Le nouveau Petit Robert de la langue française, édition 2007
Encore un autre mythe qui circule pour discréditer le mouvement étudiant… Histoire de détourner des vraies questions.
Voir aussi :
http://leglobe.ca/blog/2012/02/mouvement-étudiant-grève-ou-boycottage-comme-une-odeur-de-novlangue/
Manifestation étudiante – BRUTALITE POLICIERE
http://www.youtube.com/watch?v=XUtLym_7HzA
Avec respect pour l’opinion de M. Cyr, j’attire l’attention des lecteurs de ce blogue ici:
http://www.ledevoir.com/societe/education/79616/he-les-jeunes-vous-avez-gagne pour un point de vue différent sur la grève de 2005.
Attaquer les autres acteurs du mouvement étudiant qui représentent pourtant de réels étudiantes et étudiants est malheureusement une tradition bien étable qui me désole à chaque fois.
Que différentes associations représentent les différents courants présents au sein de la population étudiante ne m’apparaît pas comme une faiblesse mais plutôt comme une force et une illustration de la démocratie étudiante en action.
Que la grève soit perçue comme un outil à utiliser avec une extrême prudence me semble d’une logique assez élémentaire et non comme une « déclaration malheureuse »…
Quant à l’opinion de M.Lacoursière (car c’est bien d’un opinion dont il s’agit), son jupon de l’ASSÉ dépasse trop souvent… Transparence totale: je suis un ancien de la FEUQ, et oui, mon jupon doit aussi dépasser! Mais j’assume mes opinions, sans tenter de les présenter comme des vérités…
Corrections: « établie » et « d’une opinion ». Mes excuses.
J’étais président de l’association étudiante du Cégep de Jonquière en 2005 (membre de la FECQ). Nous avons fait 3 semaines de grève (5 mandats renouvelés aux 3 jours). J’ai par la suite siégé comme exécutant national de la FECQ en 2006.
L’ASSÉ a été victime de l’incapacité chronique de ses dirigeants à voir plus loin que leur idéologie en 2005. C’est exact qu’ils ont lancé le mouvement de grève et que ce sont surtout leurs membres qui ont été les premiers en grève. Mais la FECQ a parlé de grève dès novembre en congrès. La FECQ planchait sur un plan de grève dès ce moment, même si l’appel « public » de ses dirigeants est venu plus tard à l’hiver. L’idée était simple: on ne voulait pas lancer un appel à la grève à nos membres qui ne serait pas suivi (contrairement à l’ASSÉ qui parlait de grève générale chaque session, mais n’en déclenchait jamais avant 2005). L’ASSÉ avait un porte-parole formidable en Éric Martin (qui joue encore un rôle important comme chercheur aujourd’hui, continuant à attaquer les mythes propagés par la CREPUQ et le gouvernement sur le financement universitaire), mais ils l’ont tassé parce qu’il n’était pas assez radical.
Malheureusement, c’est leur refus de dénoncer les actes de violence qui les a éliminés du portrait. Que les supposés gestes violents aient eu lieu ou pas (et je n’ai pas de peine à croire qu’un journaliste ait pu présenter une boîte de café comme une boîte pleine d’excréments), le porte-parole de l’ASSÉ avait juste à dire qu’il était contre. Point à la ligne. À la place, ils ont sorti la ligne du « chacun est libre de choisir ses moyens d’action », excuse bidon pour se déresponsabiliser. Dès lors, le ministre a eu beau jeu de les ignorer.
Cette liberté des moyens d’action, on l’a encore vu lors de la marche du 15 mars. C’était une manifestation organisée par la FECQ et la FEUQ. Heureusement qu’on s’est arrangés pour avoir un solide service de sécurité de la FTQ. Des manifestants armés de pierres et de bâtons, il y en a eu un certain nombre qui se sont fait sortir, de gré ou de force. Les 80 000 étudiants ont manifesté tout l’après-midi sans une seule arrestation. Le seul geste de violence rapporté fut un automobiliste qui a voulu foncer dans la foule pour passer (aucune victime). Il y aurait de quoi s’inspirer pour les leaders d’aujourd’hui.
La FECQ et la FEUQ ont aussi organisé des actions qui ont tourné au grabuge. À ce que je sache, ce n’est pas l’ASSÉ qui s’est invitée au congrès des libéraux au Château Montebello le 14 février 2005. Rien n’empêche de tenir des actions musclées, si la situation le commande (à l’époque, l’enjeu étudiant était complètement évacué du radar médiatique; cette action a remis l’enjeu au coeur de l’actualité). Mais la stratégie de communication doit être adaptée à la situation. Dans nos sociétés, la violence sera toujours inacceptable et doit toujours être dénoncée par les porte-parole officiels.
Pour la suite des choses, je ne peux pas parler pour la FEUQ. Même si les deux fédérations sont faciles à associer, au final, la FEUQ a choisi de « recommander » l’offre du ministre tandis que la « FECQ » l’a uniquement partagée à ses membres en assemblée générale (la distinction était importante… je sais que, dans mon cas, je ne voulais pas me pointer devant mes membres pour leur dire: « on n’a pas eu tout ce qu’on veut, mais je vous encourage à accepter car c’est le mieux que l’on va avoir ». Le discours que j’ai tenu était plutôt: « Voici ce que le ministre a offert. Il a reculé depuis le début. Si vous voulez continuer, il va continuer à reculer. C’est à vous de choisir. »). Ce sont les étudiants qui ont choisi de mettre fin au mouvement de grève.
La réalité, c’est que l’ASSÉ et les associations plus « radicales » ne sont pas assez nombreuses pour créer le fameux rapport de force dont ils se vantent. Si ça avait été le cas, leur mouvement aurait perduré en 2005 après que les associations de la FECQ et de la FEUQ eurent mis fin à leur grève. Au contraire, elles sont rentrées dans le rang.
Aurait-on pu obtenir plus? Peut-être… en tenant plus longtemps. Mais je sais qu’à Jonquière, on était rendus au bout. Et dans bien d’autres associations aussi.
Le mouvement actuel connaîtra sans doute le même sort. J’espère qu’ils vont tenir le plus longtemps possible. C’est la seule façon de faire plier le gouvernement. Mais la différence entre les dirigeants fédératifs et ceux de l’ASSÉ, c’est que ceux des fédérations doivent déjà plancher sur un plan de sortie, tandis que ceux de l’ASSÉ doivent rêver de renverser le gouvernement. Je ne suis plus associé aux mouvements étudiants, j’ignore ce qui se passe réellement ces jours-ci (au sein des exécutifs et lors des congrès); peut-être que les choses sont différentes… mais si la CLASSE (bravo pour l’acronyme, 100 fois mieux que la CASSE) veut vraiment obtenir des gains pour ses membres, ils devraient envisager ce qu’ils feront la journée ou leurs assemblées générales diront qu’elles en ont assez de la grève et que le ministre n’aura toujours pas décrété la gratuité scolaire… sans doute qu’elles blâmeront les fédérations, comme d’habitude.