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Feu sur la loi spéciale

Cette loi est abominable, abjecte, infâme, honteuse, hideuse, immonde, infecte, ignoble, lâche, vile, scandaleuse, réactionnaire, crapuleuse, grossière, sale, violente et autoritaire. C’est une loi de boss, une loi de scab, une loi qui permet aux lâches de se réfugier derrière le pouvoir de la police et des juges et d’éviter le débat politique.

Cette loi a pour objectif d’en finir avec le mouvement étudiant.

Il faut lui résister. La combattre à mort.

Désobéir, désobéir et encore désobéir.

Comme le gouvernement est incapable de faire plier le mouvement étudiant par le mensonge, la manipulation et les injonctions, il a décidé de cesser de faire semblant de jouer le jeu.

Les étudiantes et les étudiants ne veulent pas entrer en classe?

Aucun problème : nous allons les écraser.

Marcher au pas

C’est sur un vaste mensonge que se fonde cette loi, un renversement du réel qui veut nous plaquer la tête au sol et nous faire penser avec les pieds. Alors que depuis trois mois les étudiantes et les étudiants sont victimes d’une charge répressive inégalée, cette loi promet d’aller encore plus loin dans la violence et la répression. Elle permet de fracasser encore plus de crânes et d’envoyer encore plus de jeunes devant les tribunaux,  à l’hôpital ou en prison.

Cette loi donne du relief à ce qui existait malheureusement déjà. Elle fait craquer le maquillage de l’État et des médias de masse. Elle nous donne à voir – et George Orwell aurait sans doute bien aimé – ce que nos dirigeants entendent réellement par « démocratie » et « liberté ». L’objectif de la loi est de créer la peur, de décourager ceux et celles qui désirent prendre la rue. Non seulement elle tente de mater une grève étudiante dont le gouvernement n’a jamais réellement reconnu l’existence, elle s’en prend au droit fondamental de manifester sa dissidence politique. Elle ne fait pas seulement qu’ « encadrer » les manifestations : elle soumet le droit de prendre la rue à l’approbation arbitraire de la police, qui, à elle seule, peut en déterminer la légalité, le lieu, le trajet, et la durée.

Mal de cœur

Depuis le début de cette grève, l’État et ses serviteurs nous donnent à voir un spectacle des plus pitoyables, un spectacle qui devrait – nous avons bien dit : devrait – faire vomir n’importe quel être humain sensé.

Comment ne pas avoir mal au cœur en entendant nos ministres se féliciter du travail des policiers alors que des manifestants se trouvaient encore entre la vie et la mort? Comment ne pas avoir mal au cœur de voir l’escouade antiémeute procéder non sans brutalité à des arrestations de professeurs et d’étudiants dans nos cégeps et nos universités? Comment ne pas avoir mal au cœur à entendre les chroniqueurs de droite revendiquer toujours plus de gueules cassées alors que la répression est déjà d’une incroyable brutalité?

À un journaliste lui demandant si le port du carré rouge pourrait être considéré comme un appel à la désobéissance civile, la ministre de l’Éducation, Courchesne, a répondu :
« Ce sera au juge d’en décider ».

Si nous vivions en démocratie, cette déclaration aurait provoqué un tollé généralisé.

Mais pas ici. Pas maintenant.

Ici et maintenant, ce sont les étudiantes et les étudiants qui sont considérés violents, antidémocratiques et autoritaires, et non le gouvernement. Ici et maintenant, ce sont ceux qui se font briser le crâne qui sont sommés de prouver leur innocence, ceux qui débattent et discutent en assemblées qui sont « antidémocratiques » et ce ceux qui luttent pour l’éducation qui ne respectent pas les droits de « ceux qui veulent étudier ».

Vraiment, nous vivons une époque formidable.

Dérive historique

La crise est loin d’être terminée. La société marchande est à bout de souffle et les classes supérieures ne savent plus comment justifier leur domination. La corruption est généralisée et les formes du capitalisme (valeur, capital, travail) ne lui permettent plus de poursuivre son expansion sans créer toujours plus d’insatisfaction, d’exclusion et de destruction. En ce sens, la voie répressive qu’a prise l’État québécois n’est pas surprenante. Elle est le résultat de nombreuses années de dérives. On pense ici aux centaines d’arrestations arbitraires survenues lors du Sommet des Amériques en 2001,  aux nombreux cas d’arrestations de masse dénoncées par l’ONU en 2005, aux abus policiers survenus à Toronto en 2010 lors du sommet du G20, à l’apparition de l’escouade politique GAMMA (Guet des activités des mouvements marginaux et anarchistes), qui est passée presque inaperçue dans l’espace médiatique, etc.

Cette dérive n’est donc pas « exceptionnelle ». Elle est la même qui se pointe à l’horizon de l’Occident en entier. Partout on interdit le port du masque, partout on élargit le pouvoir arbitraire des policiers, partout on restreint le droit de manifester [1]. Cet autoritarisme est l’envers des résistances populaires aux politiques d’austérité réclamées par les banques et multinationales. Il est le symptôme de la dégénérescence d’une idéologie dégénérée au service d’un système dégénéré.

Les enjeux de cette bataille sont immenses. Les étudiantes et les étudiants ne luttent plus seulement pour sauvegarder leurs droits, mais bien pour empêcher la société de sombrer plus profondément dans cette lâche tyrannie de comptables et de banquiers. Ils luttent pour qu’une alternative au capitalisme et à la démocratie formelle continue d’exister. La défaite, l’acceptation passive de cette loi, serait tout simplement une catastrophe. Il faut mettre fin à cette dérive avant qu’il ne soit trop tard.

Nous devons lutter, lutter et encore lutter. Avec rage et courage.

Par tous les moyens nécessaires.

 

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Pour participer à la campagne : Arrêtez-moi quelqu’un

http://www.arretezmoiquelquun.com/

Manifs de (tous les) soir (s) : 20h30, Parc Émilie Gamelin.

 

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Notes

[1] À ce sujet : Anselme Jappe, « La violence, mais pourquoi faire? » http://palim-psao.over-blog.fr/article-34399246.html