« Nos défaites, voyez-vous, ne prouvent rien, sinon que nous sommes trop peu nombreux à lutter contre l’infamie. Et nous attendons de ceux qui regardent qu’ils éprouvent au moins quelque honte »
– Bertolt Brecht
Mis à part quelques irréductibles bastions de combattants – qui auront, malgré leur courage et leur détermination, beaucoup de difficulté à développer un réel rapport de force face à l’État – la grève étudiante, qui ne pouvait durer éternellement, est à toute fin pratique terminée.
Quel bilan pouvons-nous tirer de cet immense mouvement? Cette grève sera largement ce que
nous en retiendrons pour l’avenir, il est donc trop tôt pour répondre à cette question de façon définitive. Mais voyons quand même quel bilan provisoire nous pouvons dès maintenant tenter d’esquisser.
D’abord, inutile de jouer à l’autruche: il est impossible de crier victoire. Après avoir utilisé tous les procédés possibles et imaginables pour mater le mouvement, l’été et les élections précipitées auront eu raison de la grève. La défaite, cependant, est loin d’être totale. Cette grève a donné du relief à la démagogie politicienne, à la stupidité des chroniqueurs de droite, à la brutalité de l’État, à l’instrumentalisation du droit et à la sensiblerie petite bourgeoise de notre élite réactionnaire. Bref : elle a donné du relief au vide dans lequel baigne la bienheureuse conscience de notre société en crise.
Et elle a donné ruse et courage à ceux et celles qui l’ont menée.
Contre l’État
« Les manifestants ne s’attaquent plus au gouvernement du
Québec, ils s’attaquent aux Québécois et à un système économique »
– Jean Charest
« Ce sera au juge d’en décider »
– Michelle Courchesne,
répondant à un journaliste qui lui demandait si le
port du carré rouge pourrait être considéré comme une incitation à la
désobéissance
Les étudiants et les étudiantes ne faisaient pas face au gouvernement libéral, mais bien à l’État québécois, à son parlement, à sa justice et à sa police.
Cet État est en crise. Ce ne sont pas seulement les libéraux qui sont corrompus, mais bien l’ensemble des institutions, de même que le langage de ceux qui les défendent. C’est pour cette raison que le gouvernement n’a pas opté pour le dialogue et la négociation, mais bien pour la répression. Le pacte « keynésien » – qui menait les gouvernements à diriger en collaboration avec les syndicats et les groupes sociaux – est bel et bien mort et enterré. L’État en crise, comme nous le rappelle Anselm Jappe, se défait de ses « jolis oripeaux dont il s’est revêtu depuis plus d’un siècle » et s’installe en seul maître du jeu. Il ne discute plus: il dicte. Et ceux et celles qui ne sont pas contents, on l’aura compris, n’ont qu’à « attendre » – démocratiquement, bien entendu – les prochaines élections.
Cela, nombre d’étudiantes et d’étudiants, l’ont bien compris.
Fracturer le consensus
« Un des aspects les plus frappants de la crise
actuelle est le profond décalage qu’elle révèle entre la mentalité de beaucoup
de manifestants et la tournure d’esprit de gens comme moi. J’avoue très
honnêtement que je ne l’avais pas vu venir ».
– Joseph Facal, 23 mai
Depuis trente ans, notre élite ne faisait que répondre à l’écho produit par ses propres mensonges. Étant incapables de penser en dehors des normes de la doctrine religieuse capitaliste, politiciens et chroniqueurs amis du régime ont répondu aux revendications de « gratuité », de « démocratie » et de dénonciation de la « marchandisation de l’éducation » par des jappements méprisants et satisfaits : « bébés gâtés », « crottés », « enfants rois », « terroristes »…
Autrement dit il n’y a pas eu débat, mais bien combat. Les appels au matraquage ont été beaucoup plus nombreux que les arguments rationnels. Ils ont peuplé les chroniques poubelles de toute la province. Jamais on n’avait entendu autant de mensonges et de démagogie sortir de la bouche de notre sensible élite petite-bourgeoise réactionnaire. Et jamais le mépris n’avait autant été la norme.
Démocratie policière
« Je ne suis pas du genre à reculer devant
l’intimidation. Car le jour où on commence à reculer devant l’intimidation, ce
jour-là la démocratie est morte ».
– Raymond Bachand
C’est à grands coups de matraque que l’État a fait comprendre aux étudiants le sens du mot « démocratie ». Avec la complicité naïve ou assumée de l’élite politique et médiatique, il fait de l’exception d’hier la règle de demain. Peu importe que sa répression ait été dénoncée par des instances comme l’ONU et Amnistie internationale, tant et aussi longtemps que la population a la
conscience heureuse de vivre en « démocratie », l’État pourra utiliser le fantastique appareil de contrôle et de répression qui est le sien pour mater la dissidence.
La démocratie libérale lamine les conflits de classes, les contradictions et les divisions pour faire de « nous » une grande famille liée par la destinée nationale. Elle est l’opium du peuple des temps modernes.
Le contrôle étatique est actuellement le plus efficace qui soit. Il transfigure la guerre en « paix », la violence en « non-violence » et fait de celui qui est fiché, épié, matraqué, bastonné et méprisé un vecteur de « violence et d’intimidation ». La démocratie n’a pas besoin de « milice politique » pour
mater la dissidence. Appliquer le droit à la lettre est amplement suffisant, et lorsque les forces de l’ordre manquent d’outils, il n’y a qu’à voter une « loi spéciale » pour leur donner un peu plus de latitude.
Tel est certainement l’un des enseignements les plus considérables révélés par cette grève.
Le spectacle
« D’habitude, on voit son fils devenir un homme à la
maison. Moi, j’ai vu ce jeune garçon devenir un homme à la télé ».
– Marcel Blouin, père de
Léo Bureau-Blouin
Il ne faut pas confondre la grève et son spectacle, qui en est le reflet inversé et la négation. Le spectacle de la grève a été la partie immergée et artificielle de la révolte. Si les grévistes ont certainement apprécié les appuis de la gauche « raisonnable » politicienne, médiatique et artistique, il ne faut pas confondre le reflet de la lutte avec la lutte en soit. Les mêmes qui disaient appuyer les grévistes ont été les mêmes qui ont fait des appels au respect de la loi et à la « trêve » électorale. Pourtant, sans désobéissance civile, sans lignes de piquetage et sans blocages illégaux, cette grève aurait été tuée dans l’œuf. Quant à la « trêve », puisqu’elle ne concernait que les étudiants, elle n’en a jamais été une.
Si la participation au spectacle peut sembler envoûtante, voire utile à l’occasion, il faut pourtant la distinguer du mouvement réel qui se trouve dans les assemblées et les manifestations. C’est lorsque les étudiantes et les étudiants ont refusé de jouer le rôle qu’on attendait d’eux qu’ils ont réussi à secouer le joug tranquille de notre quotidien.
Moments victorieux
« Le gars [le policier], il n’était au courant de
rien. Il ne savait pas encore que quelqu’un s’était fait crever un œil par la
police aujourd’hui. Il n’avait aucune idée des débordements qui avaient eu
lieu. Il ne savait pas ce que nous foutions là. Il ne savait même pas ce qu’IL
foutait là. Il y eut un instant où j’ai regardé autour de moi et j’ai vu la
lucidité en rouge. J’ai compris que personne ici ne comprenait ce qui se
passait. Personne autour de moi, que ce soit du côté des matraqués, ou des
matraques, personne ici ne savait pourquoi. J’ai vu les policiers me regarder
en se demandant bien ce qu’ils pourraient dire à la p’tite ».
– Fannie Poirier, nuit du
7 ou 8 mars 2012
L’acquis le plus important de cette grève réside dans l’expérience des grévistes qui, par delà l’ennuyant spectacle médiatique et électoral, ont pris conscience de la force de la mobilisation et de la rue. Toutes ces assemblées à débattre de politique, toutes ces heures passées à faire du piquetage, tous ces kilomètres à marcher illégalement dans la rue, à narguer courageusement la police et la loi, forment l’expérience des grévistes. Cette expérience est irréductible aux bulletins de vote et à la norme – toujours bien bedonnante et bourgeoise – qu’on tente d’imposer à nos esprits.
Cette grève a transformé la vie et la vision du monde de ceux qui l’ont mis en marche. Ils et elles furent des dizaines de milliers à voir le visage du monopole de la violence et de la société mercantile qui est la nôtre. Chacun des coups de matraque et chacune des lignes écrites par les démagogues au service du Prince constituent autant de clous que la société marchande a enfoncés dans son propre cercueil.
Par leur courage et leur intelligence, les grévistes ont créé une brèche dans le consensus irrationnel du tout à l’argent. Ils ont prouvé que la déroute de notre société n’était pas obligatoirement la seule trajectoire possible. Ces petites failles laissent passer de nouvelles formes d’ombre et de lumière. Elles donnent à voir tout un monde de possible.
Grâce à cette grève, la société québécoise n’est déjà plus la même.
Petite question pour les anarchistes québécois.
Quelle stratégie ont-ils adopté lors de cette grève? Ont-ils réussi ou même tenté de faire pratiquer l’action directe envers la police aux masses? Ont-ils, comme les camarades d’Oakland, sorti boucliers et cagoules pour former une avant-garde? Ont-ils seulement considérer la propagande par le fait?
A la fois sur le court et long terme, ces techniques sont d’une redoutable efficacité.
Sur le court terme car elles permettent d’instaurer un véritable rapport de force avec la police lors de manifestations d’envergure, donc de limiter de manière significative les interruptions prématurées de manifestation. De plus, plus un mouvement est radical et potentiellement violent (donc fort, à l’image des 10.000 manifestants armées sur 100.000 lors des glorieuses années de l’autonomie en Italie) plus il a de chances de faire plier l’État pour éviter toute insurrection incontrôlable.
Sur le long terme, cultiver une pratique du combat permet de développer une conscience révolutionnaire dans les masses. Toutes les formes de lutte influeront sur les luttes futures, il est donc primordial de ne pas laisser le monopole de l'(in)action aux seuls citoyennistes. Attendre un mort en manif pour voir, dans le meilleur des cas, l’émergence de tactiques offensives ou d’auto-défense n’est pas tellement souhaitable. Les camarades d’autres pays ont fait l’expérience de divers situations, ont éprouvé quelques techniques que ce soit en Italie, en Grèce ou au Chili. Certes le contexte social n’est pas le même mais nombre d’outils peuvent être utilisés et converti au contexte Québécois.
Bref, bilan amère d’une contestation qui semble se limiter aux considérations de l’opinion public et du manège électoral. Puisse des amis me contredire, je ne souhaite que ça.
ils et elles ont essayé, ont tenté de s’organiser, parfois avec quelques succès ( Victoriaville, Le Plan Nord). Les boucliers, les cagoules, les ampoules de peinture, les bâtons, les tracts défendant l’action directe etc se sont montrés le bout du nez plusieurs fois. Le cirque médiatique et les courants pro-avoir-l’air-fins-dans-l’opinion-publique ont peut-être réussi à les rendre moins visibles, voire invisibles. Ils et elles se sont fait bousculer par des « paciflics » , se sont faits fiché-e-s et ont et peur de la répression peut-être plus que d’autres.
Mais je vous assurent qu’ils et elles étaient là, même si les journalistes n’ont pas cru bon de révéler leur présence constante et courageuse.
Appels même pas voilés à la résistance armée et radicale contre l’État Québécois.
Ce sont les propos que je m’attend à voir tenus dans des sous-sols enfumés, ou sur des forums obsurs fréquentés par quelques têtes brûlées.
Mais les lire ouvertement, ici, sur ce blogue, sans avoir été « modérés » par Voir ni l’hôte de ce blogue, j’avoue que les bras m’en tombent.
tiens! jcp est contre la liberté d’expression!
c’est incongru, un réactionnaire comme toi, en 2012.
@Andre Volt. La référence avec les autonomes est intéressante, mais elle démontre aussi plus une obsession pour l’action que pour l’organisation. Il est très probable que le passage des grévistes à une autre étape aurait été bien, mais cela ne dit pas pour autant si ce mouvement aurait été plus fort. En Californie, est-ce qu’il ont gagné?
Les autonomes étaient organisés. Hors des partis et syndicats mais c’était loin d’être le bordel. L’autonomie est une forme d’organisation en ce sens. Après, personnellement, je lui préfère des structure quasi-syndicales d’action directe mais c’est un autre débat. L’action ne peut être dissociée de l’organisation dans le cadre d’un mouvement social. Je ne fais pas l’apologie des actions du type de celles de la FAI-FRI.
L’action n’est pas une fin en soi, c’est un outils. Efficace, qui plus est.
Je pense honnêtement que le mouvement aurait été plus fort d’une plus grosse pression à exercer sur le gouvernement. Après ça ne les aurait peut-être pas fait gagner, mais ceci concerne le court terme. Sur le long terme, tout comme en Californie, cette démonstration est une forme de propagande par le fait très intéressante car elle est, pour certains, une initiation à l’autogestion et au combat contre l’État. Toutes les luttes sociales marquent les esprits, à plus ou moins grande échelle. C’est pour cela qu’il faut, toujours dans une perspective révolutionnaire (les apprentis tribuns, réformistes et conservateurs n’ont qu’à pas lire ces lignes), utiliser le plus possible des pratiques autogestionnaires de combat et de pression sur l’État, car c’est ainsi que commencera à entrer dans les mœurs les pratiques de combat et la conscience révolutionnaire. C’est en gros l’idéologie syndicale à peu de choses près. Ici je n’entends pas éduquer les masses, juste les accompagner et leur montrer par l’exemple que l’autogestion est un mode d’organisation optimal, sur tous les plans.
@André: ne commente pas trop svp…. Tout ce que tu dis est insensé, voire même complètement ridicule !
Merci beaucoup pour la profondeur de la critique que vous faites de mon discours. Je sais désormais que je suis sur le mauvais chemin et je m’en vais de ce pas demander une nouvelle carte d’électeur pour remplacer celle que j’avais brûlé.
Amen.
« même pas voilés » ?
« sans avoir été « modérés » » ?
« des sous-sols enfumés » ?
De tout ce que j’ai vu, entendu, lu ou compris plus ou moins à propos de cette «grève» étudiante du printemps, ce texte que vous nous soumettez démontre une totale déconnection du réel.
Mon désaccord est total avec vos constats.
Une minorité a obligé, par des votes non-démocratiques, à empêcher la poursuite de cours au cégep et à l’université.
La seule révolution qu’il y a eu, ce n’est que celle d’une poignée d’anti-démocratiques ayant fait tout leur possible pour étouffer la voix légitime de la majorité.
Ce «printemps érable» aura été une honte, un mépris du respect des autres, et une tache dans notre histoire – que les historiens de demain sauront certainement constater.
Les votes menés en assemblée étudiante sont dûment démocratiques. Le processus qu’ils suivent s’appuie sur le principe de la démocratie directe qui est sans conteste une des plus ancienne forme de représentativité populaire.
Par ailleurs, que cela vous plaise ou non, la notion de grève étudiante est bel et bien réelle et a même trouvé sa place dans le dictionnaire Larousse.
Quant à la notion de minorité, je m’amuse que vous osiez une fois de plus la mettre sur la table alors que ce gouvernement, ainsi que répété à de nombreuses reprises depuis 5 mois, est lui même à la tête du Québec avec 43% de voix pour un taux de participation de 58%. Soit la notion de majorité légitime s’applique à tous, soit elle ne s’applique à personne.
Par ailleurs, le mouvement des carré rouge a très largement dépassé le cadre des seuls étudiants pour se faire l’echo du ras le bol populaire à l’encontre d’un système qui entretient et aggrave les inégalités sociales, le délitement de la solidarité québoise et l’abrutissement généralisé de la population. Je peine à voir ici comment qui que ce soit a pu se voir étouffer quand nous avons assisté en 5 mois à plus de discussions, de débats, d’échange d’idées et cris du coeur qu’il n’y en a eu en 9 ans au Québec.
Après des pages et des pages de textes documentés, des milliers et des milliers d’arguments échangés au cours des nombreux débats que ce mouvement aura permis d’entretenir, je pense à la différence de vous, que le Québec a de quoi être fier de sa jeunesse qui a su le faire sortir du marasme intellectuel dans lequel une bonne partie de la population se complet depuis des années.
Les droits de scolarité n’ont été que l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Le problème se trouve à un niveau plus global et plus profond. Quoiqu’il puisse arriver maintenant, la jeunesse québécoise a ouvert la voie à une contestation d’une plus grande ampleur et secoué le Québec dans ses fondements mal établis. Ils sont la résultante directe de la révolution tranquille et de l’ouverture de l’éducation au plus grand nombre. Ils sont l’espoir d’une société qui s’est surtout caractérisée dans les dernières années par sa soumission tranquille et son anti-intellectualisme.
Nous avons tous changé notre point de vue sur la société à laquelle nous participons, grâce à eux. Pour preuve, le traitement par les médias et le public de la campagne électorale actuelle qui est à des éons de ce qu’il a pu être dans les précédentes années. Rarement, on aura à ce point souligné la sclérose du système électoral au Québec, rarement on aura souligner la lassitude que le bipartisme entraine et le peu d’alternatives réelles données aux électeurs. Surtout, c’est la première fois que je vois des discussions de type gauche/droite faire surface. Pour la première fois, en sus de la question de la souveraineté, la population s’interroge sur le Québec qu’elle souhaite sur le plan sociale, économique, religieux…. C’est une immense victoire.
les mauvais historiens, oui.
M. Perrier, la honte, c’est plutôt la négation de l’éveil des consciences et le refus de voir que l’on a tenté de museler à coups de matraques et de loi spéciale des centaines de milliers de citoyens éduqués, civilisés et informés par autre chose que les médias-poubelle-spectacle.
« ce texte que vous nous soumettez démontre une totale déconnexion du réel. »
Eh bien, ce « réel » dans lequel vous vivez démontre une totale déconnexion du vrai « réel ». Toutes ces règles, toutes ces lois, tout ce système organisé pour ne servir qu’une poignée d’individus n’a rien de réel si on le compare aux réunions citoyennes, aux actions de la rue que nous avons vécues lors du Printemps Érables. La tristesse de votre argumentaire est de constater que vous avez bien gobé ce qu’on a voulu vous faire gober. Vous êtes une belle bête bien dressée dans un système bien organisé qui n’encourage en rien une réflexion réelle. Et quand réflexion réelle il y a, on l’étouffe et on l’assomme.
Vous semblez faire l’apologie de la démocratie alors que vous vivez dans un endroit où la démocratie se limite à un vote à tous les quatre ans. La démocratie s’effrite. Il y a bien longtemps qu’elle n’est plus ce qu’elle devrait être. Vous vous confortez dans cette illusion parce qu’elle vous rassure, parce que le vrai réel vous effraie, parce qu’il faudrait que vous vous impliquiez réellement plutôt que de commenter du confort de votre demeure.
Votre mépris et celui de vos mentors des médias de droite n’arrive pas à la cheville du courage et de la détermination démontrés par le peuple qui marche, qui crie et qui encaisse les coups sans broncher.
Que cela vous plaise ou non, le Printemps Érable a déclenché quelque chose d’irréversible qui sonnera le réveil du peuple Québécois. Dans quelques années, quand tout ira mieux, vous pourrez faire croire aux gens que « vous étiez là », mais ce que vous ne direz pas, c’est que vous étiez partisan de l’immobilisme et de la stagnation des esprits cristallisés dans les mensonges de l’État.
Les votes menés en assemblée étudiante sont dûment démocratiques. Le processus qu’ils suivent s’appuie sur le principe de la démocratie directe qui est sans conteste une des plus ancienne forme de représentativité populaire.
Par ailleurs, que cela vous plaise ou non, la notion de grève étudiante est bel et bien réelle et a même trouvé sa place dans le dictionnaire Larousse.
Quant à la notion de minorité, je m’amuse que vous osiez une fois de plus la mettre sur la table alors que ce gouvernement, ainsi que répété à de nombreuses reprises depuis 5 mois, est lui même à la tête du Québec avec 43% de voix pour un taux de participation de 58%. Soit la notion de majorité légitime s’applique à tous, soit elle ne s’applique à personne.
Par ailleurs, le mouvement des carré rouge a très largement dépassé le cadre des seuls étudiants pour se faire l’écho du ras le bol populaire à l’encontre d’un système qui entretient et aggrave les inégalités sociales, le délitement de la solidarité québécoise et l’abrutissement généralisé de la population. Je peine à voir ici comment qui que ce soit a pu se voir étouffer quand nous avons assisté en 5 mois à plus de discussions, de débats, d’échange d’idées et cris du coeur qu’il n’y en a eu en 9 ans au Québec.
Après des pages et des pages de textes documentés, des milliers et des milliers d’arguments échangés au cours des nombreux débats que ce mouvement aura permis d’entretenir, je pense à la différence de vous, que le Québec a de quoi être fier de sa jeunesse qui a su le faire sortir du marasme intellectuel dans lequel une bonne partie de la population se complet depuis des années.
Les droits de scolarité n’ont été que l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Le problème se trouve à un niveau plus global et plus profond. Quoiqu’il puisse arriver maintenant, la jeunesse québécoise a ouvert la voie à une contestation d’une plus grande ampleur et secoué le Québec dans ses fondements mal établis. Ils sont la résultante directe de la révolution tranquille et de l’ouverture de l’éducation au plus grand nombre. Ils sont l’espoir d’une société qui s’est surtout caractérisée dans les dernières années par sa soumission tranquille et son anti-intellectualisme.
Nous avons tous changé notre point de vue sur la société à laquelle nous participons, grâce à eux. Pour preuve, le traitement par les médias et le public de la campagne électorale actuelle qui est à des éons de ce qu’il a pu être dans les précédentes années. Rarement, on aura à ce point souligné la sclérose du système électoral au Québec, rarement on aura souligner la lassitude que le bipartisme entraine et le peu d’alternatives réelles données aux électeurs. Surtout, c’est la première fois que je vois des discussions de type gauche/droite faire surface. Pour la première fois, en sus de la question de la souveraineté, la population s’interroge sur le Québec qu’elle souhaite sur le plan sociale, économique, religieux…. C’est une immense victoire.
Bien dit ! N’oubliez pas que le TREMPLIN pour tout ce mouvement étudiant fut sans contredit le mouvement OCCUPY à qui nous devons beaucoup.
« Les votes menés en assemblée étudiante sont dûment démocratiques. »
(repris du R. Martineau)
-Le département de service social de l’Université de Montréal vote la grève avec un taux de participation de 9 %.
-Le département des sciences humaines de l’UQAM vote la grève avec un taux de participation de 7,5 %.
-Certains jeunes contre la grève qui se font huer, conspuer, intimider et harceler lorsqu’ils osent se pointer au micro lors des assemblées générales.
-Certaines assemblées générales s’éternisent, histoire de faire fuir les étudiants qui ont autre chose à faire de leur vie.
-Des votes se déroulent alors que la plupart des étudiants en faveur d’un retour en classe sont en stage ou travaillent.
-Dans certaines associations étudiantes, il suffit d’avoir la majorité simple (50 % + un vote) pour déclencher un boycott des cours, mais vous devez obtenir le vote des 2/3 de l’assemblée pour l’annuler.
-Sur YouTube, on peut voir un étudiant du cégep de Saint-Jérôme voter à plusieurs reprises.
-On voit aussi les leaders d’une association étudiante déclarer victorieusement la continuation du boycott, après avoir « compté » des centaines de mains levées en deux ou trois secondes.
-En mai dernier, les étudiants en sciences politiques de l’UQAM ont décidé d’empêcher les étudiants en droit de retourner en classe, même si ceux- ci avaient voté en majorité – et deux fois plutôt qu’une – pour une reprise des cours.
-Au cégep de Rimouski, la majorité des étudiants ont voté pour le retour en classe. Mais une dizaine de minutes après ce verdict final, alors que plusieurs étudiants avaient quitté la salle, un Rouge a demandé un recomptage et cette fois- là, ce sont les pro- boycott qui ont remporté. On a profité du départ de nombreux étudiants pour infirmer leur décision.
-Au cégep de Limoilou, un journaliste du Journal de Québec a pu voter sans problème lors d’une assemblée.
-À l’Université Laval, une majorité de 4 500 étudiants (donc, plus de 2 250 étudiants) se sont prononcés contre le débrayage. Pas contente du résultat, l’association a décidé de reprendre le vote un autre jour. Cette fois, seulement 600 étudiants se sont présentés, et 325 militants arborant le carré rouge ont pu renverser le vote précédent et accorder un mandat de « grève illimitée » à leur association.
-Idem au cégep de Limoilou, où une reprise du vote a permis à 85 étudiants de renverser un mandat de retour en classe, qui avait été appuyé quelques jours auparavant par 2 090 étudiants.
Peut-être n’est-ce que la pointe de l’iceberg.
@ Ian a Marre
– Au cégep de Limoilou, le journaliste du JdeQ était particulièrement mal intentionné, contournant l’entrée d’inscription pour pénétrer par une porte dérobée, prenant un carton de quelqu’un qui avait quitté l’assemblée pour voter. Il entendait discréditer le processus en entier de débat et de vote par sa seule présence frauduleuse. Ça en dit long sur sa conception de l’éthique journalistique, sans parler de la une sensationnaliste qui en est résulté. Du Québécor à son meilleur, qui prouve largement la critique des médias faite dans le texte de Marc-André Cyr.
– Au Cégep Limoilou, il n’y a pas eu de vote de retour en classe, parce qu’il n’y a pas eu de grève illimitée. En effet, les étudiants se sont prononcés contre en assemblée. Des militants ont donc demandé et obtenu une autre assemblée pour faire une journée unique de levée de cours pour participer à la manifestation nationale du 22 mars. Il y avait effectivement peu de personnes présentes à cette assemblée, mais il est faux d’affirmer qu’elle revenait contredire un mandat précédent.
Considérant seulement ce que je peux juger de votre publication, on est en droit de questionner la valeur des autres affirmation que vous avancez.
Il y a confusion entre se prononcer contre la hausse des frais de scolarité et devoir, personnellement, mettre à prix un trimestre de cours par le moyen de la grève. Néanmoins, je n’ai pas rêvé les milliers d’étudiants dans les rues de Montréal; je n’ai pas rêvé les milliers d’étudiants dans les rues de Sherbrooke. J’y étais.
Je sais à quel point les étudiants ont été déchirés dans les assemblées et combien d’entre eux, favorables ou non à la grève comme moyen de pression, se questionnent sur le système universitaire québécois et sur le système d’éducation, plus largement.
Qu’il y ait des anecdotes journalistiques, des vices de procédures, des luttes de représentation, tout cela ne peut éclipser la force d’une jeunesse éveillée, qu’elle soit favorable ou non à la grève.
J’ai bien hâte de lire des arguments qui démontrent que les assemblées générales étaient antidémocratiques, et non seulement des anecdotes à la Martineau. Il y a eu des centaines d’assemblées qui se sont déroulées dans la province. Chacune d’elle a été encadrée par un code précis. Vous saviez que la vaste majorité d’entre elles ne tolère même pas les applaudissements, histoire de ne pas intimider les participants? Le problème, c’est que ce n’est pas de démocratie bourgeoise dont il s’agit, mais de démocratie directe. Elle n’est pas de la même nature. C’est pour cette raison qu’elle choque les adorateurs de parlements et de hiérarchie.
De mon avis, la tache dans l’histoire, la honte historique, M. Perrier, elle concernera surtout ceux qui ont laissé l’éducation être progressivement vendue aux intérêts mercantiles, ceux qui ont permis la limitation du droit de grève, ceux qui ont participé aux délires sécuritaires du gouvernement, ceux qui ont permis la brutalité policière, ceux qui ont accepté sans rien dire une loi antidémocratique et anticonstitutionnelle et ceux qui ont soutenu un gouvernement corrompu.
À moins d’avoir participé à toutes les assemblées Monsieur Cyr, vous n’avez aucune espèce d’idée de ce qui s’y est passé. Vous accusez Martineau de toujours être de mauvaise foi, mais vous êtes aussi manipulateur sinon plus que lui.
Aussi, votre démocratie directe, si elle est supervisée par des cabochons de mauvaise foi, elle ne vaut strictement rien.
Faut il en déduire, M. Marre, que vous avez vous même assisté à l’ensemble de toutes les Assemblées ayant eu lieu depuis 5 mois?
Je ne crois pas me souvenir y avoir vu M. Martineau.
Oh monsieur Marre, des cabochons, vraiment?
Évitons, si vous le permettez, de tomber dans l’insulte facile et dénuée de propos. Nous sommes tous bcp trop intelligents pour cela.
Malheureusement pour nous tous, monsieur Martineau s’est avérée une source d’information fort peu crédible au cours de sa longue carrière journalistique. J’aimerais donc connaitre avec précision les sources des chiffres et faits ici énoncés (notamment le mode de calcul du taux de participation et une mise en perspective réelle des prétendues intimidations dont il est question). Il y a eu depuis le début de ce conflit un minimum de 10 assemblée générales pour chaque université et département où la décision de grève devait être reportée. Le nombre d’anecdotes dont vous nous gratifiez, si tant est qu’elles soient justes, me semble donc relever de l’exception et non de la règle. Il ne remet par ailleurs nullement en cause la notion de démocratie directe sur laquelle s’appuie les assemblées pour prendre leurs décisions.
Quant à la nature des anecdotes elle-même, j’aimerais souligner deux choses. En premier lieu, que le problème du faible taux de participation existe dans toutes les formes de démocratie actuelles à commencer par celle qui nous a fait élire M. Charest et son gouvernement. On ne peut reprocher aux étudiants le faible taux de participation aux assemblées, et donc la légitimité de leurs décisions, sans remettre en cause dans le même mouvement la légitimité du gouvernement lui-même. Ensuite, la nature même de la démocratie directe est la prise en considération du point de vue de l’ensemble des parties prenantes. L’avantage de ce système est qu’il permet de donner la parole à tous. Le désavantage est qu’il a tendance à créer de long débat autour de chaque décision. Il n’est donc absolument pas certain que la longueur du temps nécessaire à une prise de décision finale ait été pensé dans le but précis de faire fuir des étudiants. Il pourrait être au contraire la résultante d’un débat serré entre points de vue divergents.
Quant à la reprise des votes, il s’agit d’un processus tout à fait démocratique qui repose sur le même principe que celui permettant à notre gouvernement de déclencher des élections quand bon lui semble. Je tiens d’ailleurs à souligner que les deux positions y ont eu recours. S’il faut parler de Rimousky et de Limoilou, alors parlons de Marie-Victorin:
http://www.lapresse.ca/actualites/dossiers/conflit-etudiant/201208/14/01-4565127-des-eleves-reclament-une-reprise-du-vote.php
Quel excellent texte M. Cyr!
Grâce à cette jeunesse j’ai retrouvé la fierté d’être de ce peuple québecois, une fierté qui s’étiolait depuis bon nombre d’années déjà. Merci à cette génération Y qui lutte contre la mondialisation du » naître, produire, mourir « .
Le Québec ne sera plus jamais pareil et c’est tant mieux.
S’il est trop tôt pour crier victoire, il est également trop tôt pour dire que cette grève aura été une défaite. Outre les réalisations bien réelles énumérées dans ce texte en terme de politisation et de radicalisation des grévistes, il est bien possible que les revendications étudiantes triomphent.
La grève étudiante a déjà amené le principal parti d’opposition a s’engager à abolir la hausse des frais de scolarité. Elle a aussi forcé le parti au pouvoir à déclancher des élections anticipées. Si les sondeurs ne se trompent pas et que le Parti Québécois est élu, la grève est sur le point d’être victorieuse sur le plan de ses revendications. Même si ce scénario n’est pas aussi romantique que certains l’auraient souhaité, parce qu’il passe par l’élection d’un parti bourgeois, il n’en demeure pas moins que la lutte mouvement étudiant aura réussi à bloquer la hausse.