Le spectacle électoral est terminé. C’est une bonne nouvelle. Vous pourrez désormais ouvrir les journaux, la télé et la radio sans que de vieilles picouilles prétentieuses et sans charisme vous déballent leurs grossières techniques de drague.
Enfin, pour un instant, pour nous, la paix…
La paix?
Pas tout à fait, la soirée électorale a déjà fait un mort. C’est plutôt mal parti pour la paix… Nous parlerons encore longtemps, nous en faisons le pari, de ce drame. Tout le monde y va de son interprétation personnelle : c’est la faute aux anglophones (!), aux francophones (!!), à Pauline Marois (!!!), au mouvement étudiant (!!!!) … Tout le monde accuse ses « ennemis » d’être responsables du drame et tout le monde refuse de voir qu’il y a un peu de nous dans cette folie meurtrière.
Nous vivons la fin de l’histoire. Une époque fantastique… Si fantastique que nous sommes dans l’incapacité de voir que ces manifestations de violence extrême sont le résultat de la dégénérescence de notre société – ou, plus précisément, de notre propre décadence.
La vérité, c’est que la vaste majorité des commentateurs n’y comprennent rien. Ils le disent d’ailleurs eux-mêmes : c’est « irrationnel », c’est de la « folie ». Elle est pratique, la « folie », lorsqu’il s’agit d’expliquer ce qu’on ne comprend pas. Elle nous permet de balayer la critique sous le tapis afin de ne pas troubler notre conscience tranquille et satisfaite.
Culture narcissique
Ces tueries sont de plus en plus fréquentes en Occident. Loin d’être anecdotiques, elles incarnent, de notre avis, le résultat d’un malaise profond et radical. Tenu dans l’esclavage de ses désirs consuméristes aliénés, l’individu moderne n’a pas renoncé à ses rêveries infantiles. Il n’a toujours pas séparé son corps et ses désirs de la réalité. Comme le dirait Freud, il ne dépasse pas la phase du « narcissisme primaire ».
La droite conservatrice considère que cet « égoïsme » est le résultat de la « perte des valeurs » de notre société. Ces valeurs, bien entendu, seraient celles de la famille, de l’autorité, de la hiérarchie, de la morale, etc. Si cette perte n’est pas totalement étrangère au phénomène de la violence extrême, la droite – probablement parce qu’elle est aveuglée par son propre idéalisme – oublie pourtant un élément important, essentiel à l’analyse. Étant aveuglée par l’idéologie capitaliste, elle est incapable de voir que ce narcissisme est en fait le résultat de notre système économique. Préférant accuser la « Nouvelle gauche » d’être responsable de cette dérive, elle refuse de voir que c’est le capitalisme qui produit cette infantilisation massive de la population.
Fondé sur la compétition – la guerre de tous contre tous –, la forme marchandise contribue à faire de nous des individus anthropologiquement dégradés. Comme la société marchande lui promet de combler tous ses rêves, l’individu moderne ne peut se dégager de ses désirs primaires. Il est un être « unique », un être « exceptionnel », une « personnalité », un « héros »…
Comme le souligne Benjamin Barber
« Les caractéristiques constantes de cet éthos infantilisant sont: l’émotion domine la pensée, l’égoïsme prime sur l’altruisme, le privé sur le public, le rapide sur le lent, le facile sur le difficile. La culture adolescente est en train d’écraser toutes les autres formes de culture. Les chaînes de fast-food, les jeux vidéo, le succès de films comme Shrek le corroborent: la culture consumériste est bien souvent celle de la régression. » [1]
Culture égoïste de la facilité, de l’absence de limite, de la carrière fulgurante, des promesses de vie éternelle et de croissance économique illimitée… L’individu avide de puissance est pourtant plus isolé que jamais. Il vit une contradiction, une tension permanente. Atomisé, seul, égoïste, il n’a jamais cultivé autant de désirs tout en étant aussi profondément impuissant – du moins sans arme à feu.
Il ne faut pas l’oublier : ce type d’événement n’est pas le strict résultat d’une psychose individuelle – pas plus, d’ailleurs, qu’il n’est le résultat du contexte québécois. Il est, du moins en partie, le reflet de la culture occidentale, de ce monde dont nous sommes le reflet plus ou moins stable et équilibré.
***
Notes
[1] Comment le capitalisme nous infantilise de Benjamin Barber Éd. Fayard, 2007, 526 p. pour lire une entrevue de Barber avec Voir : https://voir.ca/societe/2008/01/31/benjamin-barber-de-grands-enfants/
Hum… je t’avoue que commencer un commentaire sur la tentative d’assassiner une femme par une phrase aussi pétrie de misogynie (« de vieilles picouilles prétentieuses et sans charisme vous déballent leurs grossières techniques de drague »), c’est comme… ordinaire! Comme quoi une cartaine gauche n’a rien à enver à la droite dans ce domaine.
a propos de la misogynie tu écris:
« Comme quoi une cartaine gauche n’a rien à enver à la droite dans ce domaine. »
tu prétends donc que la droite est misogyne? pourquoi?
Je pense qu’il dit que la gauche utilise aussi de grossières techniques de drague. Ou de quoi de même. C’est pas clair.
Si tu ne peux pas voir qu’une « picouille » peut également être un homme, comme le contexte le veut ici, c’est peut-être toi, Martin, qui nous sert ici une petite pointe de misogynie, non?
Respectueusement,
D’autant plus que c’était au pluriel…
Très court comme analyse. Mais, je partage la direction. Pour avoir étudier et lu beaucoup sur les sujet des théories de groupe, de l’obéissance, de l’escalade des conflits, etc. , je suis aussi persuadé que la « civilisation occidentale capitaliste » infantilise sa population. Pour comprendre un peu, la manifestation la plus concrète est sans aucun doute la place acordée pour tout ce qui est « grosse poitrine ». C’est tout simplement que ces hommes amateurs de fortes poitrines (rarement naturelle), se retrouvent dans leur état de jeunes garçons avec leurs mères. Cependant, ce n’est pas un phénomène récent. Comme vous avez dit, avec l’omniprésence de la culture de consommation (à outrance) le tout s’est accentué à une vitesse exponentielle. Et pour les assassinats politiques, j’aimerais bien que les anglophones et anglophiles prennent positions et condamnent les actions de ce dangereux criminel. Pour l’instant, c’est beaucoup plus, pauvre fou, avec toute la violence que l’on a connu ces derniers mois… La violence des policiers, D’accord. Cela peut engendrer une rage et une colère chez les individus. Quand des journaux, des radios, des émissions de télévision entretiennent une information intox et en rajoutent toujours plus, cela engendre une paranoïa et un état psychotique. Oui, ce fou était bien fou. Un attentat politique fait par un fou. Où peut-être par quelqu’un qui s’était fait faire de belles promesses par une autorité qu’il considérait comme étant légitime. Plus légitime que la première Première Ministre élue du Québec. Ou bien toutes ces raisons…
C’est vrai que ça aurait pu être pertinent d’intégrer à l’article une analyse féministe, mais M. Dufresne, je vous en prie, vous devriez parfois déposer votre costume de chevalier pro-féministe…
Ou à tout le moins faire vos interventions de manière plus constructive. On l’a compris, que vous étiez un homme plusse bon que les autres; vous devriez essayer de partager un peu de votre grandeur, au lieu de simplement regarder les autres de haut…
Et sur la forme : Legault, Marois, Charest, Khadir et tant d’autres ne sont-ils et ne sont-elles pas, métaphoriquement, « de vieilles picouilles prétentieuses »?
Si je puis rajouter, pour une autre manifestation de l’état psychotique permanent qu’entretiennent ces médias de par leurs infos intox, voir avec ce lien des gens qui crient : »Canada! Canada! » avec des t-shirts des Nordiques de Québec… http://www.youtube.com/watch?v=foGGA00ca5k&feature=related
D’autant plus que le fédéral ne fait rien dans ce dossier ! Peut-être même craint-il d’y voir une équipe…
L’homme tue depuis quand déjà? Ah oui, ça me revient : depuis la nuit des temps. Bien avant l’avènement de la méchante droite, bien avant l’avènement du méchant capitalisme. Je dis ça juste de même.
La violence de la gauche c’est de penser que sa volonté est imposable aux individus qui constituent leur société.
Leur dicter comment ils vont se soigner, leur dicter leur productivité (quotas de lait), leur dicter leur secteur activité (interdiction du fromage au lait cru, de la fabrication d’alcool, d’être fermier sans l’UPA ou dans la construction sans syndicat), leurs revenus (médecins et autre), leurs possessions.
Tous ces règlements qui régissent la vie de nos concitoyens sont appuyés par le pouvoir de l’état qui a le monopole de la violence physique, économique et législative. La gauche utilise contre l’individu les outils qu’elle dénonce; la police, les juges et l’autorité en générale.
L’argent pris par le gouvernement à la pointe du fusil (métaphorique ou pas) pour aider les autres ne vous procure aucun sentiment de satisfaction et ne vous donne aucune grandeur d’âme. C’est pourquoi vous en prenez toujours plus aux individus au lieu d’encourager la société à être plus charitable volontairement.
Le mantra idéologique libertarien que vous exposez ne trompera personne. Tout est de la faute de l’État. Mais il ne vous vient pas à l’esprit que vous passez outre l’autoritarisme tout aussi réel des relations contractuelles de pouvoir telles qu’appliquées dans les entreprises privées hiérarchiques, grandes et petites, qui contrôlent l’économie mondiale.
Votre phobie libertarienne de l’État reflète et reproduit une méconnaissance profonde des mécanismes par lesquels s’opèrent le véritable contrôle social qui régit dans le monde actuel. Si vous voulez maximiser la liberté et l’autonomie individuelle, il est clair que l’État est le moindre des obstacles à renverser. Car l’institution coercitive la plus efficace, la plus répandue et la plus universelle est le travail, contrôlée par les dirigeants des multinationales capitalistes, pas l’État.
La réalité est que l’État n’est que l’arbre qui cache la forêt en matière d’oppression, car il n’en est pas la source principale, seulement un des dépositaires indirects.Et que la vie n’est pas un bien de marchandise qui obéit aux lois du sacro-saint-marché.
« Tout le monde y va de son interprétation personnelle : c’est la faute aux anglophones (!), aux francophones (!!), à Pauline Marois (!!!), au mouvement étudiant (!!!!), au capitalisme (!!!!!!!!!!!!!!) … Tout le monde, y compris moi mais d’une façon plus subtile pour vous faire croire que je ne le fais pas, accuse ses « ennemis » d’être responsables du drame. »
Fin du texte
Voilà, j’ai fait la correction pour vous.
*fais.
**GAH! Fait!! Sentez-vous bien à l’aise d’effacer ces 2 derniers commentaires orthographiques.
JCP: vous ne voyez aucune différence entre Marois, les anglos, les francos, Marois et … le capitalisme? Cherchez encore un peu, vous trouverez.
Pascal: Vous avez raison: l’Homme tue depuis toujours. Je vais donc cesser de tenter de comprendre sa violence: c’est la nuit des temps qui en est responsable.
Viktor: c’est quoi le rapport de la « violence de la gauche »?
Le capitalisme, comme le fascisme rouge ou brun, crée des pathologies particulières pourquoi avoir tant de difficultés à l’admettre? Vous ne seriez pas un peu amoureux pas hasard?
L’effort de compréhension est louable, mais ton analyse typiquement universitaire a justement ce défaut : elle est typiquement universitaire. Jeune intello fougueux et branché que tu es, tu crois détenir la clé de tout, tu crois que tout s’explique, qu’il y a forcément une logique. Tu as même la solution à tous les maux! Malheureusement, tout ne s’explique pas toujours. Ce qui fait que dans le meilleur des cas ton texte aurait dû être écrit sous l’angle de l’hypothèse et non de la certitude.
On émet généralement des hypothèses pour tenter de comprendre, et donc d’expliquer, ce qu’on observe.
Qu’on ne comprenne pas les règles sous-jacente à une chose ne signifie pas qu’elle n’obéit à aucune logique. De la même manière, qu’on ne soit pas en mesure d’appréhender un phénomène n’implique nullement qu’il soit, par nature, incompréhensible mais souligne seulement les limites de nos connaissances. Ces mêmes limites que la pensée universitaires tente de repousser.
La violence n’est pas un phénomène monolithique. Sa nature et son expression diffère selon les modes d’organisations dans laquelle elle prend place. La violence du capitaliste est caractéristique d’un système où tous les individus sont mis en concurrence les uns contre les autres et du délitement du tissu social qui s’en suit. C’est de cette violence qu’il était ici question.
Très bon texte Marc-André, qui participe d’une volonté de comprendre. Mais au-delà de nos positions politiques, au-delà des séduisantes thèses de Guy Debord, il y a une réalité empirique qui intéresse tout particulièrement la psychiatrie. Toutes les sociétés, qu’elles soient capitalistes, socialistes, communistes, primitives ou évoluées, ont fait face à des passages à l’acte violents de la part d’individus malades. Il est aussi téméraire de présenter ces passages à l’acte comme disjoints des sociétés dans lesquelles ils prennent racine, comme il l’est de les expliquer par une position purement politique, voire idéologique. Je te réfère à un ancien texte que j’ai publié dans Voir il y a plusieurs années, qui est peut-être encore disponible, et qui recensait quelques-uns de ces troubles en fonction des sociétés où elles émergaient. Je te souligne la crise d’Amok en Malaisie ou, plus près de chez nous, le Windigo, toutes deux à mettre en rapport, sur le plan de la conduite, avec le tueur de masse des sociétés civiles contemporaines.
Voici un extrait de « L’éloge de la fuite « de l’auteur Henri Laborit concernant le bonheur.
« Limité à l’assouvissement des pulsions, il rencontre ( le bonheur ) un adversaire qu’il ne pourra vaincre : les règles établies par les dominants. S’il se soumet à ces règles et malgré les compensations hiérarchiques, consommatrices ou autres, qui tenteront de le détourner de ses motivations premières, ce bonheur sera toujours incomplet, frustré, car lié à une recherche jamais satisfaite de la dominance dans un processus de production de marchandises «
Autrement dit quand le discours dominant est celui du compte en banque, du pouvoir d’achat, de l’estime de soi en vertu de notre statut social et que le Dix Trente devient le centre d’intérêt de la majorité de la population au lieu de n’être qu’un centre commercial il est évident que la petite droite marchande a réussi sa propagande insinueuse et infantilisante.
Un autre grand intellectuel , Noam Chomsky , nous aura prévenu depuis fort longtemps du danger que représente le capitalisme d’entreprise qui a réussi a remplacer le capitalisme d’état par la fabrication du consentement !
Nous pourrons débattre longtemps des vertus de la gauche versus celles de la droite mais quand un parti politique corrompu comme le PLQ réussi a sauver la face en faisant élire 50 députés et que le monde des affaires semble apprécié ce résultat en soupirant de satisfaction alors qu’ il anticipait nerveusement une débandade du parti de la corruption il faut se poser des questions sur le niveau d’ éthique , de justice et le sens du bien-être commun de nos petits affairistes et des électeurs qui les supportent !
Se bouchez le nez pour voter « économique « cé tu ça la définition du bonheur ?
Qu’est ce que Richard Henry Bain a dit lorsqu’il a été maîtrisé par les policiers ? Il a dit qu’il fallait que les anglais se réveillent. Il était donc à ce moment-là apeuré par le parti péquiste qui pourrait lui enlever des droits. Il a bien fallu qu’il aille chercher ces idées à quelque part. Je ne vous nommerai pas toutes les sources de bavardage sur ce sujet, qu’elles soient francophones ou anglophones. Cet homme étant bilingue, il devait probablement fréquenter les médias des deux langues. Il est certain que tous ceux et celles qui participent à ce genre de discussions politiques régulièrement n’auront pas des plans comme Richard Bain en a eus. C’est pourquoi, on peut dire qu’il fallait qu’il soit dans un état mental tel pour passer à l’action. Mais qu’est-ce qui provoque l’état mental dans laquelle nous sommes ?