L’idéologie raciste, paraît-il, a été jetée aux ordures.
Cette idée voulant que l’homme blanc soit supérieur aux « noirs » et aux « jaunes » est de moins en moins répandue. Plus personne dans l’espace public, sinon quelques têtes brûlées, ne s’en revendique ouvertement.
Cela, bien entendu, est une bonne chose.
Le problème, et il est de taille, réside en ce que les ordures ont la capacité de générer leur propre forme de vie. Mises à l’écart, elles fermentent sous le soleil et alimentent de nouvelles haines et de nouveaux préjugés.
Depuis quelques temps, ici comme ailleurs, on constate que les poubelles ont quitté les ruelles pour revenir s’installer confortablement au salon. En fondant son discours sur la critique de la « rectitude politique » et des nombreuses politiques libérales de « discrimination positive », la droite a réussi à recadrer le débat de façon à ce que le discours anti-immigrant et xénophobe retrouve ses lettres de noblesse. Selon cette posture, le colonialisme, le néocolonialisme, l’apartheid, la ségrégation, le racisme, l’impérialisme et la domination nord-sud appartiendraient au passé : c’est l’Occident, désormais, qui serait menacé.
Autrement dit : la haine s’est refaite une beauté.
Ce n’est pas très beau.
Et ça ne sent pas très bon…
Un racisme sans couleur
La haine de l’autre au 21e siècle ne se fonde plus sur la supériorité de la race. Elle est plus pernicieuse, plus « subtile » que son ancêtre. La frontière nous séparant de l’ « étranger » et du « barbare » a été déplacée. Elle n’est plus déterminée par la couleur de la peau, mais bien par l’appartenance à une civilisation « supérieure » ou « inférieure ».
La division, si elle ne sépare plus les « blancs » des « noirs » ou les « colonisés » des « colonisateurs, », reste simpliste : d’un côté, l’Occident, sa raison, ses lumières, son progrès, son économie « libre » et sa démocratie; de l’autre, le monde arabo-musulman, son obscurantisme, son autoritarisme, sa misogynie et sa violence. Entre les deux, il faut faire un choix. Lise Ravary du Journal de Montréal, après nous avoir rappelé que l’Occident était « un phare pour l’Humanité », affirme : « Un jour ou l’autre, nous devons tous choisir notre camp. Après avoir demandé pardon pour nos crimes, il faut cesser d’avoir honte de qui nous sommes, de nos rêves et de nos réalisations. »[1].
Partout on stigmatise les Arabes et les musulmans. Dans les tribunaux, dans les médias (de droite et « de gauche ») et dans les parlements, on parle sans gêne de l’incompatibilité des valeurs des musulmans avec l’Occident, de leur misogynie et de leur propension à la violence [2]. Partout les mêmes polémiques sur le voile, la polygamie, l’immigration, sur le statut des réfugiés et sur les « accommodements raisonnables ».
Partout on casse du « bougnoule ». Et partout les aboiements de la droite et de l’extrême droite trouvent un écho de plus en plus favorable au sein de la population.
Le Québekistan?
Le Québec ne fait évidemment pas exception à la règle. Les Marcotte–Martineau–Dutrisac Duhaime–Benhabib–Bouchard–Dumont tiennent tous ce discours occidentaliste.
L’un des porte-paroles les plus nerveux de cette idéologie est sans l’ombre d’un doute le chroniqueur Mathieu Bock-Côté. Pour lui, l’Islam représente un « péril idéologique mondialisé », la burqa et le voile symbolisent un rejet de la civilisation et l’islamophobie n’existe tout simplement pas. Si vous avez la patience de le lire, vous constaterez d’ailleurs qu’il se plaint constamment de la « censure médiatique » dont est victime le « nationalisme majoritaire »[3]. (Ce type de nationalisme est pourtant celui que Bock-Côté et ses amis réactionnaires colportent sur toutes les tribunes de la province depuis des années. Les censeurs, manifestement, doivent être lourdement syndiqués… À moins, bien entendu, que ce ne soit Bock-Côté et les membres de sa chapelle qui ne soient trop lâches pour accepter la position dominante qui est la leur).
Quoiqu’il en soit, Bock-Côté veut résister à la « lutte contre les derniers signes du christianisme » mené par les islamistes. Un combat épique est à prévoir… C’est pour cette raison qu’il se porte à la défense des arbres de Noël – symbole oh combien précieux de cette « culture nationale » qu’on tente de « liquider »[4].
Dernièrement, avec toute la prétentieuse franchise qu’on lui connait, il ajoutait
« L’islamisme qui se braque contre l’Occident force ce dernier à se réapproprier une « identité de civilisation » qu’il avait cessé de prendre au sérieux. C’est avec la civilisation occidentale qu’il faut renouer. Avec l’héritage des Anciens, avec celui du christianisme, avec celui des Lumières, avec celui des nations. En développant quelque chose comme un patriotisme occidental, ou si on préfère, un patriotisme de civilisation. »[5]
Autrement dit : l’Occident ne domine pas le monde arabe, c’est le monde arabe qui menace l’Occident. Est-ce pour cela qu’il faut interdire le voile, en finir avec les « accommodements raisonnables » et diminuer nos quotas d’immigration maghrébine? Est-ce pour cela qu’il faut soutenir l’apartheid en Palestine, bombarder l’Irak, occuper l’Afghanistan et faire la guerre à l’Iran?
Bien sûr que non : ce sont des intérêts géostratégiques qui motivent cette « guerre au terrorisme ». L’idéologie a pour fonction de masquer ces intérêts et de gommer les rapports de force en place, voire de les renverser. Elle est une tentative de justification morale à la guerre et à la barbarie, une rêverie cruelle et lâche qui se transforme en cauchemar au moment du réveil.
Les frontières entre les races s’effacent… À l’ère du capitalisme mondialisé, les murs sont reconstruits aux bornes de notre lumineuse civilisation. Au nom de la démocratie, des droits des femmes et de la liberté, c’est par la grande porte que les ordures retrouvent leur place au salon.
En putréfaction depuis des décennies, il s’en dégage une odeur de plus en plus insupportable.
Une espèce de relent des années trente… Comme une odeur de peste brune.
Notes
[1] Lise Ravary, Journal de Montréal, « Choisir son camp » : http://blogues.journaldemontreal.com/liseravary/actualites/choisir-son-camp/
[2] Sherene H. Razack, La chasse aux musulmans, Montréal, Lux, 2011.
[3] Mathieu Bock-Côté, Fin de cycle, Boréal, 2012, p. 39
[4] Mathieu Bock-Côté, « Joyeux Noël ou joyeux décembre, monsieur Orwell?”, Le Devoir, 24 décembre 2009 : http://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-de-philo/280041/le-devoir-de-philo-joyeux-noel-ou-joyeux-decembre-monsieur-orwell
[5] Mathieu Bock-Côté : « À l’heure du patriotisme occidental: ce que l’islamisme nous apprend sur nous-mêmes », blogue du Journal de Montréal : http://blogues.journaldemontreal.com/bock-cote/general/a-lheure-du-patriotisme-occidental-ce-que-lislamisme-nous-apprend-sur-nous-memes/
En parlant de peste brune, c’est pas chez vous que l’Aube Dorée est venu gerber sa propagande néo-nazie décomplexée ?
Il parait qu’ils sont aussi passé à New York.
PS: Ligne 7, « forme de ie. »
D’une plume articulé vous nous ramenez l’odeur d’une bonne tarte à saveur d’optimisme. Bravo pour ce brillant moment de réflexion- Elsy
Sans vouloir prendre partie personnellement, ma compréhension de la propagande anti intégrisme islamique est orchestrée par l’Occident de sorte à le combattre chez les musulmans mêmes, sur le terrain même de la théocratie islamique, de pays où l’intégrisme islamique a cours.
Malheureusement trop de gens confondent islam, la religion, et intégrisme islamique, la djihad. La propagande occidentale provoque l’islamophobie, la crainte du croyant musulman et sa religion. Nous devons faire l’effort de compréhension de deux réalités distinctes, l’une totalement inoffensive qu’est celle du croyant et sa religion et l’autre guerrière étant la djihad. Devons-nous nous laisser entraîner bêtement dans une nouvelle ère de Croisades moyenâgeuses ? .
Je vous trouve profondément et dangereusement relativiste. Quand vous parlez de la droite qui critique la discrimination positive, vous ne savez pas de quoi vous parlez. La discrimination positive dans la fonction publique est une discrimination quand même. Les formulaires d’accès à l’égalité qu’on remplis à chaque demande d’emploi, pour assurer qu’à compétences égales on embauche la personne appartenant à une minorité visible ou à un groupe vulnérable de la société, je trouve que cela est injuste. Ce n’est pas ça, la vraie égalité, la vraie justice sociale. Et si selon vous défendre nos droits à la laïcité, à l’usage de notre raison et notre égalité devant la loi c’est être raciste, alors vous êtes complètement dans le champ.
J’attire votre attention sur cette nomination des conservateurs fédéraux au sein du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration :
« »« La haine pour le national-socialisme est complètement erronée… Il n’y a rien de fondamentalement mauvais dans ça. » » »
http://www.npd.ca/nouvelles/regardez-qui-ete-invite-au-comite-permanent-de-la-citoyennete-et-de-limmigration
Monsieur Cyr,
je suis désolé, mais votre texte est une vraie blague. Vous confondez les termes islamisme, islam et arabe, ce qui en dit beaucoup sur le sérieux de votre analyse.
En quoi critiquer l’islamisme fait-il de nous un défenseur de la colonisation israélienne, de la guerre d’Irak, de la guerre d’Afghanistan et de la possible guerre contre l’Iran? Ce genre d’amalgame foireux consistant à réduire le monde en deux camps (les bons et les méchants) est en fait un sophisme grossier, un faux dilemme. Je ne vois pas en quoi critiquer l’islamisme (dont les principales victimes sont les musulmans) revient à encourager le racisme et des guerres impérialistes. Pour finir, faudrait m’expliquer pourquoi critiquer les « accomodements raisonnables » fait de nous un partisan de Benyamin Netanyahu?
Vous n’avez rien compris, Monsieur Demers. Je n’ai pas réduit le monde à deux camps, j’ai justement dénoncé ceux qui amalgament islam-arabe, j’ai dénoncé ceux qui, comme vous, considèrent le faux dillemme dont vous parlez indépassable. Comme si on avait à choisir, comme vous le proposez dans votre réplique, entre l’islamisme et l’Occident. Comme si le cadre du débat des accomodements n’était pas un cadre biaisé d’avance, une trappe justifiant la haine.
Mr Cyr,
Entre islamisme et Occident nous devons choisir! Effectivement, nous devons choisir. Pour ma part, je choisis l’Occident et non l’occidentalisme -nuance!
Les musulmans aussi doivent choisir entre Islam et islamisme. L’un peut être un vecteur de civilisation, l’autre n’est que haine. Ignorez-vous qu’actuellement les islamistes détruisent le merveilleux patrimoine de Tombouctou?
J’ignore si vous aimez l’Occident comme je l’aime! Certes, tout n’y est pas parfait! Mais au moins ici, les minorités sont tolérées si ce n’est pas respectées. Un exemple : l’Iran. Vous connaissez beaucoup d’occidentaux qui fuient vers ce pays? Par contre, moi, j’ai connu des iraniens qui venaient habiter au Canada. Les homosexuels sont-ils tolérés en Iran? Ah, vous me direz c’est l’Iran.
Je vous le concède.
Allons en Arabie ou 20% de la population sont des chrétiens étrangers. Pas une église sur le sol saoudien, pas une! Allons en Tunisie. Dernièrement, le gouvernement islamiste soutient les policiers qui ont violé une femme, elle était dans une position impudique. Au Mali, je vous l’ai déjà dit, ils détruisent Tombouctou. En Afghanistan, ils ont détruit les bouddhas.
Oui, Mr Cyr entre l’islamisme et l’Occident, on doit choisir!