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Plumes blanches, plumes rouges

Les défaiseurs d’opinions en cravates (ou en bas bruns) et autres sphincters plus ou moins bouchés de la marchandise ont eu une belle frousse le printemps dernier. Pour preuve, chaque fois que l’occasion se présente, ils poursuivent leur interminable litanie contre la grève et le mouvement étudiant.

Inutile de répéter les propos convenus de ces concepteurs de larbins du 21ème siècle : vous les connaissez. Ils sont toujours aussi laids, indigestes et moustachus.

Par respect pour vous – et non pour eux, soyez-en rassurés – ne les répétons pas, et profitons un instant de ce rare moment de silence…

Ensemble, on respire… 3…2…1.

Qu’il est doux ce moment d’air pur dans ce vaste dépotoir d’idées en putréfactions!

Et on expire…3…2…1.

Voilà… Désolé, mais c’est tout ce que nous avions à offrir pour la paix de votre âme.

Revenons maintenant au dépotoir.

Dans sa dernière et millionième « collaboration spéciale », Alain Dubuc profite du mouvement Idle no More afin de casser à nouveau du sucre sur le dos de la grève étudiante. Après nous avoir rappelé que la grève tournait autour d’un enjeu « assez mineur » (ce qui nous donne une idée de l’échelle des valeurs du chroniqueur…) et que le mouvement étudiant s’est « rapidement dégonflé » (ce qui confirme, après 6 mois de grève, que Dubuc n’est pas vite, vite…), il soutient

Il est gênant de comparer l’agacement des étudiants à payer quelques centaines de dollars de plus pour leurs études au drame vécu par une bonne partie du million d’autochtones qui vivent au Canada – pauvreté, l’exclusion, la mortalité précoce, la déstructuration sociale [1].

Qui a comparé la situation socio-économique des étudiants à celle des autochtones? Personne – mais vraiment personne – sinon Dubuc et ses amis « spéciaux ». Le collaborateur, en fait, se parle à lui-même. Son discours en est un totalement autiste. Ce qui le dérange – enfin, ce qui le dérangerait s’il descendait de sa montagne pour venir vivre dans le monde commun – c’est que les autochtones du Québec, de leurs dires même, s’inspirent du mouvement étudiant.

Le carré rouge est en train de se transformer en plume. Non pas parce que les causes sont identiques, mais bien parce qu’elles se joignent, par la négative, dans leur refus des politiques conservatrices, qui sont celles de la soumission aux impératifs divins de l’argent. Ce mouvement infini d’accumulation de profit est de plus en plus difficile à soutenir. Il demande une intensification de l’exploitation humaine et naturelle, la poursuite de la marchandisation du commun et la défense de l’indécence – de plus en plus caricaturale, parlez-en à Obélix – des riches et des nantis. C’est cette négation du profit à tout prix qui lie, en théorie ou en pratique, les luttes contre les hausses des frais de scolarité, contre le gaz de schistes, contre les coupures dans l’assurance chômage et contre la spoliation accélérée des terres autochtones.

Ces liens sont loin d’être anodins. La défense des droits des Amérindiens fait d’ailleurs partie des revendications historiques du mouvement étudiant combatif québécois. Les mobilisations contre le Plan nord participaient à cette unité entre les différentes luttes, et l’ASSÉ a réitéré dernièrement son parti pris favorable aux luttes autochtones

Notre lutte s’attaque à une élite qui ne veut pas voir au-delà des profits du prochain trimestre, une élite pour qui la valeur de la nature se mesure à la hauteur de sa valeur monétaire immédiate. Grâce aux droits qu’ils ont acquis, les peuples des Premières Nations sont en première ligne pour arrêter la destruction de terres et des eaux que nous partageons. Nous devons appuyer ces luttes, au nom d’un respect mutuel[2].

Autrement dit, ce qui lie les étudiants et les autochtones n’est pas une situation socio-économique commune, mais bien, et précisément, un rejet des politiques mercantiles défendues par les plumes blanches au service des classes dominantes. Car si on ne peut « comparer » les situations des Amérindiens et des étudiants, on peut certainement les comparer à celle de Dubuc et de ses amis bien gras.

Non seulement cette comparaison donne du relief aux causes communes liant les différents groupes exclus des sphères de pouvoir, elle en donne également aux intérêts égoïstes partagés par ces pleutres sans envergure qui croient que le monde est tel qu’il est dans leur imaginaire prétentieux.

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Notes

[1] La Presse, 14 janvier 2013.

[2] Pour lire le communiqué d’appui de l’ASSÉ à Idle no more : http://www.gratuitescolaire.info/actualite/2013/01/11/lasse-solidaire-de-idle-no-more/