Le spectacle, compris dans sa totalité, est à la fois le résultat et le projet du mode de production existant. Il n’est pas un supplément au monde réel, sa décoration surajoutée. Il est le cœur de l’irréalisme de la société réelle
– Guy Debord, La Société du spectacle
4 mars : « Lundi matin, le roi, la reine et son p’tit prince… ».
Les propos tenus par le brillant humoriste Alex Perron, qui a affirmé sa volonté de passer sur les manifestants avec son camion, en font bondir plus d’un. « Ce gars-là a un truck? », aurait dit Jean-Paul en entendant l’entrevue. Le lendemain, le brillant humoriste clarifie ses propos: « Habituellement, je ne fais pas ce genre de chose parce que plus on veut se justifier plus c’est pire ». Mais est-ce ça pouvait être encore plus pire?
Peut-être que ma blague à la fin de l’entrevue n’était pas la meilleure ni la plus appropriée, mais croyez-moi, c’est de la très petite bière en comparaison aux menaces violentes et homophobes que j’ai reçues depuis les 48 dernières heures sur Facebook et Twitter [1].
Et… bam! Voilà que le brillant humoriste rejoint les nombreuses victimes du terrorisme étudiant. Il a d’ailleurs officiellement été élu « gay of the year » par le brillant animateur de Radio X, Dominic Maurais.
Quand les grands esprits se rencontrent…
5 mars : « Mardi matin, le roi, la reine et son p’tit prince… ».
Hugo Chavez, homme d’État pour le moins controversé, meurt.
Pour l’occasion, le grand Mathieu Bock-Côté (ne riez pas : il est grand quelque chose de rare!) en profite pour nous rappeler que « l’impérialisme américain, si on tient à tout prix à l’appeler ainsi, est un impérialisme relativement doux et bienveillant, qui malgré ses dérives, bien réelles, a su conserver vivante au vingtième siècle la démocratie libérale » [2].
La douceur du Vietnam, du Laos, du Cambodge, d’Haïti, de Porto Rico, des Philippines, de la Grèce, du Timor Oriental, du Nicaragua, du Guatemala, de Cuba, du Salvador, du Brésil, du Chili, de l’Afghanistan, de l’Irak… La douceur du napalm, de la guerre, de la torture et des coups d’État : c’est ainsi qu’il faut qualifier l’impérialisme américain « si on tient à tout prix à l’appeler ainsi », selon le grand Bock-Côté.
Le même soir quelques milliers (selon les organisateurs), quelques centaines (selon les policiers) et quelques crottés (selon le Journal de Montréal), prennent la rue pour dénoncer la hausse des frais de scolarité.
On ne comprend pas trop ce qu’ils faisaient là, mais on sait que les dizaines d’arrestations étaient justifiées.
6 mars : « Mercredi matin, le roi, la reine et son p’tit prince… ».
Arrestations arbitraires, peines démesurées (10 ans de prison pour avoir lancé une roche!), torture… l’Unicef dépose un rapport accablant sur le sort des enfants palestiniens [3]. Tout le monde – bien entendu – s’en crisse comme de l’an quarante. « L’Unicef? C’est pas les boîtes jaune orange que les jeunes passaient à l’Halloween? J’ai donné pour ça. Asteure qui s’arrangent ! ».
7 mars : « Jeudi matin, le roi, la reine et son p’tit prince… »
La ministre Agnès Maltais rencontre les groupes de défenses des chômeurs qui sont scandalisés par les réformes annoncées par gouvernement québécois. Ce que plusieurs ne comprennent toujours pas, c’est que le PQ est un parti « de gauche » et social-démocrate.
Enfin…
8 mars : « Vendredi matin, le roi, la reine et son p’tit prince… ».
C’est la Journée internationale des femmes! Le gouvernement Marois profite de l’occasion pour faire la promotion du travail des députés féminins de son parti[4] et pour confirmer le versement d’une contribution financière de 700 000$ aux organisations de défenses des droits des femmes à l’entreprise Fibrotek (spécialisée dans les matériaux composites)[5].
À force de les énoncer à reculons, les propos de Pauline Marois deviennent difficiles à saisir, n’empêche qu’elle aurait déclaré pour l’occasion: « Tauf neb no’uq esnepéd tnegra’l no’uq es taif ne tnapuoc sel seuqèhc sed serèm selatneraponom! » (traduction libre : « Faut ben qu’on dépense l’argent qu’on se fait en coupant les chèques des mères monoparentales »).
9 mars : « Samedi matin, le roi, la reine et son p’tit prince… ».
En cette belle journée pourtant ensoleillée, au-delà d’une trentaine d’articles discutent de notre seigneur Marc Ouellet. Radio Canada nous apprend même que le cardinal était un « talentueux attaquant de 17 ans » et que c’est suite à une blessure qu’il a choisi de devenir prêtre : « C’est certain que dans ce temps-là, il y avait des craques dans la glace », affirme M. Caron, 91 ans, qui s’occupait alors de la patinoire [6].
Intéressant, vraiment.
10 mars : « Puisque c’est comme ça nous ne reviendrons pas ».
C’est dimanche! Enfin un peu de repos. Le dimanche, il n’y a rien – non, rien de rien – qui pourrait faire dévier notre attention. Le dimanche, on prend une pause. Après une dure semaine à travailler comme un fou, on se ramolli un peu le cerveau en écoutant La Voix. On se prépare à redevenir docile et incroyablement impuissant face à la stupidité qui nous entoure. On s’attelle à recevoir une somme incroyable d’anecdotes ridicules et exceptionnelles transformées en fausses règles… et une somme tout aussi incroyable de vraies règles transformées en anecdotiques insignifiances.
C’est grâce au repos du dimanche qu’on peut aujourd’hui entrer au travail en chantant à l’unisson et au rythme cadencé par cette vie dont nous sommes les spectateurs: « Lundi matin, le roi, la reine et son p’tit prince… ».
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Notes
[1] « Alex Perron s’explique », Le Journal de Montréal, 4 mars 2013.
[2] Mathieu Bock-Côté, « Hugo Chavez : un étrange héros », 6 mars 2013, http://blogues.journaldemontreal.com/bock-cote/general/hugo-chavez-un-etrange-heros/
[3] Mohammed Abed, « Israël : un rapport accablant de l’Unicef sur le sort des enfants palestiniens détenus », L’Express, 6 avril 2013, http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/israel-un-rapport-accablant-de-l-unicef-sur-le-sort-des-enfants-palestiniens-detenus_1227419.html
[4] Martin Ouellet, « 8 mars : l’opposition dénonce une publicité », Le Métro, 6 mars 2013.
[5] « La première ministre annonce une participation gouvernementale à un projet novateur de l’entreprise Fibrotek », Gouvernement du Québec : http://www.premier.gouv.qc.ca/actualites/communiques/details.asp?idCommunique=1189
[6] « La patinoire « sacrée » du cardinal Ouellet », SRC Nouvelles (site web), Samedi 9 mars 2013.
Bonjour M. Cyr,
Cet article porte un regard fort lucide sur notre societe, et j’ai grandement apprecie ce petit revers que vous envoyez directement dans la machoire des medias corporatifs. Je serais de ceux qui, volontier, vous suivrait a toutes les semaines pour lire votre petite chronique de retour sur les evenements de la derniere semaine.
Faites-moi signe si cet article fait deja partie d’une serie d’articles hebdomadaires!
Faire autant de fautes avec autant de temps libres, c’est impardonnable.
Pour faire la leçon aux autres, il faudrait aussi ne pas faire de fautes soi-même. « Temps libre » s’écrit toujours au singulier. Doit-on vous pardonner?
Faux, les deux s’écrivent. Meilleure chance la prochaine fois!
Dois-je vous croire sur parole? Le Petit Robert donne la définition suivante relativement au temps:
» 2. (fin Xe) Portion limitée de cette durée globale; espace de temps (1°). ➙ moment, période. Un long temps. Trouver le temps long. Le temps lui dure. Ça fait passer le temps. Le temps presse. Le temps est compté. Emploi du temps. Travailler à plein temps, à temps complet; à temps partiel, à mi-temps. Le temps qui nous est imparti. Avoir du temps (de) libre, du temps à soi. ➙ loisir. Temps d’arrêt. ➙ pause. Soldat qui a fini son temps (de service). »
Lorsqu’il s’agit du « temps libre », il est invariablement au singulier. Allez refaire vos cours de grammaire avant de donner des leçons aux autres.
Vous êtes à mourir de rire. N’avez-vous pas remarqué que l’invariabilité n’est jamais mentionnée dans votre définition? En plus d’être cancre en français, vous êtes cancre en compréhension de texte! J’imagine que vous pensez plutôt à « quelque temps » que plusieurs écrivent à tort « quelques temps ». Bref, dans le cas qui nous intéresse, on peut très bien écrire temps libres (on peut avoir du temps libre ou des temps libres), tout comme on peut écrire temps morts, temps nouveaux, etc.
Avec un baccalauréat en rédaction française (incluant une mineure en lettres et langue française) et une quinzaine d’années d’expérience comme rédacteur et réviseur, je crois savoir de quoi je parle.
Cher Patrick,
Je constate que vous êtes incapable de comprendre une définition. Dans le contexte de votre phrase, vous faites référence à une « portion limitée de cette durée globale », portion qui est qualifiée de « libre ». Selon cette définition, la portion n’est pas une unité quantifiable à l’exemple d’une unité de mesure, et ne peut être multiplié. Dès lors, le « temps » est invariable.
Un dernier commentaire avant de raccrocher le combiné dans votre cas: ce n’est pas la première fois qu’un détenteur d’un baccalauréat en rédaction française, ayant une quinzaine d’années d’expérience, fasse des erreurs. Un peu d’humilité vous serait utile si vous désirez avoir des clients satisfaits de vos services, surtout lorsque l’on « croit savoir de quoi [on] parle ». Le problème est justement là: vous croyez, donc vous êtes dans le monde de la croyance et non celui de la rationalité, même commerciale.
Merci de votre témoignage émouvant. Passons à un autre appel.
Je ferai preuve d’humilité quand je me tromperai, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Comme je disais : meilleure chance la prochaine fois.
C’est quoi ça ??
Dr Patrick et mister Hubert… hmmm!
»L’oisiveté est mère de tous les vices »
« Selon cette définition, la PORTION n’est pas une unité quantifiable à l’exemple d’une unité de mesure, et ne peut être MULTIPLIÉ. »
Multipliée peut-être?
Le temps peut être fractionné et avoir une valeur de période. Ici, il n’est pas question de « temps à soi », mais bien de « périodes d’inactivité ». On peut donc dire dans mon temps libre ou dans mes temps libres. Testez « dans mes temps libres » avec Antidote juste pour voir.
Aussi, il faut écrire Diogène le Cynique.
Mr Patrick, On s’accroche à la forme lorsqu’on à pas de fond…