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La dame de fer peut rouiller en paix

Margaret Thatcher est morte.

Pratiquement tous les politiciens du monde baissent les yeux et ôtent solennellement leur chapeau : « Elle n’a pas seulement dirigé notre pays, elle l’a sauvé », affirme David Cameron; « Avec la disparition de madame la Baronne Thatcher, le monde a perdu une géante parmi les dirigeants mondiaux », soutient Stephen Harper; « Mme Thatcher a été une figure de proue de la politique britannique et mondiale du 20e siècle », dit Thomas Mulcair.

Cette « figure de proue » a pourtant « sauvé » le pays en sabrant dans les programmes sociaux, en privant les enfants démunis d’Angleterre de leur ration quotidienne de lait et en matraquant les droits sociaux des travailleurs et des travailleuses. Elle a mis des milliers de travailleurs à la rue, fait appel à la police et à l’armée pour défendre ses politiques réactionnaires, déréglementé la finance, privatisé des pans complets de l’économie au profit de ses amis millionnaires et instauré de nouvelles taxes (la « poll tax ») hautement rétrogrades.

Cette « géante » a également laissé pourrir les prisonniers politiques de l’IRA dans les geôles de son pays. Elle les a enfermés dans des conditions impitoyables afin de charmer l’extrême droite orangiste et a soutenu les activités meurtrières de groupes paramilitaires anti-irlandais.

Et on parle d’elle comme d’une « démocrate »… Elle qui a pourtant appuyé le régime sanguinaire de Pinochet – il aurait, selon ses dires, « sauvé la démocratie » du Chili. Elle qui a soutenu l’apartheid en Afrique du Sud et qui a affirmé que le parti de Mandela était une organisation « terroriste ». Elle qui était anticommuniste jusqu’à la démence, au point de penser que la presse anglaise était noyautée par la gauche et que les syndicats étaient les « ennemis intérieurs » de l’Angleterre.

Sous le règne de Thatcher, les infrastructures publiques se sont dégradées, la pauvreté a augmenté, la qualité de l’éducation a chuté [1] et les amis du régime s’en sont mis plein les poches. Elle a mené une impitoyable guerre aux immigrants, aux travailleurs précaires et aux pauvres. Si elle est une « grande dame », c’est parce qu’elle a été la femme de main des notables, des bourgeois bedonnants et des fanatiques abrutis par les lois du marché; ceux-là même qui vont s’indigner que de méchants « gauchistes » fêtent sa disparition alors qu’ils faisaient précisément la même chose lors de la mort d’Hugo Chavez, il y a à peine quelques jours.

Margaret Thatcher prétendait critiquer la place de l’État, mais se servait de sa violence pour la mettre au service des biens nantis. Elle représentait – en bref – le pire du libéralisme : son hypocrisie, sa lâcheté, son égotisme, son chauvinisme et son autoritarisme.

Et c’est pour cette raison qu’elle est encore admirée en cette époque de crise qui est la nôtre…

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Notes

[1] Entrevue avec Denis Clerc, « La crise que nous vivons a ses racines dans le thatchérisme », Le Monde, 8 avril 2013.

Sur Thatcher et Pinochet

http://www.youtube.com/watch?v=TdVI8ZrRUUo&feature=share

Quelques chansons de circonstances

http://lci.tf1.fr/culture/musique/mort-de-margaret-thatcher-le-top-5-des-chansons-anti-maggie-7917809.html