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Du pas pire comme du pire

Le peuple québécois est capable du meilleur.

Il est capable de générosité, d’égalitarisme, d’humour, de justice… C’est le peuple qui court les bois pour y rencontrer l’affection des Amérindiennes. C’est le peuple irlandais, anglais et canadien qui s’unit sous la bannière de la République anticoloniale de 1837. C’est le peuple dans les rues de Montréal et de Québec qui proteste contre la pendaison de son« frère » Louis Riel. C’est le peuple ami des juifs, des Italiens et des Haïtiens. C’est celui qui envoie des siens combattre le franquisme en Espagne. C’est ce peuple éveillé par les luttes de libération nationale, celui qui combat l’Empire pendant la Révolution tranquille.

C’est un peuple d’immigrants. Un peuple un brin malmené par le hasard, mais qui détourne parfois sa situation minoritaire afin de faire apparaître un peu de solidarité et de justice. Le peuple qui cherche son émancipation. Le peuple de Léa Roback et de Michel Chartrand.

Ce même « Québec » est cependant capable du pire…

Il est capable de haine, de réaction, de fanatisme, d’injustice… C’est le peuple du mépris européen mettant à sac les premières nations. C’est le peuple collaborateur des bureaucrates coloniaux, celui qui préfère la sécurité à la révolution. C’est le peuple signant les pétitions antisémites de la société Saint-Jean Baptiste en 1938. C’est celui qui admire Pétain sans commune mesure. C’est le peuple qui vote pour Duplessis. C’est lui qui lance des pierres aux autochtones aux abords du pont Mercier en 1990. C’est le peuple réactionnaire. Celui de l’enfermement.

La situation politique des Québécois en est une ambigüe. Minoritaires en Amérique du Nord et au Canada, ils participent aux résistances contre la domination et l’impérialisme. C’est ce qu’ils font lorsqu’ils prennent la rue contre la guerre en Irak et en Afghanistan. Majoritaires au Québec, ils participent aussi au chauvinisme et à la xénophobie. C’est ce qu’ils font quand ils sont séduits par le discours identitaire réactionnaire des nationalistes conservateurs.

Cette ambiguïté se décline également en complexe du colonisé, un complexe brillamment instrumentalisé par les nationalistes canadiens qui profitent de chaque occasion qui se présente pour dénoncer l’« intolérance » des Québécois. Ces occasions semblent parfois même créées de toutes pièces… Elles visent bien entendu le renforcement de la nation canadienne et a pour fâcheux résultat de braquer les Québécois contre toute forme d’autocritique constructive. C’est ce qui explique, entre autres, que les dérives et méfaits de ce peuple soient le plus souvent complètement niés, comme si l’acceptation de leur réalité allait enlever quelque chose d’essentiel à la « grande » famille québécoise.

Le Québec, on se demande d’ailleurs comment il pourrait en être autrement, est « comme les autres ». Pas pire, pas mieux. Il devient beau lorsqu’il se dresse contre l’exploitation et la domination. Cette révolte le pousse vers l’autre, vers les victimes de l’histoire d’ici et d’ailleurs. Elle le lie aux peuples minoritaires et dominés du monde entier. Le peuple devient alors moins « ce qu’il est » et plus « ce qu’il pourrait être », soit « ce qu’il est » moins « ce qu’il ne veut plus être ».

Vous nous suivez ?

Toutefois, il devient laid, et pas juste un peu, lorsqu’il joue aux gros bras face aux plus faibles, aux immigrants et aux autochtones. Lorsqu’il se cache derrière son statut de minorité pour agir en majorité, lorsqu’il se braque de peur et accuse les petits de ses complexes. Il refuse alors « ce qu’il pourrait être » sous prétexte de préserver « ce qu’il est ». Il reproduit ce qu’on lui a fait subir et poursuit dans « ce qu’il ne veut pas être ». Il se drape alors dans la peur et cache ses complexes derrière la force de l’État.