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Le pot de chambre de la Souveraine péquiste

« Les nationalistes pardonneront les pires turpitudes au PQ. Ils sont prêts à oublier qu’il existe une différence énorme entre le nationalisme et une véritable libération nationale. Raison pour laquelle j’ai toujours été contre ces « nationaleux » qui voulaient sauver la langue et laisser crever ceux qui la parlent »

‒ Michel Chartrand, 1977.

C’était la pleine lune. En robe de nuit blanche, la grande Souveraine Nationale, d’un geste honorant son rang et la noblesse de son sang, déversa son pot de chambre du haut de son balcon.

 ‒ Ah tabar…k!, s’écria le comte Dubuc de la Péquisterie Progressiste qui se trouvait dans la trajectoire.

‒ Plaît-il? dit la Souveraine d’un ton autoritaire en regardant dédaigneusement en bas.

‒ Oh ! ma Souveraine associée, je crois bien que de vos restes vous m’avez aspergé!

‒ Mais vous êtes encore là? Que vous faudra-t-il donc pour qu’enfin vous compreniez que de vous, mon pauvre ami, je ne veux pas? Après tant de larmes coulées, tant de trahisons déballées, c’est quand même stupéfiant, vous n’êtes toujours pas fatigué?

 ‒ Oh chère, admirable, éternelle Souveraine, dit le comte Dubuc à genoux dans la boue, je crois, en toute humilité, que vous avez besoin de mon amitié.

‒ Parmi nous vous êtes depuis longtemps infiltré! Au fil du temps, n’avez-vous pas senti vos idées s’évaporer? Pourquoi toujours vivre dans le passé?

‒ Chère Souveraine, s’il est téméraire de protéger notre idylle, alors condamnez-moi ‒ oui! je le mérite cent fois! ‒ au plus pénible des exils. La souveraineté est bonne en soi, vous le savez comme moi. Elle mérite tous les sacrifices, y compris celui de la justice. On ne peut s’en passer, il nous faut donc bien l’enrober. Et s’il faut, pour la faire avancer, en morceaux la découper, alors chère primo, permettez que je sois votre couteau.

La Souveraine Péquisterie sembla désespérée. Ces rimes étaient si pitoyables. Elle avait de la peine à le croire. Elle ne s’efforça même pas pour refouler ses bâillements.

‒ Écoutez-moi bien, comte obstiné, pour une dernière fois je vais vous l’expliquer. Dans le chômage, nous avons coupé. Dans l’éducation, nous avons coupé. Les impôts des entreprises, nous avons diminués. Des lois spéciales, nous avons votées. Dans la santé, nous avons coupé. Le déficit zéro, nous avons atteint. Avec les bourgeois, nous sommes plus que jamais les copains. Vous ne comprenez toujours pas? Personne ne suit pourtant vos pas. Faudra-t-il donc que moi-même, personnellement, je vous écrase tel un valet sans nom pour qu’enfin vous cessiez de faire ainsi le gaucher fanfaron ?

‒ Je sais tout cela par cœur, chère âme sœur, mais il n’y a qu’une dame de votre parti qui puisse nous donner le pays promis.

‒ Le pays… Bon, laissez-moi réfléchir à notre avenir, dit la Souveraine blasée, je ne suis peut-être effectivement pas près avec vous d’en finir.

Le comte sentit son cœur prêt à exploser sous sa carte de membre. Il battait si fort qu’il croyait qu’il allait lui transpercer la poitrine. Elle va réfléchir! Elle va réfléchir! Elle va réfléchir… à nous! Qui, donc, désormais, passera pour un mou? Ses mains tremblaient. Il était dans un état littéralement second, pratiquement magique.

‒ Oh! Ma Souveraine, mon amour, mon idylle, ma destinée!

‒ Allez, je vais me coucher. Ne faites pas de bruit, je vous prie, et allez-vous laver, non de Dieu, car jusqu’ici vous empestez.

‒ Oui, ma reine, mon amour, ma promise…

Elle ferma la porte avant qu’il n’ait pu finir; éteignit sa lumière; lovée contre son roitelet programme de parti, en cuillère elle dormit.

Le comte, fou de joie, s’en retourna au village en criant : « Elle veut de nous! Je vous l’avais dit! Elle veut toujours de nous! Elle veut toujours de nous! ». Les habitants, habitués à ces saynètes pathétiques, leurs portaient de moins en moins d’attention. L’un d’eux, toutefois, sans vraiment y croire et avec un de ces sourires réconfortants qui semblent dire « Calme-toi pauvre enfant », finit par lui demander ce que la Souveraine avait dit de si extraordinaire qui le mit dans un tel état.

‒ Elle a dit qu’elle penserait à notre alliance! Elle a dit qu’elle penserait à notre alliance! Tout n’est pas perdu, avec un peu de chance!

L’habitant, sans sourire, sans même dire un mot, lui tourna le dos.

Dès l’aube, trop excité et toujours un peu con, le comte s’en retourna sous le balcon. La Souveraine était cependant en voyage au coeur de l’Empire afin d’y vendre quelques ressources locales à prix modique. Pendant plusieurs jours, le comte attendit. Il faisait froid, les oiseaux chiaient dessus, les rats le mordaient, tout cela le rendit malade; et il mourrait de faim. Après une longue semaine, la Souveraine réapparut enfin au balcon. Sans regarder et sans attendre, elle vida son pot de chambre.

‒ Ah tabar…k!

‒ Plaît-il?

‒ Votre Majesté!

‒ Vous êtes encore là, mais ce n’est pas possible! Ainsi vous n’avez pas entendu? J’ai fait interdire votre présence et celle de votre famille au sein de la cour? Pourquoi êtes-vous si têtu?

‒ Oui, je sais, ma famille est désormais bannie, mais nous avons décidé de continuer notre mission sous un nouveau nom, malgré votre proposition, comme une manière de vous demander pardon. J’ai d’ailleurs ici quelque chose d’utile que vous devez accepter comme un don.

La Souveraine haussa les sourcils, et soupira:

‒ Dites-moi donc quel est ce don, cher gauchisant morpion?

‒ Je vous ai trouvé des candidats parfaits pour entretenir nos illusions! Je vous le dis, ils seront admirables en toutes conditions. Je vous les présente. D’abord, Léo de la Fédération. Articulé, naïf et finement dressé dans notre club-école, celui qui depuis des années nous offre toutes sortes de têtes de formol.

Léo, en laisse, sourit et envoie la main. Il avait l’air un peu idiot, mais c’étaitle moment fort de son numéro.

‒ Ensuite, voici Martine. Elle aussi de la Fédération. Voyez maintenant et ici comme elle a tout compris. Il baissa les yeux. Tira un peu la laisse et la regarda intensément en lui chatouillant le menton. Martine, tu veux nous montrer ce que le comte de la Péquisterie Progressiste t’a appris? Es-tu prête pour les élections? Dis-moi ce qu’il faut faire avec les étudiantes contributions?

Martine, souriante telle une tranche de jambon, répondit: « Je ne suis ni pour ni contre une petite indexation».

‒ Voyez, oh, très chère Souveraine, comme ils sont mignons.

‒ Cela est vrai. Ils sont très mignons. Mais vous savez, petit comte, je n’écouterai pas vos conseils pour autant. Nous avons une Charte en route et au diable les mécontents! Notre projet penche du côté des riches. Lorsqu’on parle des pauvres, c’est simplement qu’on les aguiche.

‒ Je sais, oh Souveraine, mais je ne demande pas à être traité en patron, que le bonheur de vous appuyer dans vos divines résolutions.

‒ Nous allons continuer de couper dans les programmes sociaux, dit-elle.

‒ Si c’est pour servir nos idéaux, répondit le comte en se fouettant le dos.

‒ Nous allons maintenir la taxe santé.

‒ C’est une mesure équitable qu’il faut encourager!

‒ Nous allons augmenter les tarifs d’Hydro.

‒ Hydro, c’est notre joyau!

‒ Nous allons trahir tous vos amis.

‒ Si c’est pour sauver la social-démocratie!

‒ Et notre assemblée gardera son crucifix.

‒ Normal, il définit notre patrie!

‒ Bon, je vois que vous faites des progrès, mais vous savez, petit comte, dans ma cour se trouve désormais l’un de vos ennemis jurés, je parle bien sûr du marquis de PKP.

Le comte Dubuc devint pâle, transparent. Il pris un peu de la merde qui se trouvait sur son visage, en mangea un peu et, toujours avec plus de difficulté, il dit:

‒ Le marquis de PKP? Une belle… prise pour le parti, madame la Souveraine. Comptez sur moi pour m’en faire un… ami. C’est avec tout le monde qu’il faut faire la souveraineté, surtout s’ils possèdent des postes de télé.

‒ Il est vrai que vous êtes dévoué. On a toujours besoin de larbins afin que les esprits trop contestataires soient bien encadrés. Je vais donc vous garder.

Le comte Dubuc devint soudainement fou de joie, il trépignait, sa voix reprit du coffre et du rythme, comme s’il revenait à la vie:

‒ Mais, donc, ma chère ! est-ce de moi dont vous parlez? Mon amour, enfin, vous le recevez?

‒ Du calme, cher ami, du calme. Surtout, il faut cette fois ne pas oublier la stratégie populaire : l’association de la souveraineté n’est ni à gauche ni à droite mais… quelque part dans mon derrière. Il vaut donc mieux ne pas en parler, sinon lors du solstice d’été.

‒ Je suis tout de joie, ma Souveraine! Je me meurs d’avoir tant d’illusions et de tours de magie à partager.

‒ Calmez-vous, monsieur, car je compte sur vous pour rallier les âmes solidaires et les cyniques égarées, et non pour me faire sermonner.

‒ Bien entendu, dit le comte de la Péquisterie Progressiste en se pourléchant les lèvres. Oh mère Souveraine, fille de Lévesque et de Parizeau! Je resterai ici-bas, et en silence, j’attendrai patiemment, je vous le jure, que le divin contenu de votre pot de chambre, auquel je suis maintenant attaché, vienne encore une fois me réchauffer.

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