Bien que la réalité objective soit une construction — à tout le moins, si elle existe, elle nous est inébranlablement inaccessible et s’en approprier est le pire mensonge que l’hégémonie puisse inventer pour étaler ses tentacules —, la subjectivité, et par extension l’émotion qui la motive, sont bien les premières choses qu’on soulèvera pour invalider un argument. Puisqu’on m’a dit que je me réclamais de Louis-Ferdinand Céline — ce qui est faux, mais jouons le jeu —, je suis plutôt d’accord avec l’affirmation selon laquelle « le fait est universel : personne aime le “je” d’autrui !… » [1] Le mien plus que d’autres, peut-être, ce qui me permettra sous peu de me prendre pour une Mordecai Richler et de savourer, sourire au coin des lèvres, la perspective plutôt réjouissante d’être l’ennemie à abattre d’une nation dans laquelle je ne me reconnais pas.
Aussi, j’évite généralement de me tremper le « je » dans la chose littéraire. C’eût été noble, j’imagine, étant donné mon champ d’étude, que de consacrer mon penchant pour le blogue à transmettre ma passion pour la littérature. Surtout que les médias en parlent peu, et quand ils le font, ils se contentent habituellement de vendre (ou non) des livres (ou du human interest) plutôt que de pratiquer la critique littéraire. Soit. Mais non. J’évite même de critiquer la spectacularisation du livre et de son industrie, son homogénéisation et sa complaisance marchande. Pourquoi ? Pour éviter les conflits d’intérêts. Parce que je suis moi-même romancière. Parce que la plupart de mes ami-e-s écrivent aussi. Parce que le jugement esthétique m’imposerait une distance que je n’ai pas.
Ceci étant dit, vous saurez que j’assume parfaitement mon manque d’objectivité et le conflit d’intérêts histoire de m’allouer un droit de réplique à la critique dont mon roman a fait l’objet au club de lecture de Bazzo.tv le 10 janvier dernier. En fait, non, je ne parlerai ni de moi, ni de mon roman, ce qui ne servirait à rien. De ce que j’écris, je suis parfaitement ignorante et je laisse le lecteur m’expliquer ce que j’ai bien pu vouloir raconter, qu’il ait aimé ou non. Je ne dirai rien pour ma défense, mais je parlerai au nom de toute autre nouvelle « voix » que la mienne parce que, contrairement aux autres jeunes auteurs inconnus, j’ai une tribune qui me permet de ne pas être muette entre deux romans.
Établissons d’abord quelques faits. Seulement 22 % des écrivains sont âgés de moins de 45 ans, alors que dans le reste de la population active, les moins de 45 ans représentent 60 % de la main-d’œuvre. En 2010, les écrivains débutant leur carrière représentaient 14 % des écrivains du Québec. Parmi les 1 510 écrivains au Québec, 45 % sont des femmes, ce qui est aussi inférieur au reste de la population active. [2] On peut donc considérer qu’une « nouvelle voix » féminine est un phénomène relativement marginal en soi.
À quelques exceptions près, les nouveaux auteurs sont largement ignorés par les médias, surtout à la rentrée littéraire de l’automne, surtout quand ils publient dans une petite maison d’édition qui n’a aucunement le même genre de moyens (en ce qui concerne entre autres la promotion et le marketing), que des géants tels que Quebecor. Or, la plupart des nouveaux auteurs sont publiés par des petites maisons d’édition. Celles-ci sont indispensables pour préserver la diversité éditoriale qui permet à la littérature d’évoluer, de s’élargir et de prendre de nouvelles tangentes qui ne plaisent pas toujours à la doxa de l’industrie culturelle. Les petites maisons d’édition, grâce au dévouement de ceux et celles qui les animent, permettent de garantir l’avenir du patrimoine littéraire d’une société.
Comme la musique, le livre traverse une crise depuis quelques années et le nombre de publications annuelles est en chute. En 2008, 3 615 livres paraissaient dans le domaine « langue et littérature ». En 2010, ce chiffre avait chuté à 3 516. [3] Et les nouveaux auteurs sont les premiers à payer les frais de ces baisses, car ils représentent un plus grand risque pour un éditeur qu’un écrivain établi.
On peut se réjouir ou non que la critique soit généralement plutôt complaisante au Québec. On peut donc également se réjouir que, de temps à autre, la critique ne soit pas complaisante, voire carrément méchante. Mais envers qui ? Quand on s’en prend, dans une émission de télévision, à une « nouvelle voix féminine », ce qui — je l’ai dit plus haut — est déjà marginal, qui tire à 600 exemplaires (alors que le tirage moyen au Québec se situe à 2 290 exemplaires), on est en droit de se demander s’il n’y a pas là une complète ignorance des enjeux du milieu du livre. Les médias ont le pouvoir de décider de ce qui se lit ou non. Ils n’évoquent que quelques titres parmi les quelques 3 500 qui paraissent chaque année. On peut donc affirmer que lorsqu’ils choisissent de parler d’un roman qu’ils n’ont pas aimé, écrit par quelqu’un qui ne fait pas partie du cercle des écrivains-vedettes et qui n’est pas certifié spectacularisable par le sceau d’une maison d’édition confortablement assise sur sa notoriété ou son capital, il y a là quelque chose d’éthiquement discutable. Tant qu’à chercher à détruire quelque chose de déjà infiniment petit dans l’échiquier littéraire québécois, aussi bien continuer de l’ignorer et plutôt se complaire en farandole d’extases sur le dernier Michel Tremblay.
M’en déplaise, j’ai les reins solides, je suis une badass, anarchiste, insoumise, libre-penseur, qui hurle ce que personne ne veut entendre, qui dérange l’ordre établi du Confort Inc. Le genre de femme qu’on cherche à casser, pas à féliciter. Et c’est pas une grosse face dans une TiVi qui va me convaincre de me contenter d’être une blogueuse certain. Me faire dire qu’un roadtrip est une forme convenue de récit, non seulement par quelqu’un qui semble ignorer que le roadnovel est un genre littéraire en soi et qui, comble de l’ironie, écrit de la chicklitt… je m’en remettrai. Me faire dire que j’aurais tout aussi bien pu raconter le récit d’un voyage à Havre-Saint-Pierre, alors que la Transcanadienne est un des personnages principaux de mon roman, lui-même motivé par la question de l’identité canado-québécoise, par le chanteur de « Une autre chambre d’hôtel ». Bof, je devrais survivre. N’empêche que s’en prendre à une inconnue et s’arranger pour que son livre tombe aux oubliettes en résumant la critique par un « Ouch », c’est crissement facile et vous n’avez aucun mérite. Vous essaierez la même chose avec une institution comme Dany Laferrière ou VLB, juste pour voir. Ça fera sans doute une polémique un peu plus équitable.
[1] Louis-Ferdinand Céline, Entretiens avec le Professeur Y, coll. Folio, Gallimard, Paris, p. 58.
[2] Toutes ces statistiques sont tirées du document Les écrivains québécois. Portrait des conditions de pratique de la profession littéraire au Québec 2010, publications Québec, 2010.
[3] Statistique tirée du document Statistique en édition au Québec en 2010, publication Québec.
Tu amènes la qestion de la critique littéraire sur un terrain (connaissance du milieu de l’édition québécoise) qui va disqualifier plusieurs pseudocritiques. Cela dit, l’argument de l’intérêt (et surtout la conscience de la portée du geste) de démolir une nouvelle écrivaine d’une jeune maison d’édition québécoise est une question qui pourrait faire l’objet d’un débat intéressant.
Tu as tout faut raison, Marie-Christine.
Mais, juste de même, qu’aurais-tu dit s’ils t’avaient encensées ?
Je ne me suis pas posée la question parce que c’est improbable. Je ne pense pas que ce que j’écris puisse plaire à tout le monde. Par ailleurs, ce n’est pas une critique strictement négative qu’on m’a fait. Rafaële Germain et Pascale Navarro ont souligné la richesse et l’inventivité de ma langue.
La vraie question est : est-ce que j’aurais dit la même chose s’il n’avait pas été question de mon roman, mais de celui d’une autre nouvelle auteure issue d’une petite maison d’édition? Et la réponse est oui. Ce n’est pas une critique de la critique strictement personnelle. On peut me reprocher de ne pas être objective et je ne prétend pas l’être. Mais si j’étais tombée sur cette critique sans qu’il soit question de moi, j’aurais tenu les mêmes propos.
Je comprends ton point de vue mais, si ça peut te consoler, je n’aurais probablement jamais entendu parler de ton livre si je n’étais pas tombée par hasard sur cette émission (moi qui regarde si peu la télé) et, honnêtement, ça m’a suffisamment intriguée pour me donner envie de le lire. Bref, comme disait l’autre, « parlez de moi en mal ou en bien, mais parlez-en! » 😉
Contente de savoir que ça n’ait pas rebuté l’entièreté de l’auditoire. Tout de même.
J’ai hâte au prochain roman.
un fidèle
À la vitesse où j’écris, ça risque de prendre environ quatre à cinq ans avant qu’il soit prêt pour la publication.
Mais il est en chantier… ceci dit, ça a quelque chose de rassurant de savoir qu’il y a quelqu’un qui attend déjà le prochain. Merci.
Le commentaire de Pascale, Marie-Christine, vient confirmer que tu te méprends profondément sur la nature de ce qui s’est passé au cours de cette émission. La donnée opératoire, dans la critique qui a été faite de ton livre, ce n’est pas qu’ils aient « bashé une jeune auteure d’une petite maison d’édition », mais bien qu’ils aient décidé, en toute connaissance de cause, de parler d’une jeune auteure dans une petite maison d’édition. Ce choix conscient de l’équipe de Bazzo.tv, louable en soi, infirme ton argument voulant que ces gens ne comprennent rien au monde du livre au Québec : au contraire, c’est plutôt toi qui semble ne pas saisir l’ensemble des facteurs qui entrent en jeu ici, ou du moins tu as tendance à les réduire à une opposition manichéenne navrante. À partir du moment où ton livre a été choisi par la production, ce qui, je le répète, est l’aspect important de « l’affaire », l’aspect purement positif pour l’ensemble de la communauté littéraire québécoise (autrement dit : on parle aussi des petits comme Ta Mère à la « Tivi », comme tu le dis si bien), les invités du club de lecture n’ont d’autre choix que de se prononcer sur leur lecture. Que leur opinion soit positive ou négative n’entre pas en ligne de compte même si, j’en conviens, cela peut être blessant. Ceci dit, les invités (dont la lecture est aussi légitime que la tienne, ou que la mienne, dois-je le rappeler) sont loin d’avoir « bashé » une « nouvelle voix féminine », ils ont plutôt souligné d’emblée l’inventivité de la langue dans ton roman et insisté pour dire que tu avais beaucoup de talent et de verve. Mais même s’ils l’avaient fait (i.e. te « basher »), ça ne changerait rien au fait qu’il est impossible d’en inférer (comme tu le fais), qu’ils agiraient différemment avec des auteurs consacrés ou légitimés par l’institution ou par ce que tu appelles la « doxa ». Encore une fois, ton argument ne tient pas la route, dans la mesure où les variables de ton équation sont simplistes : D’une part, on ne peut pas résumer la littérature québécoise à une opposition banale nouvelle voix/vieilles maisons. Toutes les maisons d’éditions, sans exception, publient de jeunes auteurs de la relève et, à l’inverse, plusieurs jeunes maisons ne publient pas exclusivement des nouveaux venus : Patrice Desbiens qui passe à l’Oie de Cravan, ou Judy Quinn (Hunter s’est laissé couler) qui publie à l’Hexagone (membre de Québécor) suffisent comme exemples. D’autre part, il est important de mentionner, même si ça peut sembler anodin, que ce club de lecture en particulier s’est souvent prononcé à la négative sur des « gros noms » comme Robert Lalonde ou Michel Tremblay. C’est les juger sans savoir que de prétendre qu’ils auraient une sorte de mauvaise foi inhérente dans leurs jugements. Que ces derniers sortent de la sphère intellectuelle que tu sembles privilégier n’est pas une raison pour leur enlever toute légitimité, de la même façon que le fait que Rafaëlle Germain écrive de la « mauvaise littérature » selon tes critères ne l’empêche en rien d’être une très bonne lectrice, qui s’exprime avec respect et éloquence.
Ta réaction ici, qui n’est pas dépourvue d’agressivité et d’un ressentiment mal canalisé, est compréhensible, au sens où elle démontre que nous sommes tous vulnérables à la critique, mais je crois sincèrement que tu fais fausse route dans ton argumentation, et que la posture que tu choisis d’adopter est loin de t’honorer.
C’est une posture rhétorique intéressante, Daniel, que tu ne cesses de répété que je me méprends.Tu peux ne pas être d’accord avec moi, j’en conviens, ce qui ne signifie pas que j’ai tort. Et réciproquement.
Ce qui est simpliste c’est de réduire tout ce que je soulève dans le texte au dernier paragraphe, comme s’il ne s’agissait que de parler de cette critique-là. Je ne lisais pas de « critique littéraire » avant de lire celles qui ont concerné mon roman et je dois avouer que j’étais étonnée du piètre état des lieux.
Je vais m’enfoncer encore plus les pieds dans les plats : sur les six critiques que j’ai eu, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, je n’en ai lu qu’une qui soit une véritable critique, les autres étaient des textes d’opinion, contenant parfois même des erreurs d’analyse amusantes pour l’universitaire que je suis. Bon, évidemment, on peut me le reprocher, de venir d’un milieu universitaire, où le jugement esthétique prône sur le jugement de valeur. N’empêche que ce qui, pour moi, est à l’oeuvre dans n’importe quel oeuvre d’art, c’est la relation esthétique.
Je comprends que j’ai outre-passé les limites de mon rôle d’auteure en critiquant la critique. Ça ne se fait pas, je sais. Le travail de l’auteur, c’est d’écrire des livres et de dire « merci » quand le critique daigne poser son regard sur lui, peu importe ce que le critique dit. Si tu considères que je me déshonore en désobéissant à ce genre de code, je ne sais pas trop quoi te répondre d’autre qu’un haussement d’épaule.
Je n’ai nulle part dit dans le texte que les nouveaux auteurs étaient seulement publiés par des jeunes maisons d’éditions. Bien sûr que des maisons d’édition établies publient chaque année un ou deux nouveaux auteurs, mais le ratio n’a absolument rien à voir avec celui les jeunes maisons d’éditions, tu devrais le savoir, toi qui est publié au Quartanier. Mais ce n’est pas seulement le ratio, écrivains établis/écrivains en début de carrière (ils ne sont pas tous jeunes à être en début de carrière), comme l’ouverture des lignes éditoriales, l’audace, la prise de risque et la volonté de proposer une autre littérature qui caractérisent aux jeunes maisons d’éditions et les rendent enrichissantes pour notre culture.
En ce qui concerne les intentions de, tu peux croire qu’elles étaient nobles et que je me gourre. Selon moi, les intentions du spectacles sont tautologiquement de produire du spectacle. Tu peux aussi réduire leur critique à la phrase positive que Pascale Navarro et Rafaële Germain ont trouvé à dire, je salue ton optimisme. Ceci dit, je n’ai jamais dit que Rafaële Germain faisait de la mauvaise littérature. J’ai dit qu’elle faisait de la chicklitt. C’est différent. Elle peut certainement être une bonne lectrice, comme tout le monde, d’ailleurs. Mais être un bon lecteur ou une bonne lectrice, est-ce que cela équivaut à être un-e critique?
Parce que ça aussi c’est une question valable, qu’est-ce qu’un critique? Et qu’est-ce que le spectacle de la critique?
Mais là, je me rends compte que je suis en train d’écrire une bien trop longue réponse, et que j’aurais encore plein de choses à te répondre parce que je n’ai pas répondu à tout ce que tu soulèves, mais que j’ai malheureusement des deadlines qui me font des signes désespérés. On ira prendre un café, si tu veux.
Je ne lis pas un roman pour m’attacher aux personnages, ni pour critiquer leurs goûts, leurs choix et leur devenir dans la trame narrative.
Je ne lis pas un roman pour une jolie histoire dont la boucle se boucle en finale.
Je ne lis pas un roman pour son objet, mais pour son sujet, non pas pour ce dont il parle, mais pour la manière dont il en parle.
Pour toutes ces raisons, j’ai adoré Toutes mes solitudes!
Merci Mathieu. Contente que ça vous ait plu!
Je t’ai d’abord lue par le biais du blogue sur Voir, ça m’a intrigué, et je me suis senti balancé entre l’émerveillement et le questionnement. Certes, ta plume est intéressante, tes commentaires acerbes, quoique inutilement ampoulés; mais c’est mon opinion. Bref, ça a marché, je continue de venir te lire.
Et j’ai aussi ce billet. Et j’ai écouté l’entrevue à Bazzo.tv sur Internet par la suite, puisque je n’ai pas la télévision, je n’aime pas l’écouter, c’est aliénant. Et je suis d’accord avec ce que tu dis, surtout en ce qui a trait au marché de l’édition, mais j’ai un sérieux malaise avec quelques-unes de tes affirmations.
Notamment le médium utilisé. Je comprends bien que tu veuilles t’exprimer à propos de la critique de ton bouquin, mais que tu utilises comme mode d’expression un blogue d’un journal culturel m’indispose grandement. Est-ce réellement le lieu pour le faire?
J’ajouterai aussi qu’il n’est pas, à mon humble sens, utile et nécessaire de préciser que les critiques littéraires en question font de la littérature de masse ou encore de la chanson country afin de discréditer leur point de vue. Venant d’une plume que j’apprends à connaître mais qui laisse fortement transparaître une grande de connaissance de la rhétorique et de l’argumentation, j’en suis fortement… étonné, voire déçu.
Ceci dit, tu as raison. Mais les lecteurs ne sont pas tous des Sainte-Beuve ou des Bernard Pivot, donc j’imagine que tu t’attends à ce que ton lectorat soit plus élargi. Quitte à ce qu’il compte des waitress, des coiffeuses, des libraires ou… des chanteurs-country-en-peine-d’apparition-télévisuelles.
Tout compte fait, je ne l’ai pas lu, le roman, et je le lirai. Et je continuerai à venir lire ce que tu écris ici, avec, j’ose l’espérer, le respect qui m’habitait avec que je lise ce billet.
Oh. Je répète que je n’attaque pas Rafaële Germain parce qu’elle fait de la chicklitt, mais parce que la chicklitt est un genre bourré de lieux communs, ce qu’elle me reproche de faire en racontant un roadtrip, sans sembler savoir que c’est un genre littéraire et non un stéréotype.
Aussi, pourquoi ne pas critiquer la critique justement dans un journal culturel? Ça me semble plutôt propice, en fait, pour l’interroger et y réfléchir. C’est un lieu de critiques. Et bien franchement, je ne suis pas contre la critique.
J’aurais voulu que la réflexion prenne une tournure plus éthique, politique et sociale. Aussi, j’ai fait une erreur en répondant directement à mes critiques dans le dernier paragraphe au lieu de terminer sur une ouverture encore plus large. Ça personnalise trop, surtout dans le contexte et la posture depuis lesquels je parle. C’est ce qui arrive quand je laisse Baudrillard et Debord sur leur tablette. 😉
Je me disais la même chose que vous, Guillaume. On vous a déjà connu plus digne, madame Lemieux-Couture. Votre parade élaborée pour ne pas répondre aux critiques, entre insultes des auteurs et analyse sociale, n’arrive d’autant moins à nous faire oublier le terme commun à cette problématique: votre oeuvre. Pourquoi éviter d’en parler, de vous expliquer ? Il n’y a pourtant guère de mal à savoir reconnaitre ses points faibles en public, hormis dans une approche… publicitaire.
En début de texte, j’admets deux choses. Que je ne peux que donner un point de vue subjectif et que je sais que je suis en conflit d’intérêts (en quelques sortes), ce n’est pas admettre ses points faibles? Qu’aurais-je dû dire exactement pour « m’expliquer »?
En effet.
Dans le cas d’admettre que votre point de vue face à cette situation ne peut être QUE subjectif, c’est évidemment faux, sinon vous ne seriez même pas apte à la communiquer publiquement. Les auteurs connaissent de long en large les faiblesses de leurs oeuvres et de leurs façons de faire, qui les torturent souvent d’ailleurs.
Comme cette excuse serait insuffisante, reste celle du conflit d’intérêts. Vous réagissez donc comme les journalistes de mass médias, soucieux d’une « objectivité » de façade, en vous contentant donc de banalités au lieu de traiter les critiques avec sérieux, quitte à les démolir (Gildor n’est certes pas un génie), en respectant l’intelligence de votre lectorat à pouvoir lui-même faire la part des choses entre objectivité et subjectivité. Vous paraissez un peu « sous le choc » et c’est compréhensible, mais resaisissez-vous SVP.
Je trouve ça drôle dans la mesure où je pointe dès le départ ce qu’on pourra me reprocher et c’est ce que ceux qui me reprochent quelque chose me reprochent. On peut rester pris sur mon dernier paragraphe, soit. Mais il n’y a pas que ça dans ce texte.
Subjectif, oui, parce qu’on ne parle jamais qu’à partir d’une perspective qui est la nôtre. On peut regarder la même table, vous et moi, mais nous ne la verrons jamais sous le même angle au même moment. Bien sûr, on peut en parler ensemble en ce rejoignant sur le fait que c’est de la même table qu’on parle, au final, et s’apporter mutuellement quelque chose, ou bien s’obstiner en restant pris dans les barrières de notre regard sans jonction possible.
Je n’ai pas parlé de conflit d’intérêts ou de subjectivité pour faire semblant d’être objective, mais plutôt comme un aveu. Je ne cherchais pas à démolir la critique, mais à en soulever des enjeux qui ne seraient pas simplement personnel.
Mais j’essaie de comprendre sur quel chemin vous cherchez à m’amener. Je ne suis pas certaine de vous suivre. Mais si vous me posez une question claire, je me ferai un plaisir de vous répondre.
Très bien. Que rétorquez-vous aux différents arguments livrés contre votre livre dans la chronique télé en cause, par-delà l’ad hominem et le « spectacle » ? À moins qu’ils n’aient absolument aucune pertinence pour vous, même s’ils émanaient hypothétiquement de vos auteurs préférés rencontrés loin des caméras ?
Je veux bien me prêter au jeu, mais je ne répondrai pas à tout ce qu’ils ont dit. Je vais soulever un exemple.
En ce qui concerne la critique de Gildor, qui, en gros, dit : que mon roman est écrit comme mes blogs et, non sans une pointe de péjoration, que c’est pas parce qu’on est blogueur qu’on est écrivain. D’abord, pourquoi s’attaquer à la femme que je suis et aux métiers que je pratique, alors qu’on parle d’un livre, non de la femme. Ensuite, pourquoi, si mon écriture romanesque se compare à celle de mes blogs, évacuer la question politique et sociale? Je blogue sur des questions de société et mon roman est un roman engagé socialement, une écriture de la résistance. J’ai aussi dit directement dans le texte que mes protagonistes ne pouvaient pas se rendre à Havre-Saint-Pierre, mais ils ne se rendent pas au BiCi pour faire un récit plus long, la Transcanadienne est un personnage, il y a un commentaire sur la société canado-québécoise en filigrane du roman et il met en scène le mythe du BiCi.
Je me rends compte que je n’aime pas tant parler de mon livre, parce que j’ai l’impression de dire au lecteur quoi lire. Vous parliez de faire confiance à l’intelligence du lectorat et je me demande si, en me livrant à votre exercice, je ne romps pas cette relation de confiance pour lui donner un mode d’emploi? Autrement dit, voyez-vous dans cet exemple un intérêt quelconque à ce que l’auteur parle de sa démarche?
(Je préfère les rencontres loin des caméras et le dialogue au monologue du spectacle, je les trouve plus pertinents dans une optique de construire.)
Je viens de lire ton texte et ça m’a donné envie de voir ce qu’ils avaient dit sur ton livre. C’est peut être un peu malsain… mais bon.
Ceci dit, si ça peut te redonner un petit bout de sourire, je n’ai pas trouvé cette critique dévastatrice. Je m’explique: y’avait Gildor Roy (qui avoue ne pas être critique littéraire) et les autres qui ne m’ont pas vraiment inspirés dans leur critique plutôt facile (du genre: ça prend une histoire bien ficelée dans un roman…). Je sais pas pourquoi, mais leur critique m’a fait penser à ma mère qui m’empêche de finir un film dans lequel le chien meurt et qui me conseille un film qui finit bien. J’ai eu l’impression que ces critiques ont été déstabilisés par la structure de ton roman et qu’ils ont simplement pas eu envie de passer par dessus ça, comme ma mère qui ne finit pas le film (désolée pour la comparaison boiteuse).
Et comme j’aime les histoires qui contiennent des personnages que je n’aime pas, les histoires que je ne comprends pas sur le moment et qui me laissent réfléchir ainsi que les histoires bien écrites, j’ai compris par leur critique que c’est probablement ce que je retrouverais dans ton roman. J’ai vu ton livre à la librairie Pantoute à Québec, quand j’aurai du temps pour lire, je crois que ce sera celui-là que je choisirai.
De toute manière, je crois comprendre que tu n’as pas écrit ton livre pour plaire à tous. Ne t’en fais pas trop, je suis sûre que cette critique aura piqué la curiosité de d’autres que moi.
Et pour ton commentaire sur les petites maisons d’éditions, je suis bien d’accord. Leur choix de présenter ce livre est plutôt discutable.
Et, continue d’écrire. Nous sommes plusieurs à aimer te lire ici.