Cher Parti Québécois,
En fait, je ne sais pas pourquoi je dis « cher », tu ne m’es pas plus cher qu’aucun autre parti ni qu’aucun autre gouvernement. Je crois que la société se porterait mieux sans gouvernement, que toute décision concernant la collectivité devrait être prise par le peuple pour le peuple et qu’il est aberrant de ne voter que pour légitimer les structures du pouvoir, éminemment hiérarchiques, selon lesquelles on t’accorde le droit de dilapider les fonds publics au profit de tes lobbys préférés.
Cependant, c’est pas de ça dont je voulais te parler. Je voulais qu’on mette à nu ta rhétorique, toi pis moi, parce que franchement, je ne sais pas quels stratèges de l’image et des relations publiques tu t’es payés, mais ça vole pas haut. Bon, c’est sûr que ça doit pas être évident pour eux, tu vas et viens d’une décision à l’autre comme quelqu’un qui est pas capable de se stationner en parallèle dans un espace trop petit.
Mais je m’égare encore. Rhétorique donc. La rhétorique est un instrument fort pratique pour manipuler l’opinion publique parce que la rhétorique ne s’intéresse ni au vrai ni au faux : elle est le discours de la vraisemblance. Elle cherche à plaire tout en vulgarisant, elle est parfaite pour ériger en système le mépris de l’élite dirigeante à l’égard des masses ignorantes, infiniment manipulables. Encore faut-il savoir s’en servir. La tienne est purement ornementale et on voit à travers toute la petitesse avec laquelle tu appelles un « chat » une « fourchette ».
Tu me vois venir, hein? Je vais te le dire une première fois et on va décortiquer tout ça après : Non, un « gel » ce n’est pas une « indexation ». Ta métonymie est ratée, salement ratée même. Quand tu dis : le « gel » est une « indexation », non seulement tu nous prends pour des cons, mais tu révèles le processus même par lequel tu nous prends pour des cons.
Qu’est-ce qu’une métonymie et comment réussir un procédé métonymique?
Je vais essayer de te dire ça simplement, une métonymie est une figure de style qui opère un glissement du sens d’un mot vers un autre dans le but d’effectuer un changement de désignation.
La désignation, c’est le consensus par lequel un mot signifie ce qu’il signifie parce qu’on s’est entendu pour nommer la chose par ce mot. Par exemple, le signifiant « chat » signifie « chat » parce qu’on s’est entendu pour que, par le mot chat, on comprenne un chat. Mais, si on voulait que le signifiant « chat », à partir d’aujourd’hui, désigne une « fourchette », il faudrait changer le consensus à cet égard. C’est là que le procédé métonymique intervient.
Pour que le procédé métonymique fonctionne, il faut que les deux mots entretiennent vraisemblablement une relation de signification. Je le rappelle, la rhétorique ne se préoccupe pas de la vérité, mais de la vraisemblance. Par exemple, si le parti Libéral du Québec a réussi à substituer le mot « grève » pour le mot « boycott », ce n’est pas parce que la « grève » est un « boycott ». L’idéologie a pris le pas sur la vérité dans ce simple glissement de sens pour légitimer toute la répression et le refus de dialogue du printemps dernier sous le regard bienveillant d’une opinion publique bien stérilisée. Ce qui a rendu ce changement de paradigme possible, c’est que dans le mot « grève » les gens entendent : « ne pas aller à ses cours », ce qu’ils entendent aussi, mais péjorativement, dans le mot « boycott ». Cette substitution, on l’a vu, a permis les dérives idéologiques, enlevant la légitimité même du droit de grève des étudiantes et étudiants, allant jusqu’à la judiciarisation du conflit, la primauté des droits individuels sur les droits collectifs, la restriction des droits et libertés fondamentaux des citoyennes et citoyens du Québec, etc.
Une métonymie bien réussie permet la domination par des signes vidés de leur contenu. Le mot est exploité pour installer un cadre hégémonique. Et la violence symbolique qu’on fait subir au mot auquel on retranche son sens se traduit par une violence bien réelle subie par les individus qui en sont l’événement. (J’en profite pour t’inviter à aller jeter un coup d’œil sur le documentaire Dérive pour te donner une idée concrète de certains aspects de cette violence bien réelle.)
Ceci dit, avec ton « gel indexé », tu n’arrives pas à opérer ta métonymie, Parti Québécois. D’une part, parce que tu dois mettre les termes ensemble pour justifier ton changement de désignation raté. De l’autre, parce que tu n’arrives pas à exclure « gel », le terme A, de « indexation », le terme B, simplement parce que si tu dis : « ceci n’est pas un gel, c’est une indexation » — comme le PLQ a pu dire : « ceci n’est pas une grève, c’est un boycott » —, tu tires dans le pied de ton propre procédé.
On voit bien que tu essaies de faire gober une hausse indexée des frais de scolarité par la bande rhétorique de l’hégémonie à même le langage. L’ennui, c’est que la vraisemblance n’y est tellement pas que la seule évidence qui en ressort, c’est que tu prends les gens pour des caves. Si j’ai un conseil à te donner, pour manipuler le monde, Parti Québécois, sois plus subtil. Ah pis, oublie ça. Laisse tomber avec la rhétorique, tu l’as juste pas.
Chapeau ! cet article est formidable et percutant.
Et au-delà de la métonymie, on a aussi affaire à un oxymore. Une indexation est par définition une hausse proportionnelle à un autre indicateur. L’appellation « gel indexé » relève donc de l’absurde et n’a même pas pour elle une quelconque prétention poétique.
En effet, ils sont obligés de construire la formule oxymorique « gel indexé » parce que la métonymie ne fonctionne pas. Et l’oxymore vient renforcir son inadéquation tout en révélant à l’extrême le processus dysfonctionnel duquel il provient.
En métonymie, « nous autres » Québécois, sommes champions toutes catégories confondues.
Notre « Révolution Tranquille », comme oximore de génie, c’est imbattable. Une révolution, me semble que c’est plutôt la tempête après, ou avant le calme. Et la tranquilité, il ne se brasse pas beaucoup de grands changements la-dedans. On en a un exemple magnifique avec la mer du même nom, sur la lune!
Et que dire de notre « avancez en arrière »de nos formidables chauffeurs d’autobus… nos autobus incroyables, avec leurs « planchers surbaissés » à l’image du QI de ceux qui les ont inventés, où il faut être astronaute pour s’y maintenir en équilibre, où on risque de » reculer en avant » cul par dessus tête quand la chauffeuse pèse sur le champignon avant même qu’on ait eu le temps de s’asseoir …
La métonymie est le symbole parfait de notre incapacité d’agir définitivement en quelque domaine que ce soit…sauf dans le choix de nos « numéros gagnants » du gros lot de la 6/49…Des losers, en politique, au hockey, au cinéma, en mathémathique, en rhétorique, en orthographe, etc, etc…