« la prison est là pour cacher que c’est le social tout entier, dans son omniprésence banale, qui est carcéral. » Jean Baudrillard
La normopathie est une pathologie de la norme, où le sujet cherche à dissoudre sa propre subjectivité dans ce qui est tenu comme « normal » par le discours dominant. Le normopathe n’a pas d’autre identité que sa conformité, il est usiné au point de n’être rien d’autre que la norme, derrière elle : il n’y a rien. Autrement dit, il n’est plus un sujet, mais un objet, déshumanisé, et il paraît tout aussi malléable que l’est la norme.
Ce concept psychanalytique n’est pas sans lien avec le concept de « banalité du mal » de Hannah Arendt, c’est-à-dire que le normopathe ne juge pas du bien et du mal ou des conséquences de ses actes, il n’en a pas conscience, il exécute, il se conforme, il répète, c’est tout.
Normopathie et visibilité de la marge
Le normopathe est l’individu idéal du capitalisme moderne. Il est infiniment instrumentalisable. Il ne fait ni la différence entre le bien et le mal, ni la différence entre le vrai et le faux, il suspend son jugement au profit de la norme. Il est donc absolument soumis à la production hystérique de réel. Peu importe que le sens des mots soit falsifié dans la circularité des discours mass-médiatiques, la loi radicale du capital est faite d’équivalences et d’échanges ainsi la vérité, le réel, la vie peuvent bien s’effacer derrière leurs simulacres. Le normopathe n’y verra que du feu, après tout, il est un simulacre de sujet.
La répression elle-même ne s’opère plus comme une répression réelle : elle n’est que le théâtre de la répression. Comment comprendre l’arbitraire de la répression policière sur les manifestations, sinon comme une simple tactique de dissuasion ? Ainsi, ce n’est pas tant les victimes des arrestations arbitraires qui sont les victimes réelles de la répression policière que l’ensemble des citoyens et des citoyennes qui sont les victimes de la répression politico-judiciaire. L’objectif étant de persuader la population qu’elle doit être réprimée ; qu’il lui faut abandonner une partie de sa liberté d’expression et d’association afin qu’elle soit régulée ; qu’elle doit se soumettre, totalement et entièrement, au pouvoir qu’elle délègue par son vote au quatre ans ; que la vie démocratique doit être confinée à l’urne sans quoi le danger du désordre et du chaos la guette.
Tout un système de signes est mis en place dans les médias de masse pour que la simulation atteigne son comble. On crée le méchant individu masqué, le fauteur de trouble au visage couvert, puis on le prend en photo histoire de montrer qu’il existe, on l’étale à la télévision dans un nuage de gaz lacrymogène pour justifier les interventions policières. Les forces de l’ordre sont toujours « obligées » d’intervenir ; elles n’arrêtent pas des individus, elles les interpellent ; mais ces héros modernes ne sont que des prétextes comme les médias de masse qui les fabriquent. Le contrôle se veut plus large, au-delà même du système de signes qu’ils créent. Car il s’agit de toujours normaliser les comportements, de restreindre les droits, de faire accepter des lois injustes — comme l’interdiction de manifester masqué ou les règlements municipaux qui restreignent la possibilité d’opposer une voix citoyenne discordante de celle du pouvoir — dans le confort et l’indifférence.
Il s’agit de rendre visible la différence pour justifier des mesures répressives visant à la rendre invisible.
Racialisation religieuse et xénophobie
Historiquement, la laïcité était entendue comme la séparation de l’État et du religieux. L’État laïc était un État neutre vis-à-vis des différents cultes. Par conséquent, l’État laïc cherchait ni à pointer un culte du doigt comme étant indésirable, ni à favoriser un culte comme étant une valeur patrimoniale. L’État laïc ne se préoccupait pas du religieux et la laïcité impliquait une liberté de conscience des citoyens et citoyennes.
Aujourd’hui, nous assistons à une remise en question de la laïcité historique à laquelle est confrontée une laïcité identitaire, c’est-à-dire une laïcité attachée à un système de valeurs et à une culture particulière. La laïcité identitaire ne permet plus la liberté de conscience, du moins elle la restreint, c’est une laïcité répressive. Elle agit comme une interdiction. Ce qu’elle contrôle, ce n’est pas tant le religieux — qu’elle tâche apparemment de confiner à l’espace privé —, mais la visibilité religieuse.
Cette visibilité religieuse est constituée de minorités religieuses, en particulier musulmane, en particulier de femmes musulmanes portant le voile. Tout simplement parce que se sont ces minorités qui se « voient » et qui sont construites comme un « problème ».
Ce « problème » a été construit autour d’un supposé échec du multiculturalisme, mais cet « échec » n’est rien de plus qu’une falsification du multiculturalisme. Ce qui est à entendre comme « échec », ce ne sont pas la diversité et la liberté culturelles (qui pourraient très bien exister sans heurts), mais une mauvaise interprétation de la signification d’intégration. En effet, quelle est la limite entre « intégration » et « assimilation » ? L’échec du multiculturalisme est plutôt à voir comme un échec de l’assimilation des immigrants qui ont conservé une part de leur culture tout en acceptant une part de celle de leur terre d’accueil. Tout se passe comme s’il y avait un relent d’agressivité ou de paternalisme de la part de ceux et celles qui ne peuvent se faire à la diversité culturelle, comme s’il y avait une forme de ressentiment qui trahirait que certains et certaines n’acceptent pas d’avoir offert l’intégration à des gens qui sont restés musulmans, même plusieurs générations après leur arrivée au pays. C’est ce que traduisent les discours à la sauce « conforme-toi ou retourne dans ton pays ».
La visibilité religieuse n’est pas conforme à l’invisibilité de la majorité. C’est pourquoi il faudrait une nouvelle norme laïque, identitaire, engendrée par l’idée que les corps et les consciences liés à cette visibilité doivent être contrôlés, disciplinés, assimilés.
Cette nécessité de contrôle est maintenue par la logique du bouc émissaire, un simulacre puissant, car ce qui importe vraiment, ce n’est pas qu’il soit faux, c’est qu’il soit tenu vrai afin que la majorité accepte qu’on brime sa liberté de conscience. Pour ce faire, le discours dominant brandira la menace islamique soit sous forme de complot islamique, soit sous forme d’une « islamisation » des valeurs à travers les demandes d’accommodements raisonnables qui mettraient en danger les valeurs d’égalité et de laïcité. Comme si, à force de voir des hijabs, on allait finir par gober la charia.
Une fois que cette peur de l’altérité s’infiltre dans les discours, il s’opère une racialisation religieuse. Tout immigrant arabe ou suspecté d’être arabe, qu’il soit athée ou hindou, est susceptible de représenter une menace. C’est grâce à cette chimère de menace islamique, renforcie par des politiques portant préjudices aux musulmans, que le racisme, la xénophobie et l’islamophobie peuvent se déployer impunément dans l’espace social tout en étant niées par ceux et celles qui les pratiquent.
Le féminisme bourgeois et la laïcité falsifiée
Certains discours féministes se font le porte-étendard de cette islamophobie sous couvert de la laïcité identitaire. Ainsi, il faudrait réprimer la visibilité religieuse sous prétexte que les femmes sont réprimées par les religions et cela serait conditionnel au principe d’égalité entre les hommes et les femmes.
Loin de moi l’idée de défendre les religions. Il est vrai qu’elles sont majoritairement patriarcales. Or, la laïcité identitaire ne défend pas le principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Au contraire, elle précarise l’accessibilité des femmes à l’emploi et marginalise les femmes qui portent le voile. Le bouc émissaire par excellence de cette laïcité identitaire, ce n’est pas l’islamiste, c’est la femme voilée. Forcer la femme à enlever son voile ne la libèrera pas, cela la rendra invisible. C’est pourtant celle à qui les Janettes lancent la première pierre de la peur, comme si se fermer les yeux devant la différence (tel un enfant qui se cache des monstres en se couvrant la tête sous une couverte) la faisait mystérieusement disparaître. N’est-ce pas un peu étrange que ces femmes qui se croient libérées calomnient d’abord des femmes ? Et de quoi la féministe bourgeoise est-elle libre ?
Si la laïcité devait réellement s’attaquer aux inégalités (toujours criantes) entre les hommes et les femmes, elle assoirait l’égalité salariale, elle sanctionnerait sévèrement les crimes sexuels, elle empêcherait la promotion de la culture du viol, elle s’intéresserait à la prostitution, etc. Si la laïcité devait réellement protéger les femmes d’elles-mêmes et de leurs aliénations, elle s’attaquerait d’abord à l’industrie de la Beauté, qui s’enrichit sur la violence que les femmes, dans leur propre aliénation, consentent à se faire subir à coup de régimes drastiques, de chirurgies esthétiques — injection de poison (Botox) ou mutilations volontaires (liposuccion, déridage, etc.) —, d’entraînement physique intense, de crèmes miracles (dont le miracle ne se réalise jamais), de luttes insensées contre la cellulite, de pilules amaigrissantes inefficaces et tout le reste de l’arsenal pour qu’une femme ait l’air d’avoir 14 ans le plus longtemps possible. On en conviendra, ce n’est pas du domaine de la laïcité. Or, le féminisme bourgeois des Janettes ne fait pas mention de ces formes d’aliénation socialement acceptables. Dans une société capitaliste, le féminisme bourgeois apparaît comme le synonyme d’avoir une carrière en étant parfaitement jolie à tout moment de la journée et mère, préférablement mère d’une fille — qui est une valeur ajoutée à ta crédibilité de femme qui s’en fait pour le sort des autres femmes, fière courroie de transmission dudit discours féministe.
Ce type de devenir-femme n’est pas moins aliénant qu’un voile, il est simplement plus capitalisable. C’est une autre manière de se conformer, où ce qui fait office de norme c’est une certaine idée de la beauté.
L’athéisme ou le sentiment de supériorité
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’athéisme n’est pas neutre. On pourra m’objecter ma position philosophique sur le Rien, mais croire en Rien, c’est quand même croire en quelque chose. C’est le verre d’eau à moitié vide des croyances.
Ceci dit, que je fasse partie des gens qui voient dans les religions un système d’asservissement et d’aliénation ne m’autorise pas à usurper d’une position d’autorité par laquelle je devrais soumettre (voire convertir) autrui à mon système de croyances, même si ce système de croyances est tissé à même le Rien, telle une missionnaire du Néant.
Une certaine forme d’athéisme semble pourtant vouloir se porter au secours des croyants et des croyantes, forme paternaliste de celui ou celle qui se croit supérieur pour avoir échappé à une forme d’aliénation parmi tant d’autres. Et, retour du refoulé dans la pulsion agressive de vouloir, non pas réellement « sauver » autrui, mais réduire l’autre au Même, la laïcité identitaire servant de prétexte au conformisme social.
L’implosion du sens et la répression volontaire
La socialisation passe de plus en plus par l’exposition au flux des messages médiatiques. Dans ce flux, tout et son contraire sont dits, et tout s’équivaut. C’est la logique du libre marché. Or, ce flux n’est que la mise en scène d’une communication, l’entropie totale où le dialogue n’aura pas lieu et le social non plus.
Rien d’autre que la répression n’aura eu lieu. Et c’est d’abord le sens qui sera supprimé. Car le conformisme n’a pas besoin de sens et la banalité du mal s’exerce hors du jugement. C’est par lui-même que le normopathe effacera les marginalités visibles, en acceptant « librement » de brimer ses droits et libertés, un à la fois.
J’aime beaucoup votre texte, Marie-Christine. Permettez-moi d’ajouter ceci, il me semble que c’est souvent avec un violent déni de lui-même que le normopathe réussit à dissoudre sa propre subjectivité. Cette violence va se retourner forcément contre les autres. Contre les normopathes d’une même caste ou d’une autre caste. Peu importe, c’est l’exultation de la violence qui compte. Tout ce processus s’enclenche de façon parfaitement inconsciente tellement le mécanisme du rejet de sa propre subjectivité est appris tôt dans l’enfance. Et faut-il mentionner que notre système d’éducation plutôt que de soutenir cette subjectivité qui devrait conduire à l’individuation s’attache désormais davantage à produire des citoyens dociles, travailleurs, performants et compétitifs. Et oui, l’entropie totale dans laquelle, vous le dites si bien, le dialogue et le social n’aura pas lieu, aura comme conséquence l’implosion du sens.
Chapeau à la sémiologue à l’oeuvre. Brillant billet et joli soufflet !
Revisitez l’histoire des luttes féministes au Québec et l’obscurantisme des religions répressives pour les femmes. Les religions sont une horreur pour les femmes et les enfants, victimes d’abus et de violences par le patriarcat dominateur qu’elles imposent. Il faut reprendre le combat féministe social, car nous sommes la moitié du genre humain, mais non pas la défense purement individualiste de certaines femmes qui hélàs sont victimes encore une fois de l,intégrisme patriarcal que nous avons malheureusement subi. Je vous invite à revisiter l’histoire.
Ouf. Quand on a la prétention de commencer un commentaire par un impératif, encore faut-il se montrer à la hauteur de la prétention de l’autorité que l’on s’octroie. J’ai dit, textuellement, dans l’article : « Loin de moi l’idée de défendre les religions. Il est vrai qu’elles sont majoritairement patriarcales. » Mais sans doute ne l’aurez-vous pas lu simplement pour pouvoir supposer ma grande ignorance de ce fait.
Quand on parle d’Histoire et de luttes féministes (et celles d’autres groupes minoritaires), ce qui est particulièrement intéressant, c’est de voir comment ces luttes ont fait éclater l’Histoire, qui était celle du groupe dominant, au profit des histoires (multiple). Ce qui est moins intéressant, voire immature, c’est de voir un groupe qui fût opprimé (et qui n’est certainement pas entièrement libéré) se faire oppresseur, comme s’il n’y avait pas moyen de faire table rase sur les relations de domination, comme si lutter contre le pouvoir signifiait lutter pou rexercer le pouvoir et, par conséquent, toutjours reproduire les mêmes schèmes de domination.
En ce qui concerne ce que vous avez appelez « défense purement individualiste », faites-moi rire. On parle de défense de la liberté de conscience, qui englobe la liberté de religion garantie par la Déclaration universelle des droits de l’Homme. On parle de droits collectifs, donc. Alors on repassera pour l’individualisme…
La religion ? Quelle « religion » ?
Le nazisme, le communisme ?
» Historiquement, la laïcité était entendue comme la séparation de l’État et du religieux. » … et se teintait des oppositions à certains dogmes proclamés, dans notre cas, dans la religion judéo-chrétienne notamment au sujet du statut des femmes et de la liberté de pensée et d’expression. On oublie que la religion dans son omniprésence était un facteur également très socialisant et que la laïcité n’a jamais pu remplir ce rôle au niveau de ces institutions. Et finalement c’est à force de luttes et de création de lois que les femmes ont commencé à pouvoir faire et continue de faire valoir leurs droits et leur égalité à l’homme. Cette évolution ne s’est pas faite parce qu’on a laïcisé l’État, mais admettons qu’on était d’accord pour dire que c’était une condition pour y arriver. Par contre rien a remplacé dans la société et particulièrement à l’école la religion dans son rôle socialisant, c’est d’ailleurs un de ses grands mandats qu’elle a dramatiquement négligé au profit de la performance. Alors on ne peut pas s’étonner que dans les écoles actuellement et dans la société at large la place de la religion quelle qu’elle soit et les effets de sa présence, signes religieux ou autres, soient débattus si férocement. En éducation et dans les services publics, la laïcité c’est bien mais la neutralité c’est mieux jusqu’à temps du moins qu’on puisse amener nos jeunes à plus de civilité avec les nouvelles réalités démographiques qu’on s’imagine qu’ils peuvent gober dans tous leurs aspects sans aide et que les adultes déterminent leurs priorités « essentiellement » en fonction d’eux et non en fonction de leur réalité personnelle comme ce fut le cas envers la jeunesse estudiantine l’an dernier. Y’en a marre de voir des adultes philosopher et discuter de politique et de religion alors que des jeunes s’entretuent dans les écoles à l’image des conflits dans le monde avec les ethnies correspondantes ou celles que les jeunes assument que d’autres ont même s’ils sont nés au Québec. Il y a bien sûr ceux que l’argent protège du « mal » dans les écoles privées, à vocation religieuse, ou dans les écoles publiques avec programmes spéciaux, nos futurs sauveurs, ça en prend dans nos sociétés toujours en mal de héros. Les miens cependant sont ceux qui rapiècent les jeunes, de toutes les avenues, qui ont été écorchés par le « système » et ils sont de plus en plus nombreux. Et ce n’est pas les prières qui vont les aider, ni remplacer le vide que la laïcité de l’État a laissé sans penser aux conséquences de la perte de repères éthiques et de l’impact sur la socialisation at large des individus. Nos repères si non religieux auraient été fatalement culturels. Et à l’époque ça n’aurait pas donné lieu à un débat parce qu’en principe il n’y avait qu’une religion. Il faut croire que la laïcité de l’État n’était pas une si bonne idée après tout, parce qu’une religion peut tout bonnement être remplacée par une ou d’autres religions pour combler le « vide » de repères qu’elles provoquent quand elle n’y est pas provoquant des dérapages qui étaient là bien avant que la charte n’arrive.
Tout ça pour nous dire que vous êtes ouverte et bien pensante. Et que vous avez en horreur le nationalisme québécois et que vous aimez les nationalismes de la différence. y compris ceux qui mettent la religion à l’avant-plan.
Étrange…
Je n’ai nulle part évoqué le nationalisme. C’est plutôt votre interprétation qui est, non seulement étrange, mais simpliste.
Chère madame Marie-Christine Lemieux-Couture,
Au sujet de votre commentaire sympathique, si être simpliste, c’est appeler les choses par leurs noms alors oui. Vous parlez de « laïcité l’identitaire » sous-entendu québécoise avec le haut le coeur et vous glapissez avec votre bonne conscience à l’égard de celles qui musulmanes veulent exprimer comme identitaire leur foi à tout prix de manière vestimentaire dans le cadre de leur travail de fonctionnaire. Alors que tout l’espace public est sans contrainte. Vous y voyez la dictature de la norme.
Quel sophisme, quelle mauvaise foi de lier et de pervertir les réflexions de Hannah Arendt concernant la « banalité du mal » à la démarche de la charte de la laïcité. Associer sans avoir l’air québécois à nazisme et dictature et mêler le tout à la sauce psychanalytique. Faut le faire.
Restons simple après tout.
La laïcité identitaire n’est pas un concept proprement québécois. Je l’ai emprunté à Jean Baubérot, sociologue français. J’utilise la distinction entre laïcité historique et laïcité identitaire, telles qu’expliquées dans le texte, parce que ces appellations m’apparaissent plus juste que laïcité ouverte et fermée.
Il ne s’agit pas d’être simpliste, mais d’avoir une interprétation simpliste et réductrice. Je n’ai pas non plus parler de nazisme. Il n’y a pas de sophisme dans le fait d’expliquer l’origine d’une notion psychanalytique.
Vous me faîtes dire bien des choses que je n’ai pas dites.
La reine d’Angleterre est à la fois chef d’État de seize royaumes du Commonwealth et chef suprême de l’ Église d’Angleterre. Voici un symbole parfait d’une intégration dans une même personne du pouvoir temporel et atemporel ! Enfin, le multiculturalisme est expliqué aux enfants… La reine comme symbole politique et religieux est-elle vraiment neutre même si elle porte que des chapeaux?
La reine, la femme parmi les femmes a-t-elle fait progresser la condition féminine en Angleterre? On nous demande d’oublier les suffragettes! Le patriarcat modèle culturel dominant a joué avec la reine Victoria à la reine Élisabeth II et contre les femmes seraient plus proches de la réalité.
Cela permet à une musulmane britannique de porter son voile et incarner la loi et l’ordre dans le corps policier britannique. Voilà un comportement digne et assumé pour les gens qui défendent les signes religieux partout et tout le temps et que l’État britannique doit se refuser d’être un théologien de service en matière de signe de croyance pour tracer la ligne entre l’État et la société en matière religieuse.
L’Ironie de voir une policière portant un voile et qui devient pour un moment le bras répressif d’une manifestation. Une autre signification que peut avoir le voile!
La société britannique admet le voile dans le corps policier. Alors, pourquoi le refusé aux juges et avocats quand la reine incarne dans son individualité le pouvoir temporal et atemporel?
Cette femme qui porte le voile et dit avec beaucoup de fierté que son voile est une soumission à Dieu, mais non pas aux hommes. Elle serait capable de faire la différence entre le texte sacré et sa greffe dans le patriarcat de l’époque qui n’arrive plus de finir! Ces femmes qui n’ont aucune autorité théologique reconnue dans leur religion pourraient dire que le voile est une expression de liberté ?
Notre constitution canadienne se réfère à Dieu pour se légitimer et la charte donne une préséance au religieux au détriment des autres formes de libertés. La sortie dernièrement de la a Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec rejette les prétentions du rapport Bouchard/Taylor et les propositions de Québec solidaire sur la limitation des signes religieux aux juges, avocats. La laïcité touche que les bâtiments non l’individu
Le conformisme juridique est toujours plus difficile à bousculé que celui en société ?
Qu’est-ce qui permet de maintenir une séparation entre l’Église et l’État une loi. Elle sera divine cette loi qui va redistribuer à César ce qui revient à César et ce qui appartient à Dieu revient à Dieu. Cette séparation a toujours été là et même nécessaire contre la confusion des pouvoirs et permet un équilibre entre les droits et les pouvoirs de l’État et de l’Église. Que font les rois, empereurs du monde chrétien pour légitimer leurs pouvoirs? Ils vont se faire sacraliser par le pape représentant de Dieu. Napoléon Bonaparte le fera en tant qu’empereur des Français jusqu’à faire venir de force le pape Pie VII en France.
Entre ces deux formes de pouvoir que sont l’Église et l’État; il va avoir des alliances entre eux comme avec Constantin et Charlemagne , des luttes entre eux comme dans celui du schiste anglican quand le 11 février 1531, l’archevêque de Cantorbéry, William Warham, proclame : « Nous reconnaissons que Sa Majesté est le Protecteur particulier, le seul et suprême seigneur et, autant que la loi du Christ le permet, le Chef suprême de l’Église et du clergé d’Angleterre ». La loi divine qui maintient la séparation du l’État et de l’Église n’est pas remis en question, mais seulement le pouvoir papal et son influence.
De Henri VIII à la Reine Élisabeth II; c’est le contenu du pouvoir royal qui va se déplacer lentement vers l’État et avec la construction d’une société civile qui sera gouvernée par la raison d’État. Cette raison d’État qui sera au départ une réponse à la déraison belliqueuse des diverses confessions de foi que sont les guerres de religion qui durèrent plus d’un siècle. Raison d’État qui encadrera aussi le pouvoir royal en cherchant toujours en le minimisé. Que reste-t-il du pouvoir réel de la Reine Élisabeth II peu, mais symboliquement d’une importante pour le Canada qui maintient en place notre monarchie constitutionnelle comme structure de pouvoir.
C’est avec la Révolution française que le contenu divin de la loi qui gouverne l’État se videra et de façon violent avec la décapitation de Louis XVI.
Jean-Étienne-Marie Portalis qui a été ministre du Culte exposait en 1801 sans détour une politique de la neutralité bien cartésienne : « On ne droit ne jamais confondre la religion avec l’État : la religion est la société de l’homme avec Dieu; l’État est la société des hommes entre eux. Or pour s’unir entre eux, les hommes n’ont pas besoin ni de révélation, ni de secours surnaturel; il leur suffit de consulter leurs intérêts, leurs affections, leurs forces, leurs divers rapports avec leurs semblables; ils ont besoin que d’eux-mêmes.»
Avant que la majorité de la population adopte ce principe, plus d’un siècle est passé. Ce fut le temps qu’une individualité démocratique qui s’installa avec le droit de vote sans privilège de bien ou de richesse et de croyance. La même chose arriva plus près de nous avec le vote des femmes avec la reconnaissance de l’égalité des hommes et des femmes.
Une certaine forme de spiritualité aujourd’hui peut se vivre comme une expérience intérieure sans une loi qui présuppose un contenu religieux précis. C’est en vidant de son contenu royal et religieux que la loi prendra la forme de neutralité qui maintient cette séparation nécessaire entre l’État et l’église.
Est que le contenu divin et royal de la loi est complètement achevé dans une forme de neutralité? Notre réponse se lit dans notre constitution qui se réfère encore à Dieu et une charte qui privilégie le contenu religieux qu’au contenu démocratique. Ce qui fera dire à Edgar Morin que nous vivons sous le règne une théolaïcité. Et j’ajouterais que notre constitution est bien chrétienne dans sa légitimité par Dieu, un Dieu plus anglican que catholique !
La neutralité de la loi avec le projet de charte québécoise va un peu plus loin en aménagement des règles d’interprétation en favorisant des valeurs d’égalité entre les hommes et les femmes avec une séparation de l’État non plus avec l’Église, mais avec la société civile. C’est l’extension de la loi avec sa neutralité assumée qui formalise une séparation de l’État et de la société civile. L’État assume la neutralité de loi dans sa représentation réelle et symbolique. La question du crucifix devient un enjeu de crédibilité.
Bien pensé, bien écrit…
Et très mature comme point de vue.
Merci !
La neutralité de l’État est un des corollaire nécessaires d’une société dite laïque. C’est le seul chien de garde possible contre des dérives du genre de celles auxquelles on assiste avec les États gangrénés par la religion, telle l’Égypte ou l’Arabie Saoudite par exemple (les exemples de violation des droits individuels par un État religieux sont légion). Le débat ici au Québec a pris cette dangereuse tangente: il devient plus important de prôner un multiculturalisme à tout prix plutôt que de prôner la neutralité de l’État, sous peine d’être traité de raciste ou de xénophobe. Or il n’est ni question de racisme, ni d’émotivité, ni de quelque subjectivité que ce soit ici: il n’est question que du seul chien de garde possible des États démocratiques contre le dangereux mélange politico-religieux, soit le principe de la neutralité de l’État que nul ne peut prétendre battre en brèche, à moins d’accepter que des États totalitaires qui ont vu leurs racines historiques gangrénés par le pouvoir religieux (exemple: Les Frères musulmans) bafouent les droits humains les plus fondamentaux, au nom d’une soi-disant religion qui aurait préséance sur lesdits droits fondamentaux. La laïcité historique ou identitaire sont des concepts qui peuvent vouloir tout dire ou rien dire à la fois, dépendamment de qui veut bien les définir (bien malin celui qui pourrait trouver toutes les définitions possibles, car il y en a à l’infini). Nul besoin de ces concepts élastiques dans un débat ou la SEULE vraie question qui doit se poser, hors de toute émotivité, est la suivante: veut-on dériver vers un État anti-démocratique qui bafoue les droits humains, en ignorant l’importance capitale du principe de la neutralité de l’État, ou veut-on plutôt refuser en bloc toute ingérence du pouvoir religieux et de ses symboles ostentatoires dans la sphère politique, notamment au sein des institutions étatiques qui se doivent de demeurer neutres. Ouvrir la porte à la religion dans la sphère étatique, c’est pire que de revenir au temps de Duplessis, car nous sommes en 2013, et le monde a changé, il s’est radicalisé: les intégrismes religieux sont légions partout autour de nous, et les droits fondamentaux des femmes et des hommes sont bafoués dans 3\4 des pays du Monde, au nom de la religion. Triste constat d’échec non pas du multiculturalisme, mais du non respect fondamental du principe de la neutralité de l’État. Au Qc, nous pouvons résister. À vous d’y voir…Alain;)