BloguesMarie D. Martel

Suggestions pour lire de gauche à gauche


Des idées à glaner dans quatre essais récents qui font de la gauche, ou d’une critique de la pensée conservatrice, un enjeu. C’est la vie politique par les livres. En commençant, bien entendu, par l’événement littéraire de la rentrée d’hiver :

Comment mettre la droite K.O. en 15 arguments contre la droite, par Jean-François Lisée, Stanké, 2012.*

« [L]e Québec a réussi à créer en Amérique du Nord une société dont la qualité de vie se compare avantageusement à celle de ses voisins. Et n’est-ce pas l’objectif : la qualité de vie des citoyens. Le Québec y est parvenu, entre autres, parce qu’il a résisté à un certain nombre d’appels néo-libéraux pressants au démantèlement de l’État, à la privatisation à tout va, au recul du syndicalisme et de l’action collective, au triomphe de l’individualisme. »

* Dans la version numérique, les liens des sources mentionnées sont cliquables.

Contre Harper. Bref traité philosophique sur la révolution conservatrice, par Christian Nadeau, Boréal, 2010.

« Harper, comme Hobbes, conçoit l’autorité comme étant nécessairement supérieure à tout autre pouvoir ou volonté. Le pluralisme, la démocratie, la liberté d’expression n’ont de sens que s’ils n’empêchent pas le bon fonctionnement du gouvernement, ce dont celui-ci est le seul juge en définitive. Ce qui compte est la puissance de l’État, condition première de la sécurité des individus qui s’y soumettent. Tous doivent agir comme un seul, lequel est incarné par le pouvoir en place. Il ne s’agit pas d’une dictature, mais d’une conception particulièrement forte des prérogatives du pouvoir. »

Futurs proches : Liberté, indépendance et impérialisme au XXIe siècle, par Noam Chomsky, traduit par Nicolas Calvé, Lux, 2011.

« Les défenseurs de la financiarisation radicale de l’économie prétendent que des avantages économiques en compenseraient les effets néfastes, mais, …, ceux-ci sont difficiles à trouver. Les incidences sur la démocratie sautent aux yeux. La libéralisation financière a engendré ce que certains économistes ont qualifié de « sénat virtuel d’investisseurs et de prêteurs », qui « tient des référendums en temps réel » sur les politiques des gouvernements. Si le sénat virtuel considère une politique comme irrationelle – lire pour le bien commun plutôt que pour le profit-, il peut exercer son « droit de veto » sous forme de fuite des capitaux ou d’attaque contre la devise du pays, entre autres moyens. »

Hémisphère gauche : une cartographie des nouvelles pensées critiques, par Razmig Keucheyan, Lux, 2010.

« La crise du sujet de l’émancipation, et la multiplication des sujets possibles de l’émancipation, ne datent pas de la chute du mur de Berlin mais des années 1960. Les termes de ce débat ont certes évolué au cours du demi-siècle écoulé. L’importance accordée autrefois à la thématique de la folie et au potentiel émancipant des aliénés a décru. Les luttes des femmes et des homosexuels ont indéniablement progressé, ce qui implique que leurs modalités ont changé. C’est pourtant le même débat, portant sur la même crise du sujet de l’émancipation, qui a cours. Aucun sujet hégémonique n’ayant pris la place de la classe ouvrière depuis cette période, les théoriciens critiques contemporains demeurent en quête de substituts potentiels ou de nouvelles articulations. »

Pour qui voudrait goûter d’autres lectures plus favorables à la pensée conservatrice, on peut se référer à la critique de Louis Cornellier parue dans Le Devoir : Essais québécois – Deux ténors de la droite simpliste.

Le succès de l’essai de Lisée, en comparaison de celui d’Éric Duhaime, s’explique, m’a-t-on écrit il y a quelques jours sur Twitter, par le fait que le livre est traditionnellement un média de gauche. La droite, y précisait-on, a d’autres moyens comme la télé et la radio. Hum, dans ces conditions, la bibliothèque publique serait-elle un super média de gauche ? Quoiqu’il en soit…il faut savoir que tous ces livres, de gauche comme de droite, sont accessibles dans une bibliothèque publique près de chez vous.