Le livre numérique représente une part de plus en plus significative du marché des éditeurs et des libraires aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon. Les bibliothèques publiques s’adaptent et diversifient leur offre de manière à proposer le prêt de livres numériques à distance. Depuis peu, les bibliothèques publiques au Québec le font aussi pour répondre aux nouveaux besoins du peuple des connecteurs.
Quelques chiffres
La Campagne nationale pour la lecture (National Campaign for Reading), une coalition réunissant différents acteurs du milieu du livre au Canada, a diffusé le 16 février dernier son bilan annuel sur la consommation de livres au pays. Pour la première fois, les données concernant les livres numériques ont été considérées. On annonçait que 3,4 millions de livres (tous les formats confondus) ont été vendus ou prêtés au pays au cours de la semaine du 23 au 29 janvier 2012 au moment où le décompte a été réalisé. Ce qui représente un livre prêté ou vendu tous les 5 secondes.*
10 % des ventes de livres en anglais sont désormais en format numérique au Canada. Avec 10 % des ventes qui sont effectuées en format numérique sur l’ensemble de tous les livres, le Canada se situe parmi les premiers dans le palmarès international de la lecture numérique. À titre de comparaison, les États-Unis présentent un taux de pénétration de 20%, la Corée du Sud, de 14.5% et le Royaume-Uni, de 7%.**
Le prêt de livres numériques constitue 3 % de l’ensemble des livres prêtés dans les bibliothèques publiques canadiennes, soit 63, 196 livres téléchargés. Les bibliothèques publiques canadiennes affichent une hausse de 8 % du prêt de livres et de 50 % du prêt de livres numériques par rapport à 2011. Globalement, cela équivaut à une hausse de 9 % du prêt en bibliothèque.
En revanche, ce bilan dresse un portrait assez approximatif de la situation du livre en français au Canada. Le communiqué rapporte que la hausse des ventes du livre français établit à 35 % ne doit pas être considérée comme significative car elle reflète une manière différente, plus exhaustive cette année, de couvrir le marché francophone. Ensuite, on annonce que l’on n’a pas pris en compte les ventes de livres numériques au Québec.
Par ailleurs, on ne précise pas si le nombre (3%) de livres numériques prêtés dans les bibliothèques canadiennes comprend les efforts du côté francophone, ceux de la Grande bibliothèque incidemment, qui était seule en mesure de fournir des données au cours de la semaine cible. Enfin, il est question du nombre de livres téléchargeables. Dans ces conditions, on n’inclurait pas, dans ce bilan, l’offre numérique en lecture continue qui est proposée dans certaines bibliothèques québécoises. En d’autres termes, c’est un tableau qui nous informe sur la situation canadienne anglaise surtout, ce qui n’est pas sans intérêt, mais qui demande à être mis en contexte localement.
Le prêt de livres numériques au Québec
Néanmoims, du côté des bibliothèques publiques québécoises, c’est maintenant (enfin!) que le prêt de livre numérique prend véritablement son envol. Depuis décembre déjà, pour être en phase avec ceux qui recevaient des liseuses et des tablettes à Noël, BAnQ a commencé à offrir le prêt de livres téléchargeables. Ce service est aussi offert depuis la semaine dernière à travers la plateforme pretnumerique.ca dans les bibliothèques de Montréal. Depuis l’été dernier, on peut également profiter de l’accès à des livres accessibles en lecture continue (streaming). D’autres institutions québécoises suivront le pas.
L’historique de la naissance de l’offre du prêt numérique à distance dans les bibliothèques québécoises a été relaté par Clément Laberge, sur son blogue, qui en est un des principaux artisans.
Notons qu’en France, on est beaucoup plus frileux au sujet du prêt de livres numériques à distance par les bibliothèques publiques. Selon les contrées, les relations de confiance et de concurrence entre les bibliothèques et les acteurs de l’industrie du livre sont négociées différemment. Trop souvent, hélas, au détriment de la lecture publique.
Quoiqu’il en soit, au Québec, on l’a fait, bravo! On pourra désormais voir si, au moment du grand National Book Count en 2013, les données portant sur le prêt et la vente des livres numériques en français seront devenues plus suggestives.
* Le communiqué de la National Campaign for Reading en PDF
** Global Assessment of E-Book Markets presentation par Giovanni Bonfanti, A.T. Kearny / Marco Ferrario, BookRepublic, Digital BookWorld, janvier 2012.
En novembre 2011, les éditeurs ont signé in extremis une entente de 12 mois pour permettre le prêt numérique tout en se donnant l’anne pour réfléchir ensemble sur les termes exacts du prêt. Déjà presque trois mois de passés, aucune discussion n’a été entamée. J’ai bien peur qu’à ça rythme, cette expérience prenne fin abruptement fin 2012.
Le livre numérique va s’imposer progressivement car on ne change pas ses habitudes de lecteur du jour au lendemain. Il en est même pour toute l’industrie et de la chaîne du livre auteur-éditeur-distributeur-agrégateur et ou entrepôt numérique et libraire. Ils devront s’adapter et surtout bien comprendre que les bibliothèques font partie intégrante de cette industrie. Mais avant tout, les règles du marché vont considérablement donner plus de pouvoir à l’auteur et à l’éditeur, le distributeur et le libraire deviennent obsolètes et le tout va se jouer au niveau de l’agrégateur ou entrepôt numérique. Dans ce contexte, exit la loi du livre (il était temps) et place à un nouveau écosystème de marché reposant sur une offre plus diversifiée, une meilleure rémunération des auteurs, un accès beaucoup plus grand aux livres. Plus de frontières et un libre marché pour répondre aux exigences de l’OMC.. On achète autant chez amazon france, canada, us ou uk qu’à la FNAC, chez Archambault ou Renaud-Bray ou publie.net ou même directement chez l’auteur! Daniel Marquis http://biblioweb.dmarquis.ep.profweb.qc.ca/
@Daniel Marquis: c’est bien vertueux tout ça… Exit la loi sur le livre (faudrait quand même se rappeler pourquoi elle existe) et tout à coup plus de diversité, moins de contraintes pour les bibliotthèques, plus de revenus pour les auteurs. Si seulement c’était vrai. Nous sommes quand même d’accord sur une chose: tout cela se fera progressivement… planifions donc les choses en conséquence, en se laissons du temps pour réformer les choses « sur le sens du monde », sans trop de cassures.
@Gilles Herman: il faut faire ocnfiance… on va y arriver. C’est une nécessité pour tout le monde. Et je te dirais que notre expérience suscite actuellement beaucoup d’intérêt en France, c’est à suivre.
Merci pour l’info.
Je ne pense pas que le point de vue de Daniel soit vertueux, il est probablement aussi réaliste que l’on peut l’être au sujet…du futur.
Cela dit, j’ai répondu à Gilles Herman par un autre article pour stimuler la création de liens de confiance et mettre la table des bonnes relations entre les bibliothécaires et les éditeurs pour les discussions à venir (ça c’est vertueux) :
http://voir.ca/marie-d-martel/2012/02/23/la-friction-est-une-fiction-dans-lecosysteme-du-livre-numerique/