BloguesMarie D. Martel

Liberté d’expression au Québec: un peu, beaucoup, séparément?


C'est la Semaine de la liberté d’expression au Canada, du 26 février au 3 mars 2012. Cette célébration existe essentiellement du côté du Canada anglais si l’on se fie au site qui, outre la bannière bilingue, ne présente ni matériel francophone, ni membres québécois dans son comité. C’est bien dommage…Est-ce à dire que la liberté d’expression se porte mieux au Québec qu’ailleurs ? Pas vraiment, si l’on en croit Charles Montpetit qui signe un article (en anglais) publié dans le magazine qui accompagne la trousse promotionnelle de l’événement.

Meanwhile In Quebec…C’est le titre de cet article dans lequel Montpetit documente la situation récente du Québec à l’égard de la liberté d’expression et des défis que certains ouvrages ont dû affronter pour se maintenir dans l’espace de la parole publique.

D’abord, deux tentatives de censure se distinguent tout en se ressemblant : elles impliquent des auteurs connus, se sont déroulés dans des écoles secondaires, et, surtout, dans l’indifférence quasi totale des médias québécois.

  • Les nombrils de Marc Delafontaine et de Maryse Dubuc. On aurait décidé de renoncer à cette célèbre bande dessinée à l’école Mosaïque sous prétexte que la trop fine silhouette des personnages risquait d’encourager l’anorexie chez les étudiantes (une problématique pourtant abordée dans cette série). La décision aurait été reconsidérée par le suite – après la graduation des étudiantes « vulnérables ».
  • Les Contes pour buveurs attardés de Michel Tremblay. La mère d’un élève à l’École d’éducation internationale (le nom de cette institution est à vérifier me semble-t-il) aurait demandé que l’on retire cette oeuvre de Tremblay – qui figure pourtant dans les listes de lecture depuis plusieurs années. Ces récits abordent les thèmes de l’homosexualité, de l’inceste et racontent, avec un tour fantastique, des rencontres avec le diable. Sur cette base, la plaignante aurait fait valoir qu’elle ne souhaitait pas exposer son fils à « la promotion de satan et à la pédophilie ». La plainte aurait finalement été rejetée.

À côté de ces démarches troublantes, Montpetit souligne :

  • La sortie du livre de Pierre Hébert : La littérature québécoise et les fruits amers de la censure (Fides, 2010), qui examine les conséquences de la censure sur l’histoire de la littérature au Québec.
  • L’initiative de libredelire.org qui a accompagné la Semaine de la liberté d’expression 2011 en invitant le public à s’associer à un livre ayant subi la censure ou une tentative de censure et à en faire la promotion.
  • Le lancement de QuebecLeaks.org, le wikileaks québécois, qui constitue un autre effort local pour faire un contrepoids au manque de transparence dans le monde de la politique et des affaires.

Mais, la palme d’or cette année au Québec a, incontestablement, été remporté par l’ouvrage Noir Canada aux Éditions Écosociété qui dénonçait les activités des compagnies minières en Afrique. L’éditeur a accepté de régler à l’amiable la poursuite en diffamation intentée par le minier Barrick Gold, après plus de trois ans de bataille judiciaire, et de cesser la publication de cet essai. On a parlé dans ce cas de poursuite-bâillon (SLAPP, en anglais), une pratique qui représente une menace grave à l’endroit de la liberté d’expression et de l’intégrité du système judiciaire. Moins de 24 heures après avoir été censuré dans le monde du papier, Noir Canada est toutefois redevenu accessible dans l’espace public du web.

On peut lire d’autres articles dans le magazine Freedom to Read qui est disponible (en PDF) et qui fait un survol de l’actualité de la censure au Canada notamment du côté du public jeunesse, des communautés autochtones, dans les écoles et les bibliothèques. En outre, il est question des efforts qui sont investis pour rendre l’accès aux documents gouvernementaux plus ouverts.

Une liste de livres et de revues censurés ou menacés de censure depuis une décennie au Canada, mise à jour en 2012, est aussi disponible dans le cadre de cet événement (en PDF).

Si ces enjeux vous interpellent, ne manquez pas la Table ronde sur la censure et la littérature jeunesse, le 28 février à 19h00 à la Grande bibliothèque.

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