BloguesMarie D. Martel

Tiers lieu de travail : burespresso, caflab, cafzine, cafébu, jobar et quoi encore?


On parle des tiers lieux depuis quelques décennies maintenant. On épilogue sur les tiers lieux et leur rôle dans la sphère publique et jusque dans l’environnement numérique. Facebook n’est-il pas un tiers lieu ? Les bibliothèques sont-elles les nouveaux super tiers lieux ? On parle aussi des tiers lieux de travail qui ne sont pas à la maison (premier lieu), ni au bureau (deuxième lieu) mais qui les prolongent un peu tous les deux dans un ailleurs confortable, neutre et informel.

On pense au tiers lieu de travail comme à une bonne place, une zone intermédiaire, un entre-deux-mondes, un chez-soi public qui colle à cette identité hésitante ou instable qui est la nôtre à force de brouiller les frontières entre le travail et la vie privée, entre le professionnel et l’amateur.

Roy Oldenberg, dans la préface de la seconde édition de son ouvrage, The Great Good Place, aborde explicitement l’existence de ce tiers lieu de travail : « third places may serve as office.» (preface, xxv) Un tiers lieu de travail fait certaines concessions au jeu et à la liberté caractéristiques des bonnes places cédant aux exigences de la tâche tout en préservant la dimension tonique de ces ingrédients pour leur potentiel de création et d’innovation.

On peut supposer que dans le contexte de la ville hypermoderne de François Ascher, que j’ai découvert via cet article, de tels lieux s’inscrivent dans le flux urbain, dans sa sérendipité. Ils offrent des configurations qui « créent du frottement, de la complexité, de l’imprévisible »; ils multiplient les opportunités d’interactions, de partage d’idées dans des espaces partagés; ils accélèrent le mouvement, les possibles tout simplement, et le potentiel d’innovation de la ville émergent à travers ces rencontres, ces croisements et ces remixages, ces frictions et ces fictions.

D’ici 2017, selon certains, on prévoit que 50 % du travail de bureau s’effectuera dans un troisième lieu de travail:

The fact that people are no longer tied to specific places for functions such as studying or learning, says Mr Mitchell, means that there is “a huge drop in demand for traditional, private, enclosed spaces” such as offices or classrooms, and simultaneously “a huge rise in demand for semi-public spaces that can be informally appropriated to ad-hoc workspaces”. This shift, he thinks, amounts to the biggest change in architecture in this century. (The New Oases : Nomadism changes buildings, cities and traffic, The Economist)

Le café est souvent représenté comme le prototype du tiers lieu.

Nouveaux brassages, nouveaux usages, nouveau langage. On cherche un mot-valise, c’est bien le cas, pour loger le concept de ce lieu adopté par les nomades du portable, une expression forgée qui véhiculera à la fois l’idée du bureau et du café. Du côté anglophone où cette discussion a été interceptée la suggestion était la suivante :

• Coffice (coffee + office)

Plus près de chez nous, on a proposé :

• Burespresso (bureau + espresso)
• Cafébu (café + bureau, on note le double sens qui est amusant)
• Caboulot (cafe + boulot, qui existe déjà pour désigner un endroit malfamé, ça dépend de nos activités)
• Cafturbain (café + urbain)
• Cafbureau (café + bureau)
• Cafzine (café + usine/magazine pourrait convenir pour les rédacteurs en tout genres )
• Cafinet (café + cabinet de travail)
• Cafpain (café + gagne-pain)
• Cafab (café + fabrique, on est ici dans l’esprit des Fab labs, côté manuel)
• Caflab (café + labo, même chose mais côté expérimental)
• Cafail (café + travail mais le fail et le cafard sont décidément trop près)
• Jobuvette (job + buvette)
• Jobar (job + bar – devient barjo en cas de d’épuisement professionnel)
• Barreau (bar + bureau; idéal pour les avocats)
• Bar à boulot
• Bar à job (bar à Job, si le salaire est très mauvais)
• Burbar (bureau + bar)
et ainsi de suite…

Le choix est corsé.

Merci à @karlpro et @Michelle Monette, entre autres, pour leur créativité.

¡ Photo : Marie D. Martel, The British Library, licence : cc-by-sa |