Le documentaire réalisé par Guylaine Maroist et Éric Ruel qui dénonce le projet de relancer la centrale Gentilly sera diffusé lundi à 21 h à Télé-Québec. La critique de l’industrie nucléaire est un sujet complexe, la co-réalisatrice propose 4 recommandations de lecture pour accompagner le film et la réflexion.
Gentilly or not to be met la table pour activer le débat public au Québec sur les questions entourant l’industrie nucléaire. Le débat, en ce moment, tend à mettre l’emphase sur le principe de causalité auquel le documentaire souscrit. Personne, de fait, ne semble remettre en question qu’un niveau élevé de radioactivité cause le cancer (demandez à Marie Curie). Or, le niveau de radiations à Gentilly est plus élevé que ce que les normes européennes ou californiennes tolèrent. Par conséquent, il serait raisonnable de croire que certains cancers sont provoqués par la radioactivité associée à la présence de la centrale nucléaire Gentilly. Mais, quels cancers et combien?, c’est là que l’épidémiologie ne peut pas fournir de réponse, faute d’échantillons significatifs, et, en l’absence de cette démonstration, le doute est alimenté et utilisé par les partisans de la réfection. En d’autres termes, si l’argument causal s’avérerait le plus fort, fusse-t-il établi, c’est aussi celui qui semble le plus contesté car il se prête au scepticisme.
En revanche, ce n’est pas le seul argument. On peut aussi invoquer le principe de précaution, comme l’invoque le ministre allemand qui explique les raisons pour lesquelles l’Allemagne a pris la décision de se retirer de la filière nucléaire en soutenant que, en dépit du fait que l’on ne puisse prouver hors de tout doute, que les centrales sont la cause des cancers, «il était de notre devoir d’adopter une approche préventive en matière de santé.» Le médecin et urgentologue, Éric Notebaert, adopte également ce point de vue dans le documentaire.
Enfin, le débat actuel fait aussi valoir certains arguments fondés sur le principe de suffisance. Même s’ils ne sont pas les plus attrayants, ces arguments sont parfaitement légitimes. Par exemple, certains diront que, preuve ou pas preuve, il suffit que l’on reconnaisse que l’évaluation des coûts de réfection de la centrale, qui sont estimés à 2, 5 milliards, comporte de nombreux risques et qu’ils pourraient s’avérer considérablement plus élevés, car tant que l’on n’a pas pénétré dans le coeur du réacteur, on ne peut pas déterminer la portée des travaux requis. Ainsi, l’exemple récent de la centrale de Point Lepreau a connu des dépassements de l’ordre de 50%.
D’autres soutiennent qu’il suffit de considérer la question des déchets nucléaires pour choisir de renoncer à cette option. La centrale de Gentilly serait relancée pour 25 ans avec des déchets nucléaires qui sont destinés à s’accumuler, à être dispersés ou enfouis et à nous côtoyer pour des milliers et des milliers d’années. Bonjour l’héritage des générations futures, comme le suggère l’ingénieur et physicien Michel Duguay, toujours dans le documentaire en invoquant le principe de l’équité intergénérationnelle. La fin du documentaire est saisissante à cet égard : on y voit un ferrailleur de la région de Trois-Rivières qui est en train de se demander, perplexe, ce qu’il va faire avec des débris radioactifs qu’on lui a refilé – en lui disant, à leur réception, qu’ils n’étaient pas radioactifs – et provenant de la centrale. Rien pour rassurer qui que ce soit au sujet de la gestion des déchets nucléaires présents et futurs.
Et, compte-tenu de la situation du Québec, on se demande vraiment comment la question de procéder à la réfection de Gentilly en soit venue à prendre la forme d’une sorte de dilemme puisqu’il existe des alternatives énergétiques sécuritaires et durables. Même des pays qui ont pris le risque de la filière nucléaire pour assurer leur indépendance énergétique, s’en sortent: le Japon a annoncé, hier, qu’il renonçait à l’énergie nucléaire.
Pour participer au débat public, il faut voir Gentilly or not to be et s’informer. Voici 4 recommandations de lecture qui nous sont fournies par Guylaine Maroist.
1. Sans danger immédiat? L’avenir de l’humanité sur une planète radioactive / Rosalie Bertell (en bibliothèque)
Rosalie Bertell, médecin, a consacré une grande partie de sa vie à la défense de la santé environnementale et à la critique de l’industrie nucléaire. Elle a remporté le prix nobel alternatif en 1986 pour : « pour son travail de sensibilisation auprès de l’opinion publique au sujet de la destruction de la biosphère et du patrimoine génétique humain, en particulier par des radiations de faible niveau. » Elle est morte le 14 juin 2012.
2. Chernobyl Legacy / Paul Fusco
Le photographe Paul Fusco de l’agence Magnum est retourné à plusieurs reprises entre 1997 et 2000 pour documenter l’impact horrible de l’explosion du réacteur no. 4 de la centrale de Tchernobyl sur les enfants habitant dans la zone de radiation. Âmes sensibles s’abstenir.
3. Regroupement pour la surveillance du nucléaire / Gordon Edwards (Ph.D.)
Un siteweb indépendant sous les auspices de Gordon Edwards (Ph.D.) qui diffuse l’information du Regroupement pour la surveillance du nucléaire : « un organisme sans but lucratif, incorporé auprès du gouvernement fédéral en 1978…voué à l’éducation et à la recherche concernant toutes les questions qui touchent à l’énergie nucléaire, civiles ou militaires — y compris les solutions alternatives au nucléaire — et tout particulièrement celles touchant au Québec et au Canada.»
4. Maître chez nous – 21e siècle (MCN21) / sous la dir. de Daniel R. Breton (en bibliothèque)
Il s’agit du livre qui soutient le projet MCN21 visant «à permettre au Québec et à sa population de prendre et conserver le contrôle de son avenir en devenant progressivement indépendant des énergies fossiles.» On y aborde les enjeux liés à la réfection du réacteur nucléaire Gentilly-2 et aux risques de l’énergie nucléaire sur la santé.
Le documentaire, diffusé lundi à Télé-Québec, sera accessible sur le site de ce télédiffuseur pour les 5 prochaines années.
Pour aller plus loin :
- Le site des Productions de la Ruelle
- La page Facebook du documentaire
- L’entrevue à RDI
| Copyright J.-François Leblanc pour la photo |
Les 4 auteurs suggérés, Rosalie Bertelle, Paul Fusco, Gordon Edwards, et Daniel Breton sont tous exclusivement bien connus pour leur position anti-nucléaire. Aucune suggestion pour balancer ces positions?
C’est aussi une triste réalité comment on peut également modifier les termes techniques et les mesures, sous le désir de vulgariser, afin de générer une crainte inutile.
Il y a des problématiques et des controverses légitimes qui ont tristement été laissés de côté pour le sensationnalisme. Cet affaire est un triste exemple d’attaque facile, profitant de l’absence de connaissance du commun des mortels pour y insérer une peur préconçue favorable à certains intervenants du documentaire.
Mon opinion de la réalisation de ce film de peur est assez basse. Tenter de vulgariser des phénomènes scientifiques est important. Mais rater son coup au niveau exprimé par ce cirque est démontre à quel point « indépendance » n’est aucunement synonyme de « neutralité », ou « d’opinion informée ».
Pour un modicum d’information balancée, on pourrait suggérer, par exemple, la réponse par M. Binder, président de la CCSN, ici:
http://www.suretenucleaire.gc.ca/fr/mediacentre/issues/letters_to_the_editor/September-13-2012-Response-to-Le-Nouvelliste-G2.cfm
à toi de « balancer ces positions » jonathan. la section commentaires d’un blog ça sert à ça.
ah oui! fukushima.
Ce documentaire ressemble à un film de propagande. On parle des désastres de Fukushima et de Tchernobyl sans mentionner Three Mile Island (1979). Selon le réalisateur, nous serons pognés avec les déchets nucléaires pour les 100000 prochaines années. On nous parle de l’Homme de Néandertal pour établir un lien avec le temps, mais sans mentionner le fait que 70 ans à peine séparent l’époque des faucheurs de marguerites de celle des pas sur la Lune de Neil Armstrong. Quel rapport?
Notre soleil est un immense réacteur nucléaire doté d’une force d’attraction inouïe. Ces déchets nucléaires seront envoyés dans sa direction pour être incinérés. Dès que la technologie (aéronautique et astronautique) le permettra, l’Homme se débarrassera de ces déchets, et ça ne prendra pas 100000ans, avant de devenir possible de le faire. Je ne serais pas surpris que les réacteurs nucléaires, qui représentaient l’utilisation pacifique de l’énergie atomique depuis près de 70 ans, disparaissent progressivement, car ils sont menacés par des coûts d’entretien exorbitants. Cette haute technologie coûte un bras. «Gentilly or not to be» est décevant et laisse une impression de vouloir s’opposer pour le plaisir de s’opposer : pas très sérieux.