Les auteurs de la communauté scientifique québécoise devraient vérifier si leurs publications en accès libre ne sont pas reprises et revendues, à leur insu et à fort prix, par la bibliothèque numérique scientifique française de l’Inist-Cnrs, Refdoc. Parmi les 53 millions de références d’articles, ouvrages, rapports, actes de congrès… en science, technologie, médecine, sciences humaines et sociales que le service Refdoc rassemble et rend accessible par le biais de sa plate-forme éditoriale, il y a peut-être les vôtres. En cherchant, j’ai retrouvé quelques uns de mes textes référencés dans cette base de données qui sont maintenant disponibles, par la poste, pour le montant de 11 euros chacun, plus deux euros pour les droits de copie – 50 euros par la voie d’un transporteur ou 40 euros via télécopie. J’en ai repéré bien d’autres encore publiés par certains de mes collègues du Québec.
Cette situation a été dénoncée par le chercheur Olivier Ertzscheid dans une lettre reprise sur Mediapart :
Cher(e) responsable du service Refdoc à l’Inist,
Cher directeur de l’Inist,
Je suis enseignant-chercheur et je publie donc un certain nombre d’articles dans différentes revues professionnelles et scientifiques. Avec d’autres, je milite pour que les résultats de la recherche publique (c’est à dire mes articles) soient immédiatement disponibles pour tout le monde. Et pour ce faire je dépose mes articles, tous mes articles, dans des bases de données que l’on appelle des archives ouvertes et qui permettent à tout un chacun de consulter gratuitement le texte intégral de tous mes articles. Je fais partie de ceux qui se battent bec et ongles pour parvenir à faire ajouter à leur(s) contrat(s) d’édition une clause permettant de déposer une version numérique dans des sites d’archives ouvertes sans aucun délai d’embargo.
Donc, cher responsable de service Refdoc de l’Inist, et toi aussi, cher grand chef de l’Inist, je te signale que TOUS mes articles sont TOUS disponibles gratuitement et en texte intégral à divers endroits du web (sur des sites d’archives ouvertes mais aussi sur mon blog, dans des revues scientifiques ou professionnelles qui ont de leur côté fait le choix de l’open access, etc.)
Comme la diffusion du savoir et des connaissances issues de la recherche publique me tient particulièrement à coeur, je pousse même le vice jusqu’à ajouter dans certains de mes articles, une licence « creative commons » qui indique que l’article peut être rediffusé, réutilisé, republié à condition qu’il le soit gratuitement.
Si je te raconte tout ça …
Si je te raconte tout ça, c’est parce qu’au vu de ce qui précède, il ne viendrait à l’idée de personne qu’un organisme comme l’Inist, fleuron de l’IST (information scientifique et technique) dans l’hexagone et au-delà, mette en place un outil (Refdoc) qui au mépris de toutes les règles en vigueur et à rebours de la volonté des auteurs (et d’un nombre de plus en plus important d’éditeurs), il ne viendrait à l’idée de personne disais-je, que l’Inist vende, oui je dis bien « vende » à des prix exorbitants des copies (ou des photocopies) de documents scientifiques par ailleurs – et ailleurs – totalement libres et gratuits.
C’est pourtant ce que fait depuis déjà très très très très longtemps (2009) le service Refdoc de l’Inist. Et franchement c’est juste insupportable moralement, pathétique scientifiquement, et révoltant juridiquement…
Ertzscheid poursuit en soulignant que cette diffusion commerciale des articles scientifiques s’effectue sans l’autorisation des auteurs impliqués, mais également, sans signalement, à l’aide de liens, de la disponibilité des versions en accès libre et gratuit sur Internet, notamment dans des dépôts d’archives ouvertes.
Le collectif SavoirsCom1, récemment constitué, soutient le mouvement de dénonciation des pratiques du service Refdoc de l’INIST.en fédérant le désaccord de la communauté scientifique. Savoircom1 fait valoir que ces pratiques contreviennent au manifeste fondateur de Savoirscom1.
Dans la perspective d’une science ouverte au-delà du cercle académique, l’accès libre aux publications scientifiques doit primer face aux phénomènes d’appropriation des résultats de la recherche publique.
Si vous faites partie des auteurs lésés et que vous souhaitez ajouter votre nom aux protestataires, SavoirsCom1 propose un formulaire de retrait et de protestation.
Les autres clauses du manifeste de SavoirsCom1 qui promeut la création et le partage des biens communs informationnels méritent aussi que l’on y prête attention.
| Source de la photo Logic analyzer belly : Flickr, galerie de netl, licence creative commons |
Merci!