«Le mot processus vient du latin pro (au sens de vers l’avant) et de cessus, cedere (aller, marcher). Ce mot est également à l’origine du mot procédure qui désigne plutôt la méthode d’organisation, la stratégie de changement.»
Source : Article Processus de Wikipédia en français (//fr.wikipedia.org/wiki/Processus)
Les indignés s’essoufflent. Les critiques jubilent. Le froid aura raison d’eux. Ils ont peut-être raison.
L’occupation a sonné l’alarme de la fin du silence d’une majorité. Un cri. Celui d’une masse de gens engluée dans un sentiment d’impuissance collective. Une masse informe, peuplée de toutes sortes de monde. Des lucides, des naïfs, des conscients, des beaux et des laids, des jeunes et des vieux, des intuitifs, des instruits, des intelligents de coeur, des frères et des soeurs. Ils ne veulent pas tous la même chose. Ils ont peur. Ils ont espoir. Si l’être humain est un paradoxe en soi, je vois mal comment on pourrait exiger de lui un comportement égal, organisé dans une seul et unique but précis, devant être défini et régi, suivi à la lettre comme un protocole sans failles, sans erreur. Ce que l’occupation promettait, elle l’a atteint. Les occupants de Wallstreet définissaient dans leur manifeste un but très précis. Lancer un processus. Et ils ont clairement réussi.
Nommer quelque chose lui permet d’exister. Quand on nomme une réalité, elle émerge soudainement dans le discours ambiant. Et de toutes les réalités qui ont émergé dernièrement, les indignés ont fait office de long cri strident. Un cri qui s’allonge et s’étire, un cri qui irrite de plus en plus. Comme un bébé qui hurle de toutes ses forces au nom de sa survie, qui finit par s’arrêter à bout de souffle, et dont on souhaite qu’il ne trouve pas la force de continuer. Ce genre de cri, s’il puise le souffle jusqu’au fond des trippes, vous projette dans une nouvelle réalité. Il y a avant le cri et après le cri. Un malaise s’est installé, un vide, un froid, un silence. Et puis on ne sait plus où, ni qui regarder. On se demande si on pourra continuer comme ça, parce que maintenant que c’est dit on ne peut plus faire comme si ça n’avait jamais existé.
Ainsi l’indignation existe. Et elle se propage, grandit, trouve echo, se répond, s’engage dans un dialogue. Le mouvement qu’on dit s’essouffler et qu’on pointe du doigt en riant n’a que faire du cynisme ambiant. En lançant ce cri, en marquant clairement ce temps de ras-le-bol partagé, un processus est lancé. À partir de là on ne peut qu’avancer, malgré les pesantes critiques d’individualistes, cyniques et autres êtres bienpensants mais inactifs. Le dialogue est ouvert. La critique apporte son lot de questions, mais aussi de nouvelles avenues vers des solutions. La confrontation n’est pas mauvaise, elle est souvent source des issues les plus improbables et créatives. Mais puisque nous en sommes encore au stade du processus, une mise en place se prépare. Des réseaux, des liens, des engagements, des prises de conscience, des actions, du partage, de la solidarité. Une expérience nouvelle, qui donne espoir. Différente du désormais classique scénario catastrophe. Qui ouvre la porte vers la possibilité d’un happy end.
Le processus énerve, irrite, dérange. Mais une chose est certaine, il fait aller notre société vers l’avant. La plupart des indignés n’ont rien à faire de la gauche et de la droite. Ils savent que désormais, la seule possibilité pour survivre consiste à avancer.
C’est un bien beau texte. C’est ça, l’action politique la vraie: enclencher des processus aux tenants et aboutissants imprévisibles, car tout ce qui touche la toile infiniment complexe des relations humaines ne peut-être qu’imprévisible.