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407 habitants, ou une prémisse de proximité

Dans moins de sept jours, je deviendrai Roseraine d’adoption. C’est fou, j’ai tellement voyagé et déménagé dans la vie, que je cumule aisément les origines. Je suis fransaskoise de naissance et québécoise dans le sang. J’ai habité Régina, Saskatoon, Montréal, Roberval, Chicoutimi. Et mardi prochain, je déménage à Sainte-Rose-du-Nord, un petit village d’à peu près 407 habitants.

Quand j’ai téléphoné, hier après-midi, pour faire transférer mes services de communication (téléphone et internet), mon fournisseur m’annonce qu’il ne couvre pas la zone de mon village. Par contre, il ne sait pas quel fournisseur peut bien couvrir cette zone (mon oeil). Rupture de contrat gratuite faute de responsabilité, je reste de longues minutes devant le téléphone, incapable de le prendre pour composer le numéro 310 de cette maudite compagnie à laquelle j’ai juré de ne jamais plus verser un sou. Parce que service, dans la belle réalité de cette entreprise, il n’y a pas. Bref. Un peu perplexe devant la perspective d’aller à contre-valeurs, je finis par téléphoner la municipalité, pour savoir s’il n’y aurait pas une alternative. Oui, me dit la dame, curieuse de savoir quelle maison j’ai acheté dans le village. Si vous habitez dans le village même, téléphonez à Monsieur G. Il va vous arranger ça.

Quand j’ai téléphoné au bureau coordonnateur du CPE pour voir si mon fils pourrait avoir une place, on me dit qu’il n’y a que trois jours semaine de disponibilité. Mais on me spécifie que ça peut se libérer vite, parce que la clientèle de Sainte-Rose n’est pas régulière. J’ai demandé s’il y avait des garderies en milieu familial, où je pourrais essayer de combler les deux jours qu’il me manque. Mon interlocutrice part à rire, visiblement très amusée par ma question. Me dit que non, il n’y a pas de garderie en milieu familial au village. Mais venez vous installer, vous verrez bien. Les gens ont tendance à s’arranger entre eux-autres.

Il y a des pancartes de règlements écrites à la main, par monsieur le Maire lui-même, qui possède un gîte très populaire semble-t-il. L’école et la garderie sont dans la même bâtisse et moins de trois dizaines séparent nos adresses respectives. Il y a 5 ou 6 rues, tout au plus. Il faut aller chercher son courrier au Café de la poste. De ma galerie, on voit le Fjord. En arrière de chez moi, une montagne. Devant aussi. Et j’ai la soudaine impression que lovée entre deux immenses caps de roche, dans la quiétude d’un petit village, je vais trouver quelque chose qui se rapproche de la chaleur humaine, la vraie. Avec tout ce que la proximité apporte de beau, et de moins beau.

Au village, un petit garçon de 11 ans qui s’appelle Miro Angers-Laurin a reçu au mois d’octobre un diagnostic fatal. Après une virée des grands ducs à Sainte-Justine, on lui a appris que sa tumeur est inopérable. Dans un petit village comme Sainte-Rose-du-Nord, ça fait l’effet d’une bombe. C’est tragique. Un enfant, c’est intouchable. Ça m’a aussi confrontée au fait de devoir aborder un sujet aussi triste et délicat avec ma fille de cinq ans. Elle ira sûrement à l’école avec Miro, la semaine prochaine. Du moins, elle va en entendre parler. C’est aussi ça, les petites communautés. Quand tu arrives, tu es un étrange. Et dans ces circonstances, où chacun retient son souffle, j’ai l’impression qu’on arrive comme un chien dans un jeu de quilles. Je me dis qu’une bonne manière de nous introduire sera de participer au souper bénéfice organisé à la fin du mois pour amasser des sous. Un geste simple de solidarité, brandi comme un drapeau blanc, we come in peace.