En fin de semaine dans La Presse, il y a avait un joli dossier sur les Villes du Québec, après l’ère des fusions. Un regard en arrière. Quossé ç’a donné? En entrevue, majoritairement des maires, dont notre malheureusement célèbre Jean Tremblay. À toutes les fois que je vois un journaliste de l’extérieur se pointer ici, j’ai le fantasme qu’il tombe sur un os. Qu’il trouve quelque chose, qu’il y morde. En lisant l’article, je me suis demandé si Patrick Lagacé avait réellement eu Jean Tremblay en entrevue. Sûrement que oui. Mais s’est-il vraiment déplacé ou avait-il simplement vu quelques photos pour monter son descriptif? Le franc tireur n’aurait pû passer plus loin de la cible avec un tel résumé d’entrevues de surface.
À Saguenay, ce n’est pas vrai que la fusion a si bien passé. Pour preuve, il existe encore dix ans après, un comité chargé de promouvoir le nom de Chicoutimi. Parler des fusions ici, et juste de ça, c’est comme parler de mon nouveau mascara. C’est un peu superficiel. Mais je ne juge pas La Presse de faire un dossier au titre parodiant une émission de télé américaine traduite ici, simplement, je trouve que ce qui en transparaît n’est pas tellement juste. Et peu importe le journaliste qui osera se pointer le nez au Saguenay, peu importe le nom du cahier spécial pour lequel il doit pondre quelques feuillets, ce qui se passe ici ne sortira jamais au grand jour.
Les fusions, en fait, ont servi à couvrir tout un remaniement des pouvoirs à l’interne et une polarisation des décisions en un centre névralgique: le cabinet du Maire. La Ville est présente sur la plupart des comités, conseils d’administration ou organisation présente sur le territoire. Elle s’assure ainsi de garder le contrôle sur toute organisation qui voudrait s’opposer à son modèle de gestion. Jean Tremblay s’est doté des outils de propagande les plus sophistiqués (villeenaction.com en est le meilleur exemple, c’est un peu comme « Cabinet Story », le maire au confessionnal, le maire parle de la police, le maire explique son nouveau drone…).
À Saguenay, une bête noire. D’où semblent provenir tous les problèmes, toutes les oppositions, toutes les manifestations: le milieu culturel. Comme si la culture était le démon, Jean Tremblay et ses conseillers adoptent une posture défensive aussitôt que les mots arts ou culture sont prononcés. Pour comprendre, il faut revoir le discours inaugural de Saguenay, Capitale culturelle du Canada en 2010. Comme tout le reste, que de la poudre aux yeux. La culture emmerde notre maire. Personnellement, pour avoir vécu à Chicoutimi depuis 1998, je n’ai JAMAIS vu Jean Tremblay dans un vernissage, une exposition, une pièce de théâtre, une première de film, ou encore dans un des cinq festivals internationaux qui se tiennent chaque année sur son territoire. La religion, ici, fait office de culture. Et nous sommes toujours dans le calme de la surface.
Sous la surface, des doutes. Des chuchotements. Beaucoup d’injustice. Énormément de colère. Mais surtout, surtout, la peur et le silence. Dans le dossier de la faillite du Théâtre du Saguenay, la Ville a refusé de sauver la coopérative en difficultés pour un montant sous les 300 000$. Faillite faite, le nouvel organe de diffusion désormais géré par la municipalité, Diffusion Saguenay, sera cautionné pour 8 millions de dollars par la Ville à sa première année d’existence. Dans un dossier connexe, un registre avait été ouvert, pour que les citoyens puissent réclamer une consultation publique sur la possibilité de construire une nouvelle salle de spectacles. Ceux qui ont osé signer, candidement, solidairement, se sont vus rabrouer de toutes sortes de manières. Par exemple, les subventions octroyées par le Conseil des Arts qui arrivent aux organismes dans des enveloppes du cabinet du maire (l’air de dire, à peine subtilement: « Voyez d’où vient l’argent, en fait? »). Lors d’une conférence de presse, un mystérieux document est apparu sur la table pour les journalistes, répertoriant les « dangereux gauchistes et autres anarchistes » de Saguenay. Des photos de profils Facebook, des liens douteux créés entre divers individus ou organisations, des descriptifs erronés et des propos diffamatoires sur plusieurs individus. Je sais de source sûre que ce type de campagne de salissage n’était ni la première, ni la dernière. Ce genre de document circule allègrement, de manière totalement anonyme, et tente même de s’attaquer au gagne-pain de certaines personnes. Mais il existe une peur innommable. Personne ne dit un mot, parce que tout le monde a trop à y perdre. Même les journalistes de l’émission Enquête ont fini par regarder ailleurs, parce que personne ne veut témoigner devant caméra. Tout ceci n’est qu’un résumé vulgaire et grossier d’une situation infiniment plus complexe. Mais si ça peut jeter un éclairage différent sur le maire à 70% de satisfaction dans les sondages…
Quelqu’un qui répète trois fois plutôt qu’une dans la même entrevue que les fusions, ça fait « moins village », doit être en train d’essayer de se convaincre lui-même. Parce que quand on voit les fiers-à-bras agir, quand on voit un maire se battre comme un diable dans l’eau bénite pour sa sacro-sainte prière au conseil municipal, on se demande si en allumant la télé elle ne sera pas en noir et blanc, montrant un Duplessis rayonnant au pouvoir.
Tous les maires du Québec font office de personnages surfaits. Le gouvernement de la province leur a concédé beaucoup plus de pouvoirs qu’ils ne le méritaient; ils sont passés d’un titre honorifique, presque ronflant, à celui de gestionnaires de budgets de plus en plus empesés et c’est la que les égos démesurés se manifestent, dans une course au pouvoir absolu…