Je ne suis pas économiste. Je suis rien que juste pour réussir à faire mon rapport d’impôts toute seule. Pis c’est tellement compliqué que plus souvent qu’autrement, j’ai le sentiment de m’auto-fourrer. Alors peut-être que ce que j’avancerai semblera farfelu. D’ailleurs, l’idée a émergé dans une discussion entre mon copain et moi, alors qu’on travaillait sur la décoration d’un festival de courts métrages. Ceux qui travaillent dans l’événementiel comprendront aisément à quel point on se ramasse parfois avec le cerveau dans le Jell-O. Alors est-ce que vraiment, entre deux vrilles sur un dix cennes, en fumant notre cigarette dehors comme des bums, une idée pertinente a pu surgir? Peut-être.
On parlait d’argent. On devait certainement avoir fumé autre chose pour aborder ce sujet-là, mon chum pis moi. On n’a pas l’habitude de sortir le budget autour d’une bonne bière, disons. Au moment où j’exprimais pour la millième fois sous un angle différent mon incompréhension totale envers les inégalités sociales, j’esquissais une de ces questions fondamentales qui souvent restent suspendues en l’air sans plus faire de bruit. Mon chum, c’est pas un activiste. Si on lui parle de ma campagne électorale, il lève les yeux au ciel. Occupons Saguenay, pour lui, c’était juste un tas de complications dans notre horaire de famille déjà compliqué. J’aurais du le prendre en photo, le soir du 29 novembre, quand je lui ai annoncé le regard ardent que je n’étais plus seule sur Terre, que je m’en allais trouver mes semblables à New-York. Bon, ça s’est terminé sur les terres municipales, pas que j’aie une laisse. Non. Je suis capable de respect, comme lui n’arrive pas à freiner totalement mes ardeurs politiques.
Alors, mon chum pas activiste pour cinq cennes, me lance comme ça:
« Il faudrait limiter les héritages. Être enfant de riche, ce n’est pas une contribution juste à la société. Mettons que tu as réussi à bâtir une richesse, il est normal que tu en lègues une partie, on ne peut pas abolir la notion de patrimoine familial. Mais si on mettait un plafond? Un héritage maximum? Et que le reste retournait aux fonds publics? »
Sur le coup, je n’ai pas laissé mon esprit s’emballer sur cette idée. Mais c’est bien connu, ce sont des empires familiaux qui mènent l’économie depuis que le monde est monde. Du moins depuis que l’argent est argent. Imaginez si les Rothschild et autres richissimes familles de ce monde étaient limités à léguer quelques milliards à leurs enfants, puis obligés par la loi à en remettre une partie dans les fonds publics. Évidemment, ça ne fonctionnera jamais. L’opposition à de telles mesures serait virulente. Pourtant, je ne cesse d’imaginer un riche vieillard, se battant en cour pour léguer son immense fortune à ses propres enfants. Et je vois le juge dire: « Monsieur, à quoi vous servira cet argent quand vous serez mort? Vos enfants ne seront-ils pas à l’aise pour vivre avec quelques milliards? Décrivez-moi leurs besoins réels et en quoi ils sont lésés par le fait de léguer le reste de votre héritage à la société. »
Bon, ok. C’est peut-être pas réaliste, mais reste que pour moi, ça sonne comme une piste de solution. Ça va dans le sens du débat fondamental des derniers jours… c’est quoi au juste, une juste part?
On a de la misère à se débarrasser de la monarchie, je verrais pas comment ça pourrait arriver dans le concret!!!
😉
Je ne suis vraiment pas d’accord avec ça, si un père de famille a travaillé toute sa vie et qu’ensuite il a la capacité de faire vivre décemment ses enfants, je ne vois pas pourquoi la société en bénéficierait. Si les gens manquent d’argent, ils n’ont qu’à aller travailler, pas profiter du travail des autres ! Désolée mais la vie est comme ça et c’est parfait, le contraire serait de l’injustice.
Admettons que ce même père de famille a tellement d’argent, que ses enfants, en fait, vivent de manière indécente sans jamais avoir eu à lever le petit doigt. Vous trouvez cela équitable?
Je vais dire une connerie!
Si ce même père de famille a une entreprise et avec l’aide d’employés, a réussi à se constituer une belle petite fortune… n’a t-il pas profité du travail de ces derniers?
Faudrait que les dividendes et les gains en capitaux redeviennent imposables à 100 %, et concernant les héritages qu’ils deviennent imposables passé un certain montant. Autrement dit, tous les revenus, d’où qu’ils viennent…
Marxiste, sortez de ce corps! Extrait du manifeste du parti communiste – partie II, Prolétaires et communistes – 3ième point (et, juste pour rire, lisez aussi le 10ième point) :
«Cependant, pour les pays les plus avancés, les mesures suivantes pourront assez généralement être mises en application :
1- Expropriation de la propriété foncière et affectation de la rente foncière aux dépenses de l’Etat.
2 – Impôt fortement progressif.
3 – Abolition de l’héritage.
4 – Confiscation des biens de tous les émigrés et rebelles.
5 – Centralisation du crédit entre les mains de l’Etat, au moyen d’une banque nationale, dont le capital appartiendra à l’Etat et qui jouira d’un monopole exclusif.
6 – Centralisation entre les mains de l’Etat de tous les moyens de transport.
7 – Multiplication des manufactures nationales et des instruments de production; défrichement des terrains incultes et amélioration des terres cultivées, d’après un plan d’ensemble.
8 – Travail obligatoire pour tous; organisation d’armées industrielles, particulièrement pour l’agriculture.
9 – Combinaison du travail agricole et du travail industriel; mesures tendant à faire graduellement disparaître la distinction entre la ville et la campagne.
10 – Education publique et gratuite de tous les enfants. Abolition du travail des enfants dans les fabriques tel qu’il est pratiqué aujourd’hui. Combinaison de l’éducation avec la production matérielle, etc.»
Je découvre avec stupéfaction l’existence de ton blog. Décidément, l’Empire Voir est sans limite. Mais plus sérieusement, cette idée est fort intéressante et les économistes (que je suis, contrairement à toi) l’ont étudiée. La plupart d’entre eux réfutent l’idée de ton chum. Mais certains (fort sérieux, avec une cravate et le prix Nobel, pis toutte), comme Maurice Allais, ont remis sérieusement en question l’idée même de patrimoine hérité, mais, surtout, de patrimoine inactif. La «mort du rentier» qu’appelait un autre grand économiste, JM Keynes en 1932. Bref. J’écrirai un mot là-dessus, mais merci de cette jolie note qui me démontre encore une fois qu’on ne doit pas laisser la réflexion économique aux mains de mes confrères et moi.
Merci infiniment pour cette réponse plus que pertinente. Je me suis lancée sur le terrain économie (ouf!) comme certains se lancent sur le terrain des arts visuels… Bien hâte de lire la suite!
J’ai écrit ça en ne sachant pas que tu tenais une chronique sur les arts visuels…. j’espère que tu n’as pas mal interprété. Je ne parlais pas de toi, mais de tous ceux qui essaient de comprendre ce truc qui est pour eux aussi nébuleux que l’économie pour moi.
« À bas l’héritage » à été un temps un mot d’ordre anar.
Il existait jadis (avant la « révolution néo-libérale des années 80) quelque chose qui s’appelait « l’impôt sur la succession » qui visait justement à ramasser le gros de cet excédent.
Cet « impôt sur la mort » comme l’appelait les reaganiens, a été aboli parce qu’ils trouvaient que les très, très, très riches, payaient déjà leur « juste part » en dépensant leur argent dans l’économie.