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La langue épaisse

Quand on a le foie engorgé, après une soirée bien arrosée par exemple, on se sent un peu la langue épaisse. Et quand on a la bonne foi engorgée par une crise qui dégénère, on a trop souvent, aussi, la langue épaisse.

La liste des raisons pour s’indigner est longue. Ce qui était au départ un confilt étudiant est devenu une crise sociale sans précédant. Mais une chose me sidère. Le ton des échanges monte et le vocabulaire utilisé par tous se dégrade à vue d’oeil. De quoi faire revenir le gouvernement sur ses mauvaises décisions, et offrir un cours de mise à niveau pour tous. Les gens sont animés d’une colère, d’un côté comme de l’autre, qui devient difficile à supporter et qui contredit dans sa forme tout ce dont nous nous réclamons comme société. Je n’en peux plus d’entendre l’utilisation d’injures et de sacres, tant au niveau des manifestants que des gens écoeurés d’en entendre parler ou qui se disent pris en otage. Les nouvelles c’est pas un show de variété, ok?

La tension est palpable et la colère s’exprime avec plus de bassesse et de stupidité que jamais. Les réseaux sociaux sont le théâtre de dérapages humains et d’une paranoïa qui font pitié à voir. S’attaquer à des individus pour les discréditer avec méchanceté est en train de devenir monnaie courante. Je pense à « Sargent Pepper 728 », par exemple. Son comportement n’a pas été exemplaire. Elle aura sans doute à répondre de ses actes, si la campagne de salissage dont elle fait l’objet ne l’a pas encore fait basculer dans la dépression nerveuse. Aurait-elle simplement réagi exagérément, écoeurée de se faire traiter de vache, de chienne ou de truie? Je pense à Gabriel Nadeau-Dubois, aussi. Ou le très articulé Léo Bureau-Blouin, qu’on a affublé du surnom de schtroumpf-à-lunettes et autres sobriquets ridicules. Ainsi qu’à tous ceux qui ont assumé une tribune sur l’autel du sacrifice public. À chaque jour et de manière croissante, j’entends des gens scander des insanités à tout vent, au nom de la démocratie et de la sacro-sainte liberté d’expression. Il faut arrêter de faire porter à des individus le fadreau de la colère. Se pourrait-il qu’on soit un peu plus brillants et qu’on arrête de pointer du doigt? Votre mère ne vous a jamais dit que ce n’est pas poli? On peut-tu arrêter d’écrire partout câlisse de loi, pis osti de grosse manif? Le monde entier a les yeux rivés sur nous. Laissons donc notre gouvernement prouver son incompétence tout seul. Pas besoin d’en rajouter. Il a très bien démontré son mépris et son incapacité à gérer une crise, alors pas besoin d’user de grossière indécence pour le discréditer, et de discréditer notre mouvement social par le même geste.

Il y a peu de temps, la société en entier dénonçait avec virulence ce que nous avons nommé communément intimidation. Les gens dans la rue réclament liberté, respect et écoute. S’cusez de vous déranger, on essaie de changer le monde, que j’ai lu. Respect des droits et libertés fondamentales sont réclamés à grands coups de tabarnak. C’est crédible et beau, quand on essaie de porter un message d’espoir. Serait-ce donc si difficile de garder un peu la tête froide, et d’agir en conséquence du message qu’on essaie de porter? Devons-nous à tout prix nourrir l’image de la bêtise humaine?

Au nom de la fierté que nous avons d’être québécois, au nom de cette langue que nous chérissons et qui possède tant de mots et de synonymes pour exprimer nos émotions, nos idées et notre pensée, réfléchissez donc avant de traiter les autres de trous-de-cul. Ça fait de la peine au p’tit Jésus.