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Culture et banc de neige

C’est bien connu, les vrais beaux bancs de neige sont sculptés par le vent.

Je ne parle pas de ces amas éparses en ville, résultats de l’activité des souffleuses ou des pelles. Je pense plutôt aux vraies congères des campagnes.

Je marchais hier soir avec le chien et je pensais au manque de culture générale qu’on attribue souvent aux jeunes. L’école serait en cause, elle n’en ferait pas assez. D’autres pensent que ça part des familles.

C’est bien possible.

Je m’étais présenté dans un Cégep plus tôt dans la journée dans le contexte d’un mandat sur lequel je travaille et pendant ma marche en soirée, le cliché entendu encore une fois m’est revenu en mémoire : « Tu reviens du Cégep… et puis, toujours aussi cultivés nos jeunes du collégial ? »

« Les cours ne sont pas encore recommencés », que je me suis empressé de répondre. « Je n’ai croisé que des adultes bien reposés. Mais ils se préparaient à les accueillir les jeunes pour leur en donner de la culture! »

Je suis rapidement passé à autre chose en après-midi, mais hier soir en regardant la neige et le vent, je me suis mis à jouer avec les idées en lançant des boules de neige à mon chien qui aime bien courir pour rien…

Et si nous étions comme dans cette rue que je marche ce soir avec les jeunes dans nos écoles ? Et si nous ne laissions pas assez travailler le vent ?

Nous avons peut-être trop tendance à former des consommateurs de culture, à souffler notre matière première en pensant que nos produits culturels vont changer les jeunes à force de leurs être présentés ?

En pelletant les livres, les films, la musique, le théâtre, la science et nos façons d’être et de vivre sur le parterre de nos agoras de jeunes, on n’obtient peut-être que ce qu’on mérite : des jeunes passifs qui en ont marre qu’on les gaves de culture ?

Un peu plus tard en soirée, au hasard d’une promenade sur Internet cette fois, je tombe sur ce passage en voulant relire sur le thème de la résilience :

« La culture créative est un liant social qui donne espoir aux épreuves de l’existence, alors que la culture passive est une distraction qui fait passer le temps, mais ne résout rien. Pour que la culture offre des tuteurs de resilience, il faut engendrer des acteurs bien plus que des spectateurs. »
Boris Cyrulnik, Les vilains petits canards, Odile Jacob, 200

Je repense tout à coup à cette rencontre que j’animais en juin 2010 sur les thèmes des arts et de l’éducation et je me rappelle jusqu’à quel point le rôle de passeur culturel avait été au centre de nos préoccupations. On ne passe pas de la culture en cultivant la passivité…

« Un passeur culturel est à la fois un intermédiaire, un éveilleur, un accompagnateur et un modèle. Intermédiaire, il permet l’accès à de nouvelles rives culturelles et artistiques; éveilleur, il incite à l’appréciation, à l’appropriation et à la création artistiques; accompagnateur, il met en oeuvre des moyens efficaces pour encourager et soutenir la démarche artistique des adultes et des jeunes; modèle, il est un participant actif à la vie culturelle et artistique (source) .»

Les bancs de neige, plus beau beaux ils sont, plus le vent a travaillé fort.

Les vraies « belles gangs » de jeunes sont sculptées dans l’action.

Il y en a davantage qu’on veut bien le voir des jeunes en mouvement, dans nos Cégeps autant que dans nos autres milieux scolaires. Probablement pas assez, mais il n’en tient qu’à nous de les porter vers l’action.

Suffit peut-être juste de respecter un peu plus la force du vent, de la culture, puis de cesser de pelleter et de souffler sous prétexte que les jeunes s’en porteront mieux ainsi. On pense déblayer le passage pour eux, mais on l’embourbe plus souvent qu’autrement.

Je me suis couché en réalisant que les vrais beaux bancs de neige sont drôlement inspirants…

Simon Brault a déjà écrit que « La culture est une arme de construction massive ». Il ne pensais jamais si bien dire cet hiver!