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Brosser le tableau

Il a abondamment été question des Tableaux Blancs Interactifs (TBI) hier et je crois important de revenir sur le sujet ce matin parce que tout n’a pas été dit.

Depuis que j’ai écrit ce billet ici au Voir sur les outils numériques d’un enseignant, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. J’ai été contacté par Vincent Marissal et André Noël de La Presse et je leur ai offert ma collaboration la plus entière, convaincu que des choses étranges se passent actuellement au niveau de certaines décisions gouvernementales liées au numérique.

En décembre dernier, on apprend via un journaliste du Soleil de Québec que l’Assemblée nationale est allée de l’avant avec un appel d’offres, exclusivement réservé à Microsoft, pour équiper tous les députés et leur personnel, contournant une loi (à tout le moins l’esprit de la loi #133) qui vient juste d’être adoptée .

Au début de l’année 2012, on réalise que pour se prévaloir de la mesure 50680 des règles budgétaires des commissions scolaires, il faut absolument faire affaires avec le Centre de services partagés du Québec (CSPQ) pour l’acquisition des ordinateurs portables et avec, soit le CSPQ ou le Centre collégial de services regroupés (CCSR), pour l’acquisition de TBI.

On constate ainsi que ni le professeur, ni l’école, ni la commission scolaire n’a de réelle prise sur le type de matériel à utiliser s’il veut se prévaloir de la mesure qui prétend mener à la « classe branchée ».

C’est dans ces circonstances hier que Josée Bouchard (Présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec) a du expliquer que « C’est vraiment le Conseil du Trésor qui choisit, et nous, on n’a aucune idée de qui il va choisir ».

Dans les derniers jours, je me suis donc demandé pourquoi est-ce que plusieurs décisions favorisaient systématiquement deux entreprises, Microsoft et SMART Technologies et les articles de La Presse d’hier matin (1, 2, 3) ont fourni une hypothèse plausible : un ex-membre du cabinet de premier ministre a obtenu en février 2011 le mandat de faire du lobbying pour Smart Technologies et Microsoft.

J’ai eu l’occasion hier sur LCN à l’émission « Franchement Martineau » et au micro de Benoît Dutrizac d’expliquer en quoi il faut être très prudent sur les résultats à anticiper du choix des TBI en tant que levier au niveau des apprentissages dans le contexte du nécessaire virage numérique à prendre au Québec. Bien évidemment, la question du choix spécifique du SMART board pose aussi problème.

Hier j’ai été surpris d’apprendre que la ministre de l’Éducation maintenait sa ligne de communication à l’effet qu’il n’y aurait aucun favoritisme à l’égard de Smart Technologies. Sur le site même du CCSR il est écrit en toutes lettres que pour la cinquantaine de C.S. ayant écarté le CSPQ (incapables de savoir quel produit leur aurait été livré), seul le TBI de SMART Technologies est disponible (ajout du 6 mars: On mentionne aussi Dell et je croyais que ce n’était que pour les ordinateurs et les projecteurs, mais on me confirme que le TBI eInstruction de Dell est aussi disponible).

Le gouvernement a prévu 240 millions de dollars sur cinq ans, faisant le pari que des objets technologiques (ordinateurs pour le prof et TBI pour les élèves) auraient la capacité d’induire un virage numérique dans les classes du Québec. En plus, on comprend que c’est telle marque de produit qui doit faire ce travail…

Quel manque de sensibilité pour un enjeu si important que celui des apprentissages des élèves et de l’autonomie professionnelle des enseignants.

Quel manque de vision pour les écoles du Québec qui peinent à se doter d’une autonomie qui leur serait nécessaire pour actualiser leur projet éducatif à la réalité du 21e siècle.

Parions que nous ne sommes pas au bout de nos peines…

Mise à jour du 5 mars : Éditorial de Marie-Andrée Chouinard au Devoir sur le sujet, « Tableaux blancs intelligents – Mesure 50680 ».