« Mon ami Ezra Levant, qui depuis deux jours soulève l’hypothèse de l’éco-terrorisme, aurait-il raison? »
– Éric Duhaime, sur sa page Facebook, 10 juillet 2013
D’emblée, on ne peut reprocher au gourou de la droite pseudo-libertarienne québécoise de manquer de cohérence – Éric Duhaime a souvent défendu les idées de la cheerleader albertaine du Parti Conservateur qui agite aujourd’hui ses pompons bleu foncé et sa perruque orange – celle qu’il avait enfilé quelques jours après la mort de Jack Layton – sur la moribonde chaîne Sun News. On peut par contre lui en vouloir d’accélérer le nivellement par le bas médiatique qu’il dénonce lui-même en reprochant notamment à Radio-Canada de « faire de la propagande gauchiste et syndicaliste », le tout avec une voix haletante, affolée.
Une tactique efficace que de sembler apeuré lorsqu’on vomit sa démagogie – efficacité démontrée par la horde de disciples qui s’abreuvent de ses paroles comme d’une gigantesque fontaine de Coors Light. The Silver Bullet…Anti-syndical/état/médias.
Est-il alors peu surprenant d’entendre Duhaime et sa coanimatrice, Caroline « pas de bécyk devant ma maison sur Côte-Sainte-Catherine, siouplait » Proulx, fustiger une représentante syndicale qui a souligné que les lacunes de sécurité suite à une déréglementation massive dans le secteur des transports pouvaient avoir joué un rôle dans le drame de Lac-Mégantic? Il faut avoir la mémoire courte pour oser accuser quiconque de vouloir récupérer cette affligeante tragédie qui s’inscrit en lettres de feu dans le grand livre de l’histoire du Québec à des fins politiques et idéologiques une semaine à peine après avoir soutenu une thèse qui, jusqu’à ce qu’elle devienne plausible à la lumière d’une enquête approfondie et rigoureuse, appartient davantage au domaine des porteurs de chapeaux en papier alu que digne d’une radio qui se veut « professionnelle ».
Accuser des « éco-terroristes » d’avoir perpétré un acte de sabotage alors que le seul ayant évoqué cette thèse possède la crédibilité de quelqu’un qui se fait depuis près d’un an le porte-étendard du « pétrole éthique », ce concept aussi vaseux que la source de pétrole qu’il cherche à promouvoir? Cela n’attise-t-elle pas chez vos auditeurs/disciples, monsieur l’animateur-propagandiste, non seulement la peur des environnementalistes, mais aussi la haine envers les « enverdeurs », ce terme que vous semblez prononcer chaque fois avec un ton mi-fier, mi-orgasmique? Dans un univers parallèle où les lois de la logique et de la physique étaient inversées, votre Réseau Liberté-Québec touchait les rennes du pouvoir, serait-il un crime passible de peine maximale que de demander aux dirigeants d’entreprises polluantes et énergivores de soigner l’environnement dans lequel non seulement nos enfants vivront après nous, mais également les leurs? À moins, bien sûr, que les plans d’un tore de Stanford, comme celui du film Elysium aient déjà été secrètement dévoilés aux privilégiés, une classe dont vous et votre groupe faites l’apologie. Est-ce un crime de penser qu’on ne peut sacrifier l’habitat qui nous maintient en vie au nom de l’économie à tout prix? « Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l’argent ne se mange pas », dit le proverbe autochtone.
Une rhétorique du vide digne des simagrées de Glenn Beck, ce commentateur américain qui, durant son émission sur les ondes de Fox News, terrorisait ses téléspectateurs à propos de l’éventuel apocalypse économique à grands coups de craie sur son tableau noir et qu’on voyait, durant la pause publicitaire, leur vendre les services de Goldline. Goldline est une compagnie qui cherchait à convaincre les masses effrayées d’acheter de l’or, seul devise stable devant l’effondrement annoncé du dollar, en citant un vaste complot impliquant Barack Obama qui, selon elle et Beck, confisquerait inévitablement l’or des citoyens américains, s’appuyant sur un autre complot datant de 1933 où Roosevelt aurait fait, selon eux, la même chose. Depuis, Goldline a dû faire face à la justice pour fraude et, en février 2012, a été condamnée à rembourser 4,5 millions de dollars à ses clients.
Un monstre médiatique qui, en février 2009, comparait l’enseignement sur les changements climatiques à l’endoctrinement dans les jeunesses hitlériennes. Aujourd’hui, ce conspirationniste néanmoins assez charismatique pour avoir des millions de fervent auditeurs, opère son propre mini-empire médiatique avec TheBlaze TV et son émission de radio diffusée en « syndication » et troisième derrière deux autres chantres de la rigueur intellectuelle, Rush « si mes impôts financent la contraception, je dois pouvoir mater les femmes qui baisent » Limbaugh et Sean « Halloween est une fête gauchiste, on apprend à nos enfants à obtenir des bonbons gratuitement » Hannity.
Éric Duhaime se rend coupable du même délit en cherchant à attiser la peur, ici via un complot jusqu’ici inexistant tout en y insérant son message pro-déréglementation et anti-environnement, et en y associant périodiquement une promo pour son think thank. Comme Beck, au bout de sa rhétorique, il a un produit à vendre, résumant l’exercice, somme toute, à un vulgaire pitch.
La liberté d’expression est, comme l’environnement, fragile et il faut la chérir et non la spolier. Pour reprendre les mots de son amie Joanne Marcotte, « Enough is enough ».
Duhaime est un spécialiste des « théories du complot », mais toujours des complots « gauchistes », « écolo » et tout ce qui s’apparentent plus ou moins à des progressistes.
C’est lui qui avait lancé « l’agenda caché islamiste » d’Amir Khadir. Comme le soi-disant « programme » de Québec Solidaire qui, selon lui, voulait interdire l’automobile partout au Québec et fermé de force tous les centres d’achat.
Sans compter les éternels « complots » des scientifiques pour ruiner les pauvres pétrolières qui n’ont pas assez de moyens pour se défendre contre le « mythe » des changements climatiques.
En fait, si on retire les insultes et les « complots » qu’il est le seul (ou presque) à voir, il ne reste pas grand-chose de ses propos. A part des camions d’auto-congratulation sur son « génie » et celui de ses « amis opprimés ».
Le propagandiste de cette pauvre droite qui malmené par la vie dépourvu de moyen face a une horde de barbares « le peuple »qui veulent détruire les assises tellement fragiles de ses pauvres financiers,banquiers,industriels et autres dépourvus de ce monde.Honte a nous de vouloir notre mieux être.Duhaime et son élitisme de la compassion humaine sont tellement empreint de franchise,conscience sociale et de rectitude que l’on y crois comme le ROC nous aimes profondément.
« .. s’appuyant sur un autre complot datant de 1933 où Roosevelt **aurait fait**, selon eux, la même chose. » C’est pas « aurait fait », c’est « il a fait ».
Wiki : « L’Executive Order 6102 est un ordre exécutif signé le 5 avril 1933 par le président Franklin D. Roosevelt dans le cadre de sa politique de New Deal. En pleine Grande Dépression, le gouvernement exigea ainsi par cette loi la restitution de l’ensemble de l’or détenu par des particuliers. La loi interdisait ainsi la détention de pièces d’or, de lingots d’or, et de certificats ou titres rattachés à de l’or. Les particuliers étaient ainsi censés restituer leurs biens en or à la Réserve fédérale pour ou avant le 1er mai 1933. Les contrevenants à la mesure pouvaient se voir infliger des peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison et une amende 10 000 dollars de l’époque. »
Évidemment les pouvoirs ont préparé la chose à plusieurs et pas sur la place publique, sinon les gens auraient eu plus de temps pour cacher leur or. Il y a donc eu (hè! omaïgode!) (oserai-je le dire) (hum) (oui) : conspiration. C’est d’même qu’ça s’appelle.
Plusieurs ont évidemment gardé leur or. Mais s’ils se faisaient prendre, c’était la prison ou l’amende ou les deux — et la confiscation de l’or. Les bijoutiers et d’autres corps de métiers semblables avaient le droit d’en acquérir ou d’en garder mais c’était contrôlé.
Remarque : c’est pas parce que quelqu’un gueule et exagère parfois ou souvent que les faits, eux, n’existent pas. Ne faites pas comme Beck 🙂
« Complot », par définition, n’implique pas nécessairement que telle ou telle chose n’existe pas.
L’ordre exécutif 6102 est beaucoup plus nuancé que vous l’entendez. Il prévoyait plusieurs d’exceptions, se limitait aux pièces, lingots et certificats et prévoyait un dédommagement pour les citoyens en échange de leur or.
Plus un « rachat obligatoire » qu’une saisie. Beck, en revanche, ne fait pas cette nuance dans son discours, d’autant qu’il scande le tout en tant que communicateur/informateur sur une chaîne d’informations dans le cadre d’une émission d’information. Le fait qu’il ait été porte-parole d’une compagnie qui profitait de son discours le discrédite.
Vous m’accusez de faire comme Beck? Allons, soyons sérieux. La seule chose dont j’ai pu me rendre coupable ici est de n’avoir pas évoqué et détaillé le contenu de l’ordre 6201. Je me rachète ici : http://www.presidency.ucsb.edu/ws/?pid=14611
re Roosevelt, l’ordre 6201 : « Plus un « rachat obligatoire » qu’une saisie.. » .. Sous peine d’amende ou de prison, avec du nonobstant et des exceptions à la clé comme c’est souvent le cas dans les lois, tel que mentionné dans le commentaire. (La Loi d’habilitation nazie de mars 33, la loi dite des **pleins** pouvoirs, contenait aussi des **exceptions** — c’est très souvent le cas dans ce genre de loi, surtout les pires, parce qu’elle sont fondamentalement abusives ou inégalitaires et doivent soustraire à la loi certaines catégories et certains pouvoirs. Dans le cas de 6201, il fallait exempter les bijoutiers – tout en les contrôlant pour retracer les achats, les ventes, etc. Le pouvoir courait après l’or et le saisissait ou le raclait partout où il pouvait.)
Non non, je ne vous accuse pas de faire comme Beck 🙂 En tout cas, c’était pas mon intention.
Je ne défends pas l’ordre – bien mal m’en prendrait.
Je voulais simplement y apporter une nuance. Les temps de crise sont extrêmement dangereux pour la liberté à cause de la tentation du totalitarisme – une leçon de l’Histoire que nous nous refusons à retenir comme société en laissant à nos dirigeants les clés de nos destins en oubliant d’y attacher une corde aussi courte que salvatrice.
Le tout sans rancune – j’accueille d’un oeil bienveillant les appels à plus de rigueur (bien que j’estime que mon billet, dans son ensemble, demeure assez honnête).
Votre réponse : « Les temps de crise sont extrêmement dangereux pour la liberté à cause de la tentation du totalitarisme.. » etc.
Pratiquement tout (il n’y a pas de phénomène à 100%) ce que vous dites dans ce commentaire, ma foi, j’aurais pu le signer .. Je partage cette préoccupation depuis longtemps et les signes des démagogies montantes abondent. « Dire straits. »
Le tout sans rancune, ça va de soi, dès le départ. À bientôt )