Revenons très brièvement sur la question de la hausse des frais de scolarité, si vous le voulez bien.
Depuis la parution de mon dernier billet, je me suis buté à un autre argument redondant de la part du camp en faveur de la hausse des frais de scolarité. Grosso modo, on dit que cette augmentation permettra la bonification du programme de prêts et bourses et que, par conséquent, on ne nuira pas à l’accessibilité aux études supérieures.
À ce propos, il y a quelques jours, Raymond Bachand soulignait dans la Presse qu’un diplômé universitaire gagnera dans sa carrière au-delà de 200 000$ de plus qu’un travailleur qui a un diplôme d’études secondaires, avant d’ajouter que s’il paie 15% ou 16% de son éducation, c’est une simple question de justice sociale.
J’ai comme l’impression qu’on oublie que l’université n’est pas fréquentée que par des jeunots de 21 ans qui habitent dans le sous-sol de leurs parents. Il suffit de se rendre dans une salle de cours en soirée pour rencontrer plusieurs mères de famille qui, afin de mieux gagner leur vie, ont effectué un retour aux études à temps partiel, tout en travaillant le jour.
Ça prend un sacré courage!
Or, pensez-vous qu’elles sont éligibles au régime de prêts et bourses d’études, ces mères de famille? Non.
Même si elles auront éventuellement plus de moyens, pour l’instant, ce n’est pas le cas. Et si elles ne paient pas leur facture, l’université ne leur permettra pas de se réinscrire pour la session suivante. L’argent qu’elles gagneront lorsqu’elles accéderont à des postes mieux rémunérés, elles ne l’ont pas pour l’instant. En revanche, lorsque ce sera le cas, elles paieront évidemment plus d’impôt pour que, comme elles, les enfants du voisin puissent accéder à des études supérieures.
L’accessibilité, ce n’est pas uniquement une question de prêts et bourses. C’est aussi pouvoir étudier tout en travaillant et en subvenant aux besoins de sa famille.
Et c’est sans compter que le salaire des femmes diplômées est moindre que celui des hommes. (Voir à ce sujet le tableau en page 8 de ce rapport : http://www.cirano.qc.ca/icirano/public/pdf/webevents201009_etat_de_la_situation.pdf)
Le salaire d’une femme ayant un baccalauréat est sensiblement le même que celui d’un homme ayant un DEC.
Je que je sens, en fait, en lisant sur ce débat de la « nécessité de la hausse » et de son « immense justice » (des frais de scolarité bas étant semble-t-il « profondément injustes »), c’est deux choses.
1) Du côté des chantres néo-libéraux (Charest, Bachand, Institut économique de Montréal (organe de propagande de Power Corp), Chambre de commerce du Montréal métropolitain, etc.), l’attitude des « riches et puissants » face à la « concurrence » d’une certaine classe moyenne: « Qu’est-ce qu’ils viennent faire à nous voler nos diplômes et nos emplois payants ? Qu’ils restent à leur place: ils sont et doivent rester nos subalternes »
On assistait à la même chose de la part de l’aristocratie vers la fin de l’ancien régime: Une pléthore de mesures pour conserver leur chasse-gardée.
2) Pour rendre populaire des mesures visant essentiellement à maintenir les classe sociale au pouvoir, ils se rallient ceux qui ne seront pas directement affectés, essentiellement ceux qui n’ont pas de diplômes universitaires et n’envisagent pas un retour aux études. En jouant sur la jalousie: Vous n’avez pas un bon salaire, des conditions de travail décentes, ni même un emploi gratifiant ? Pourquoi est-ce que des jeunes pourraient espérer eux en avoir plus tard grâce à leurs études ? Quelle injustice ? Pourquoi d’autres auraient une vie agréable quand vous avez trimé toute votre vie dans un emploi dévalorisant par manque d’études ?
Il faut leur faire payer. Le plus possible.
Et oui… et c’est pas comme si ça prenait la tête à Papineau pour comprendre que leurs études, les étudiant-e-s les paient APRÈS, AVEC LEURS IMPÔTS (en effet, lorsqu’ils-elles auront ces plus gros revenus grâce à leurs diplômes, et non pendant, sous forme de frais de scolarité, ce qui EXCLUT ceux qui n’ont pas de parents riches ou accès à du crédit). En fait, le coût de leurs études, ils et elles le paieront plusieurs fois en impôts durant toute leur vie… Sans compter qu’ils-elles coûtent moins cher à l’État (donc à tous les contribuables) en services sociaux. Alors leur part, comme dit Bachand (et autres pro-hausse), ils et elles la font amplement!
Du reste, voir ceci, qui est fort éclairant : http://www.iris-recherche.qc.ca/publications/faut-il_vraiment_augmenter_les_frais_de_scolarite