C’est le cœur plein d’appréhension et la couenne sur le 220 qu’on s’est pointé au P’tit Chicago samedi passé. En tournant le coin sur le trottoir en face, on a senti les grandes vitrines vibrer au son de la bass qui les frappait déjà sans ménager. Quand la porte s’est ouverte, la vague brûlante a roulé sur le tapis et nous a frappés en pleine gueule. La place brûlait. On s’est garoché d’dans.
On s’est faufilé à travers la crowd au son d’Eldorado. Une gang de boys de Gatineau qui roule leur bosse dans le coin depuis bientôt 5 ans. Ils crachent leur rock sans une once d’hésitation. C’est franc, du rock pur, avec une couple de grains de poussières qui restent collés sur les gencives. Un Cady déglingué qui chire dans l’sable sans jamais penser à lâcher le gaz. Pour chauffer, ça chauffe.
Puis, lentement, doucement, sans un son, arrivèrent sur la scène trois cowboys noirs, le visage voilé, à mi-chemin entre des prêtres sataniques et des mariachis le jour du carnaval. Un à la guitare, l’autre au clavier, le troisième debout derrière un drum épuré. We are Wolves plantés devant l’éternel. Ce soir, nous sommes tous des loups.
Le rythme est lourd, les dos se cambrent, les bottes écrasent le dancefloor et les coudes volent haut. C’est de l’électro sans fioritures ni paillettes. De l’électro sale et agressif qui cherche le trouble. C’est le punk qui prend ce que la musique est devenue qui lui liche la face pis qui crisse un coup de pied d’dans.
Ma tête s’y balance mollement, les lèvres entrouvertes, les yeux dans le vide. La bave, la sueur, la bière dans les cheveux. Le sentiment que le monde est plate à chier et que la seule vérité est dans cette salle pleine d’une jeunesse perdue qui se bouscule pour se sentir vivre. Dehors, la ville est brune, on entend les citadins se masturber en chœur, chacun dans sa p’tite chaumière alignée. Ici, en frôlant un bras humide, en s’écrasant l’épaule contre celle du voisin, on touche un brin d’humanité, une nature de bête qui veut vivre même emmurée. Et on hurle, les yeux aveuglés par un flash écarlate. On fige puis resaute dans l’tas sur un breakdown dynamite.
Entre les riffs destructeurs, il y a aussi des pauses plus méditatives, des pauses à l’eau de rose, des bouffées de parfum d’éther qui nous font sortir la tête de l’eau. Des élans New Wave, des beats en boucles assommoirs et la voix du guitariste-bassiste-chanteur Alexander Ortiz qui gémit, puis rugit et ça explose encore.
Ortiz c’est la rage. Les pieds plantés, son corps s’amuse clairement, mais ses yeux exorbités sont ceux que je dessinerais à un mass murderer la gueule collée contre les tiges d’acier de sa cellule. Son trop-plein on le reçoit en pleine face. Vincent Lévesque aux synthés, c’est le son. Les bras tendus sur ses machines, il allonge toute la fondation ondulante et le rythme qui cimente chacune des pièces et Pierre-Luc Bégin, le nouveau drummer (ex-membre du trio psycho-plage Polipe), c’est la liberté. Avec sa gueule d’envolé, comme si Bowie et Sid Vicious avaient pu enfanter, en bédaine avec son foulard de dentelle. On sent tout l’abandon d’une génération désabusée dans le reflet de ses pupilles vitreuses.
À la fermeture, il était impensable que cette soirée puisse finir un jour. Pleins à rabord, on a sauté dans la nuit comme une meute et foncé tous crocs dehors vers ce qui restait de nos vies. Jusqu’à l’aube…évidemment magique.
Ils vont être à La Taverne de St-Casimir le 29 mars et au Club Soda le 2 mai.