L’escalier qui y mène est sale et délabré. La porte d’entrée est tellement quelconque qu’à chaque fois je passe tout droit et me r’trouve dans un genre de débarras/loge encombré sous le plafond bas du troisième plancher. En redescendant à l’étage du dessous, la porte vole devant moi et passe à 3 pouces de mon menton. Un couple de punks éméchés plonge en dehors du Deckuf bras dessus bras dessous, se laissant dévaler en r’bondissant d’un mur de la cage d’escalier à l’autre, cinq marches à la fois, les chevilles molles. Bienvenue.
En effet, la place sent le punk, la musique est lourde pis pas propre, ça l’a au plus 100 pieds carrés, des murs de briques sombres, un stage de six pouces dans un coin, un p’tit bar dans l’autre, pis c’est pas mal ça. L’endroit suinte. La faune grind c’est assez rough. Habituellement passablement amicaux, les métalleux qu’il y a ici ont l’air plutôt méchant je dirais, et ils se mélangent à des punks de rue cloutés des pieds à la tête et complètement défoncés. Tout est calme pour le moment mais je peux déjà sentir vibrer le violent moshpit qui gronde dans leurs entrailles. De longues coulisses noires et gluantes dégoulinent lentement le long des coins du plafond. Les lumières s’obscurcissent. Le malin est proche.
Entre deux gorgées, c’est trois quatre coups secs de snare qui nous réveillent. Le quatuor d’aggressive-noise Sombre est prêt à nous tirailler la chansonnette avec le premier show de son histoire et c’est du solide. De la violence sans retenue, des cris qui déchirent, entrecoupés de riffs psychotiques et de glissades tordues et lancinantes à la Deftones. Leur premier démo encore tout chaud vaut vraiment la peine.
Ensuite viennent la bande de World War 4. Ils ont l’air de vieux routiers et sonnent comme des vieux routiers. Du gros trash-metal gras direct sorti des années 80. La construction des tounes : vraiment prévisible, le vocal: glougloutant et monocorde. Les gars jouent du déjà joué mais s’assument j’imagine. Pour amateur de vieux qui aime le remâché.
Bon, là on passe aux choses sérieuses. Le plat de résistance de ce soir c’est Fuck the Facts. On peut sans exagérer placer ce band d’Ottawa/Gatineau dans le rang des grands du Grindcore tous horizons confondus, aussi obscurs soient-ils. Et mon ami, ça sonne en prêtre. Des beats discordants, surprenants. Des riffs tranchants, complexes. C’est du métal rapide et cinglant, sans fioriture aucune, mais une fois le barbelé de la brutalité sonore passé, on y découvre des structures harmoniques expérimentales qui pousse la patente à un autre niveau. Dans le genre, c’est disons rafraîchissant, même si c’est clairement pas le mot qui vient dans la tête du commun des mortels quand il voit ses tympans aussi brutalement assiégés.
Et le plus rafraîchissant dans tout ça, c’est de voir se démener la chanteuse Mel Mongeon. Crisse que ça fesse. Toute menue, une goutte de sueur dégoulinant le long de sa jugulaire à vif, elle gueule avec une hargne que j’ai rarement vue. Au fond de son œil sombre, un éclair de rage viscérale dont on sent la racine s’enfoncer jusqu’au plus profond de son sternum. Ses hurlements, enchevêtrés dans les râles plus crasseux du bassiste Marc Bourgon, portent à la fois toute la cruauté et la souffrance du monde. C’est puissant.
Comme seul un show métal techniquement et artistiquement à point peut le faire, leur prestation nous a laissé le corps encore vibrant, ébranlé par l’assaut. Je mentirais en disant que le presque silence du trottoir ne m’a pas fait de bien. Un grand respire, un demi-sourire, une dose d’endorphine qui monte (j’imagine) et on s’éclipse. Contusionnés mais repus.