Le soleil se couche doucement sur le village. Autour de moi, la foule d’obscurs paraît revigorée par cette obscurité grandissante. Elle se fait plus active, on la sent s’agiter, déterminée à ne pas perdre une miette de la poignée d’heures qui reste encore à ce week-end du Diable qu’on aura d’ors et déjà classé parmi les memorabilis. Étendu dans la terre, j’ai d’la misère. Je viens de me frapper le front sur les limites de ma stratégie de gestion de consommation long terme. Aurais-je atteint le fond? Je rumine. Quand tout à coup, révélation! Je n’ai pas été négligent sur grand chose, mais voilà que vient de m’éclater en pleine face une honteuse lacune dans ma planification. Ça m’apparaît désormais une évidence. Des pommes, une couple de barres tendres…c’est tout? C’était pourtant simple. On pourra aussi nommer ce moment: L’appel de la grosse poutte. Fumante, débordante, ses kilos de saturé ont fondu dans ma gorge dans une symbiose parfaite. Merci mon Bobby! Soirée no.2, emmènes-toi!
Et elle commencera en force avec un nouveau: Méga-défi 2 en 1! Et oui, en fait, c’est l’heure où les membres d’Anonymus ont eu la merveilleuse idée de se réunir avec leur ex-guitariste Marco Calliari, devenu depuis chanteur de charme italien, au moment même où la marraine du Rock n’ roll elle-même, Ms. Joan Jett en personne, est scédulée pour performer avec sa gang de Black Hearts à l’autre bout du site. Aucun autre choix possible là-dessus qu’un solide moitié-moitié. Première phase côté Québec. À l’occasion de son retour aux racines, la gang d’Anonymus nous avait annoncé qu’elle nous gâterait avec du vieux stock et elle a tenu parole. Les violents virtuoses ont repassé un à un leurs succès de la belle époque: du métal sans compromis, dret comme une planche avec le beau Marco qui avait l’air de se péter un méchant fun, plié en deux sur sa guit, à gargoter dans l’mike, à dix mille lieux de la Bella ciao..ça a fait du bien.
Ok Go! Je traverse la foule une nouvelle fois à contre-sens, nageant péniblement dans cette ondulante mer de bras humides et de dangereux bracelets studés. Une fois extirpé, je lève la tête, tend l’oreille les épaules me tombent. Pris par les guts, je remonte l’autre pan du terrain en me dandinant tranquillement. I love Rock n’ Roll..et elle est là, tout de cuir vêtue, la guitare aux genoux. Mme Jett a peut-être pris quelques rides, mais elle est toujours aussi belle. Sexy de par sa force, de par l’autorité qu’elle dégage sur scène. Quelle femme. Quand elle entame I hate myself for loving you en rappel, la foule entière danse et se trémousse en riant. Un beau moment, vraiment.
Mais bon, trêve de sentimentalité, j’ai vraiment pas l’temps et de toute façon, c’est vraiment pas la place. De retour au centre, place à une autre pièce de résistance du festival, voici les as rockeurs Mississaugiens Billy Talent. Et quelle performance ils nous ont balancée. Leur leader Benjamin Kowalewicz est une véritable bombe sur scène. Le pied de micro qui fly, debout sur le speaker à varger de la shoeclack, il ne ménage absolument rien. Et il gueule, il gueule sa vie, en sueur, la jugulaire sur le bord de péter. Son énergie est telle qu’elle nous emporte tous..How the fuck are you doing?..la crowd est en feu, elle claque des mains sans répit, hurle en chœur la liste interminable de succès platine de la formation qui, malgré un son hard et sans compromis, a su percer la chasse gardée des ondes radio depuis maintenant plus d’une décennie au Canada. Ils viennent définitivement de se gagner une place dans les high lights du festivalier, ça y’a pas d’doute.
Grand respire. J’avoue que j’ai abordé le prochain step avec un brin d’hésitation. C’est les punks pas propres The Sainte Catherines qui ont, contre toutes attentes, décidé eux aussi de se réunir pour l’occasion et, honnêtement, je n’ai jamais été un immense fan de la formation. J’ai toujours trouvé que leur rock était franc, mais somme toute, assez peu audacieux et plutôt convenu mais, bon, ils sont là et je m’y laisse traîner assez facilement. Je ne l’ai tellement pas regretté! Des chums qui se retrouvaient, jouaient ensemble avec une passion palpable et des mélodies qui sur scène sont venues prendre tout leur sens. Je les comprenais, sentais leur émotion venir serrer doucement ma gorge et piquer mes yeux de bum. Les yeux fermés, la tête en arrière, le bras autour du cou, c’était profond. Chapeau.
On se retourne. Prochain nom immense sur cette liste qui déjà s’achève : les légendes du grunge, membre en règle du Seattle Big Four, Alice in Chains. On a là des musiciens hors-pair. Ça, ya pas d’doute. Leur son par contre, on le connaît, sombre, mélodique, pas le genre qui t’donne trop trop le goût de faire le party. A vrai dire, j’ai vécu ce show là comme un long intermède, une pause en attendant la suite. Le nouveau chanteur William DuVall fait la job, mais arrive difficilement à nous faire oublier la profonde candeur du regretté Staley. Je n’ai pas été déçu, mais pas surpris non plus. Présence peut-être questionnable en cette heure où cette foule de redoutables en aurait pris un peu plus.
Et ça se poursuit, et une chose est sûre, on ne pourra jamais reprocher à Alex Martel de ne pas faire de fleur aux groupes de che-nous. Et pas n’importe laquelle. Année après année, il leur réserve une place de rêve sur son line-up à travers les vedettes internationales. Ce soir, en contre-partie à ce charmant Danzig, qui, vous me pardonnerez ma subjectivité crasse, m’inspire un dégoût viscéral depuis la saga des droits misfitiens, et qui ne s’est pas racheté ce soir, après avoir fait arracher les kodaks de mes confrères qu’il avait gentiment décidé de ne pas tolérer devant sa scène (dégoûtant personnage). Mais bon, suffit, donc en contre-partie, s’installait un des bands d’ici qui, à mon avis, offre les concerts les plus envoûtants qui soient. Les infatigables stoners de Grimskunk. Et encore une fois ce fut le cas. N’ayant absolument pas un quart de pouce à envier aux superstars les ayant précédés, ils ont livré un set comme eux seuls sont capables de le faire. Un set vivant, dansant, mêlant samba, polka et manouche à un punk rock twisté et inventif. Un show qui, comme à leur habitude, ils ont su emmener au sommet de l’excitation avant de lentement le laisser verser dans les abysses d’une profonde transe psychédélique. Juste wow.
Et finalement, ce sera donc avec le dernier show de Mötley Crüe à jamais dans la belle province que se terminera ce week-end de défoncé. Et on ne s’est pas demandé bien longtemps pourquoi c’était le dernier. C’est triste à dire, mais le bon vieux Mick Mars avait l’air plus que mal en point, on se demandait littéralement comment il arrivait à tenir sur ses pattes. Il est de toute évidence, très amoché. C’est donc la fin inévitable et Nikki Sixx le savait. Ganté, la crinière dorée dans le vent, il avait l’air d’un lutteur qui refuse la défaite, qui chante tout ce qui lui reste, qui chante son âme…émouvant. On attendait quelques fresques, solos ou classiques tournoiements de baguettes du célébrissime drummer Tommy Lee, mais non, rien. Juché sur son perchoir, dans l’obscurité, on s’est même demandé si c’était vraiment lui…C’était touchant mais, à la longue un brin lassant je vais vous l’avouer. Honnêtement, à un moment donné j’pense que la seule chose qui nous retenait c’était l’encore fébrile attente des tout-puissants Girls, girls, girls et Kickstart my heart qui ne sont venu qu’en fermeture, mais ça en a valu la peine.
Et ce fut ainsi que ce démoniaque festival se termina, tout en solo de guitte, en Yeah ! Yeah ! Yeah ! et en bière au ciel.
Fait que c’est ça. Rock on!.. pis bin à l’année prochaine pour le 10ème!
N.B. Avant de vous laisser, je tenais à partager avec vous un des moment-phares de cet édition du festival, que moi aussi j’ai manqué parce que c’était un secret juste trop secret..fait que voici donc, le show acoustique que Tim Armstrong a donné en pleine rue avec ses pots des Interrupters pour la fondation Music 4 Cancer. Simplement magique..Enjoy!