BloguesMax Clark

Down dans les abysses avec Red Mass et The Posterz

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Crédit photo: Cindy Lopez

Il tombait des cordes ce soir là et les grosses gouttes noires éclataient sur le pare-brise. D’épaisses coulisses d’eau s’étalaient en toile sur la vitre et ce n’était pas la danse frénétique des essuie-glaces qui paraissait pouvoir y faire quoi que ce soit. Des entrepôts délabrés, la ferraille, le viaduc, le chemin de fer, le cul-de-sac. Putain, ça peut pas être ici! On arrête la voiture dans le halo vibrant d’un lampadaire sur le point de crever. Coup d’œil à la map. Trois petits coups sur la fenêtre. C’est toi Max? Ok. Ça a l’air qu’on y est.

Après avoir fait voler le reste de sa clope humide dans le caniveau, notre hôte nous entraîne derrière les murs bariolés du building. La pluie qui tombe depuis hier s’est amoncelée en grandes marres brunes qu’on doit franchir en bondissant d’une palette moisie à l’autre. On longe la grille. Des fenêtres barricadées, quelques lueurs oranges, un punk, des chiens. Puis on entre, une quarantaine de personnes s’entassent déjà dans la petite salle sombre. Les murs sont noirs, inondés de courbes blanches et d’affiches d’une autre époque. L’escalier de planches mène à une étroite mezzanine qui fait le tour de la pièce et du haut de laquelle se balancent les bottes de ceux qui s’y sont déjà installés. En dessous, il y a la petite scène où les quatre musiciens qui formeront ce soir Red Mass viennent de finir d’étendre leurs pénates.

Red Mass c’est le projet déjanté du parrain du garage-rock montréalais, Roy «Choyce» Vucino. Un collectif de space-rock psychédélique montréalo-stambouliote à travers lequel il s’entoure d’un nombre incalculable de collaborateurs artistiques dans ce qu’ils qualifient d’une libération de la pensée par l’art, le chaos et le sex magic (!). Ce soir, Roy aura à ses côtés, Hannah Lewis, longiligne jeune femme, les cheveux dans les yeux, le synthé au bout des doigts et la voix haute, le bassiste Phil Caouette et le drummer Jonathan Bigras.

Et Red Mass c’est garage solide, influences beach rock sixties. A la base, des riffs simples, accrocheurs, dansants et une appréciable dose de disto. Et tout d’un coup, au coin d’un couplet, le son s’échappe, part en spirale, s’enfonce et Hannah qui s’écrase sur la scène, les deux mains sur sa machine, torturant les notes sans pitié. Ça déménage.

Légère pause. Les parapluies déglingués s’amoncellent entre le mur de béton et la clôture rouillée contre laquelle je m’adosse. La gifle du vent me saisit, j’ai eu l’impression que ce train de marchandise m’avait frôlé l’épaule. Moins d’un mètre nous sépare, un mètre et la barrière de métal où s’enlacent les feuillages. OK, on rentre. Le 40 oz. qui passe de mains en mains, le gros pétard.

Sur la scène, deux jeunes MCs. Husser et Kris the $pirit, le crest dans l’dos, le capuchon, le mic au poing. Le DJ Joey Sherrett est installé dans la foule, large sourire aux lèvres. Et le beat décolle. C’est lourd ça vient te prendre par en-dessous et la foule qui bounce en grosses vagues. On est venu pour les voir, les poulains de la toujours grandissante écurie montréalaise Heavy Trip, la nouvelle sensation hip hop québécoise, The Posterz. Leurs voix aiguës percutent, elles sortent tout d’un coup, espiègles, hostiles. On s’rappelle les Beasties, Eminem.. Les mots cisaillent, sont raides, rapides, crus. Le trio est gonflé à bloc, prêt à s’envoler.

Leur premier EP Starships and Dark tints s’est hissé au 11ème échelon de la charte hip hop d’iTunes et ils ont 8 belles dates européennes au calendrier de tournée pour l’hiver. Un fœtus qui se débat déjà pour faire sa place. L’accouchement s’annonce grandiose.

Merci de l’invitation. On repassera.