Ce soir j’arpente les ruelles sombres, les dessous de viaducs barbouillés, souillés par la pisse. La nuit est belle, douce. Le tison du mégot virevoltant qui s’éteint en tisant dans la flaque noire, et le bruit sourd du train de marchandise qui frappe la track au-dessus d’ma tête. Escapade dans Hoch’lag.
Au détour de l’entrepôt, les lueurs orange de la belle Ontario. Quand on la remonte, celle-là a du caractère, du vécu. Rien de surfait, juste les cernes profondément tracés de la misère qu’elle a barouetté à travers les années.
Ce soir ça s’passe à l’Atomic Café, quelque part entre le snack bar d’une autre époque et la boutique du collectionneur, avec un beau gros stage dans l’fond. C’est l’endroit idéal qu’a choisi le trio montréalais Videoville pour lancer son album IV, qui se trouve en fait à être le sixième effort de ce fécond groupe post-rock instrumental qui, mine de rien, roule sa belle p’tite bosse en ville depuis un bon 5 ans.
En entrée, les gars ont décidé d’inviter leurs pots de Boma Bango pour nous stretcher un peu le conduit auditif. Boma Bango c’est le projet psychotique de quatre boys qui prennent leur rock et te l’malaxent solide. Ils l’étirent, l’emmènent à gauche et à droite pour en faire sortir des textures longues et riches qui enveloppent et font monter l’émotion telles la bande originale d’un drame allemand, crade et violent. Et dans ces enchevêtrements de riffs porteurs, en crescendo constant, les voix et les échantillonnages éparses se faufilent en coulées caressantes. Un voyage, les deux yeux grand fermés.
Apres avoir démonté les tambours d’un drummer qui ne voulait rien savoir d’arrêter de les matraquer, ils ont laissé le plancher à la pièce de résistance de ce soir, toute chaude encore. Et les membres de Videoville nous l’ont garochée d’un bout à l’autre, sans répit aucun.
Et ça s’enfile assez bien merci. Des tounes construites sur le long, qui s’amplifient, s’agitent et se gonflent jusqu’à devenir de véritables murs de son. Pas d’pitié pour les tympans. Des riffs et des rythmes rapides, un brin beach, un brin emo, street punk dans l’attitude et cool jazz dans la construction. Ils bâtissent des toiles sonores denses qui encore une fois, relèvent de la soundtrack d’un film expérimental et on s’y perd, la tête au rythme du bass drum.
Le tout accompagné de projections vidéos démentes mêlant sitcom des années 80 et films d’action bâtards, sur lesquelles les silhouettes des trois musiciens en transe se découpent. Une proposition artistique entière et assumée, un beau fruit. Disponible en VHS pis tout..oh yes mon homme, la totale.
..et je suis reparti comme j’étais arrivé..les mains dans les poches, le capuchon. Grand corps sombre dont les contours lentement se sont fondu dans l’obscurité de la ville endormie. Bonne nuit.