BloguesMax Clark

London Grammar @ L’Olympia – Seuls ensemble

01212015_jenschenkel_aux_londongrammar_03

Le serpentin de petites têtes s’étiolait, épars, jusqu’au coin de la deuxième ruelle derrière. Ça faisait un bout de temps qu’ils patientaient, un bout de temps qu’ils attendaient leur venue. Et ce soir encore, en file indienne sur les pavés gelés, ils les attendaient.

London Grammar : Jeunes prodiges de la toujours très féconde scène londonienne. Le visage blanc, lisse. Les cheveux sauvages en crinière. La pureté de la jeunesse et de ses émotions à fleur de chair. Un talent qu’on sent si grand qu’ils en ont peine à le contenir, à le monter, en constant déséquilibre dans la houle des cabrements de cet étalon immature.

Pour leur ouvrir la voie, ils avaient emmené avec eux les boys d’Until the Ribbon Breaks. Des adeptes de l’électro-pop qui se sont amusé à remixer tout ce qui se faisait de frais ces dernières années et qui viennent à peine de sortir leur propre galette. Honnêtement: plutôt décevants. Surtout que leur petite bombe Revolution Indifference, réalisée en collaboration avec la sensation rap new-yorkaise Run the Jewels, nous avait solidement mis en appétit. Mais en vain. Le rythme est là, solide, groovy mais l’ensemble est brouillon et ça déboule en hâte sans vraiment être vécu et ça manque cruellement de magie. À retravailler.

London-Grammar-6

La prestation de London Grammar, elle, fut d’une grâce rare. Dominic Major derrière un piano mélancolique, grave, lourd. L’écho des délicates notes de la guitare de Daniel Rothman s’y déposant tout en douceur dans le noir. Et cette voix, puissante, pleine de pleurs, de blessures et de rédemption. La voix forte d’une Hannah Reid en pleine possession de moyens retrouvés, qui nous prend et nous porte, nous enveloppe. Une voix qui impose le silence au pire bavard, qui bouscule les trippes et les presse au fond du coffre.

Par moment, on les a sentis un brin hésitants, un brin insécures. Mais la puissance des pièces qu’ils ont composées ensemble, à l’abri des sifflements et des cris; et la beauté brute de cette voix unique les a portés tout au long, sous le vrombissement d’une foule surexcitée qui a semblé, malgré tout, les prendre un peu de court. La plus bruyante à laquelle ils ont fait face à ce jour, ont-ils dit…de pied ferme elle était, c’est vrai. Et la communion a atteint son paroxysme quand Major s’est installé à la batterie pour tuer la poignante Stay Awake et en toute fin de rappel, pour faire exploser Metal & Dust. Une petite mort.

Et c’est ainsi que c’en fut toute une…toutefois, entre deux lampées, je vais me permettre une rare montée de crème: S’il-te-plaît l’ami, range ton téléphone dans ta poche et écoute le show, pour l’amour… Qu’est-ce que tu filmes au juste? Qui est-ce que tu penses qui va regarder cette vidéo tremblante d’une demi-chanson, au pire son de cacanne? Qui tu penses!? Personne. Personne, sauf toi dans le pire des cas. Toi-même, pour te rappeler une soirée où tu as regardé une artiste incroyable dans un écran de 3 pouces carrés alors qu’elle te livrait sa vie, juste là, devant toi. Et moi j’me rappellerai de ton écran entre mes yeux et les siens.  S’il-te-plaît, arrête de filmer ta vie, fais juste la vivre, tu nuis.

Merci.