Perdu dans les dédales rouges de ce labyrinthe bariolé. Grosse cacanne à la main, je déambule d’un cube à l’autre, hésitant sous le feu des ampoules colorées, ondulant ma route à travers les lambeaux de jeunes hérissées. Elles en sont débordantes. Comme tant de nuits elles l’ont été déjà, cette nuit les Foufs sont bourrées de cette masse d’enragés, de ces êtres qui appartiennent à la race de ceux qui refusent, de ceux qui s’en retirent et osent gueuler qu’ils n’en ont rien à crisser. Ceux qui crachent leur salive jaunasse sur les doigts crochus qui oserait vouloir les redresser. Ceux qui cassent.
En ce glacial crépuscule, la horde s’est agglutinée en son temple pour y recevoir une bande d’anarchistes effrontés qui, avec les années, se sont positionnés comme des leaders du mouvement punk moderne en Amérique, ou du moins du côté de ceux qui crient le plus fort leur dégoût et leur volonté de tout foutre par terre. Anti-Flag. Le nom et tout le reste est sans compromis, aucun. Et ce soir ils sont ici pour célébrer une décennie d’agitations depuis le lancement de leur désormais emblématique Terror State. Ça va brasser.
Pour partir la machine, ils ont remmené avec eux de Pittsburgh, la gang de Worlds Craziest Police Chases. Une bande de baveux qui jouent du punk rock pas mal conventionnel. Des voix bien grasses qui gueulent à l’unisson. Directs héritiers de la vague 90’s, à la limite d’être une parodie d’eux-mêmes avec leur wannabe chemises de gendarme. Avec un premier long-jeu intitulé NOFX And out come the wolves dookie, disons qu’on peut difficilement se mépriser. Mais encore…
Vinrent ensuite les torontois de The Dying Arts. Leur riffs étaient un brin trop mellow pour la crowd d’enflammés qu’il y avait dans la place cette nuit là, mais au-delà du contexte, de l’heure et de la journée, il y a là quelque chose de grand. Le genre de son qui peut se rendre n’importe où. Quelque chose des Foo Fighters, avec une colère profonde, une sagesse et la voix de bluesman hargneuse mais mature de Mike Portoghese. Leur EP éponyme sorti l’été dernier est TRÈS solide. À surveiller.
Puis, ce fut leur tour. Dans l’aveuglante blancheur des projecteurs, ils entrèrent sur la scène lentement. La botte sur l’ampli, le poing en l’air et la foule, fin prête, qui entame en choeur leur hymne révolutionnaire: Turncoat! Killer! Liar! Thief! Criminal with.. protection of the Law! L’étincelle sur le bout de la mèche et c’en était parti pour une heure intensive de ces vibrants appels à la rébellion qui ont fait la réputation de ces verbomoteurs punkers. Et ils les ont défilés un à un sans même y penser, du bout des doigts en bondissant en l’air au son de leurs mélodies explosives.
Et, une fois qu’ils eurent fini l’album jubilé d’un couvert à l’autre, ils nous ont clanché un “rappel” de pas moins d’une dizaine de succès à la chaîne, à crier dans le mégaphone. De quoi épuiser le plus tenace des guerriers du mosh pit.
Défoulement total pour les impolis, pour ceux qui ne sont toujours pas résignés, qui croient qu’il y a encore une raison de s’exprimer, de s’indigner. Que tout n’est pas perdu. Chapeau aux optimistes, vous me faites du bien.